Introduction
Quand tu croques dans une pomme, tu profites sans le savoir d’un service rendu par la nature. Sans les abeilles et autres insectes pollinisateurs, ce fruit n’aurait sans doute jamais vu le jour. L’eau que tu bois a été filtrée par des sols et des zones humides. L’air que tu respires a été purifié en partie par les forêts et les océans.
Tous ces bénéfices, fournis gratuitement par la nature, sont appelés services écosystémiques. Ce concept a été formalisé au début des années 2000 par l’Évaluation des Écosystèmes pour le Millénaire (Millennium Ecosystem Assessment), qui distingue quatre grandes catégories : approvisionnement, régulation, culturels et soutien. Ces services reposent sur la diversité génétique, spécifique et fonctionnelle des écosystèmes : plus cette diversité est grande, plus les services rendus sont stables et résilients face aux perturbations.
Les services d’approvisionnement : nourrir et fournir des ressources
Les écosystèmes nous offrent directement des biens indispensables. Les services d’approvisionnement regroupent tout ce que la nature fournit de manière tangible : nourriture, eau, bois, fibres, molécules médicinales.
Les océans, par exemple, constituent une immense réserve de protéines. Mais lorsque la surpêche épuise les stocks, comme pour la morue de Terre-Neuve dans les années 1990, ce service s’effondre brutalement. En Europe, les forêts tempérées couvrent environ 35 % de la surface totale, fournissant du bois pour la construction et le chauffage, mais aussi des ressources alimentaires (champignons, gibier, fruits).
À retenir
Les services d’approvisionnement désignent les ressources matérielles offertes par les écosystèmes, essentielles pour l’alimentation, la santé et l’énergie des sociétés humaines.
Les services de régulation : maintenir les équilibres écologiques
Les écosystèmes assurent aussi des fonctions souvent non perçues mais fondamentales pour la stabilité de la planète. Ce sont les services de régulation.
Les forêts et les océans jouent un rôle majeur dans le cycle du carbone en absorbant une partie du CO₂ émis par les activités humaines. Les forêts tempérées, par exemple, sont de véritables puits de carbone lorsqu’elles sont en croissance, mais deviennent des sources de carbone quand elles sont dégradées.
La pollinisation est un autre service crucial : environ 75 % des cultures mondiales dépendent, au moins en partie, de ce processus assuré par les insectes. Les zones humides filtrent naturellement l’eau et réduisent les risques d’inondation. Les haies et prairies préviennent l’érosion des sols. Les chauves-souris, en consommant des insectes nuisibles, limitent l’usage de pesticides. Enfin, les récifs coralliens protègent les côtes des tempêtes.
À retenir
Les services de régulation correspondent aux fonctions écologiques qui stabilisent le climat, maintiennent la fertilité des sols, régulent l’eau, assurent la pollinisation et réduisent certains risques naturels.
Les services culturels : inspirer et relier
Les écosystèmes ne rendent pas seulement des services matériels ou écologiques : ils jouent aussi un rôle immatériel dans nos vies. Les services culturels regroupent les bénéfices liés aux loisirs, à la santé, au patrimoine et à la spiritualité.
Les paysages naturels attirent chaque année des millions de visiteurs, générant un tourisme essentiel à de nombreuses économies locales. En France, la fréquentation des parcs nationaux dépasse les 10 millions de visiteurs par an. Au-delà des chiffres, ces espaces apportent du bien-être, de la détente et de l’inspiration artistique. Ils sont aussi porteurs de traditions, de récits et de valeurs symboliques pour de nombreuses cultures.
À retenir
Les services culturels sont immatériels mais essentiels : loisirs, tourisme, identité culturelle, inspiration artistique et spirituelle, bien-être psychologique.
Les services de soutien : la base de tous les autres
Enfin, certains services ne se voient pas directement, mais rendent possibles tous les autres. Ce sont les services de soutien. Ils regroupent les processus fondamentaux qui assurent le fonctionnement global des écosystèmes : production primaire (photosynthèse des végétaux chlorophylliens), fixation de l’azote atmosphérique par certains micro-organismes du sol ou des racines (comme les bactéries associées aux légumineuses), formation des sols, cycles des nutriments (carbone, azote, phosphore).
Ces services garantissent la fertilité des sols agricoles, la régénération de l’air et de l’eau, et la possibilité pour les autres services d’exister. Sans eux, aucun approvisionnement durable ni aucune régulation écologique ne seraient possibles.
À retenir
Les services de soutien sont les processus de base (photosynthèse, fixation de l’azote, formation des sols, cycles des nutriments) qui rendent possibles tous les autres services écosystémiques.
Biodiversité et stabilité des services
Tous ces services dépendent directement de la biodiversité sous ses trois dimensions : génétique, spécifique et écosystémique. Mais c’est surtout la diversité fonctionnelle (la variété des rôles joués par les espèces) qui garantit la résilience des écosystèmes, c’est-à-dire leur capacité à retrouver un équilibre après une perturbation. Par exemple, dans une prairie riche en espèces végétales, si une sécheresse réduit fortement certaines plantes, d’autres espèces peuvent prendre le relais et maintenir la production de biomasse. La biodiversité agit donc comme une assurance-vie pour la stabilité des services.
À retenir
La diversité génétique, spécifique, écosystémique et fonctionnelle conditionne la stabilité des services rendus par la nature. Elle permet aux écosystèmes d’être résilients face aux perturbations.
Conclusion
Les services écosystémiques, définis par le Millennium Ecosystem Assessment, se déclinent en quatre grandes catégories : approvisionnement, régulation, culturels et soutien. Ils reposent sur la biodiversité, qui en garantit la continuité et la stabilité.
Mais ces services sont aujourd’hui menacés par l’anthropisation (artificialisation des sols, urbanisation), la déforestation, la pollution, l’introduction d’espèces invasives et le changement climatique. Ces pressions affaiblissent la biodiversité et fragilisent les services dont dépend l’humanité.
La gestion durable des écosystèmes devient donc un enjeu central : développement d’aires protégées, restauration des milieux dégradés, maintien de corridors écologiques, politiques internationales (comme la COP15 sur la biodiversité). Pour coordonner cette action mondiale, l’IPBES, équivalent du GIEC pour la biodiversité, évalue régulièrement l’état des écosystèmes et fournit des recommandations scientifiques aux décideurs. Préserver les services écosystémiques, c’est préserver l’alimentation, la santé, le climat et le bien-être des générations présentes et futures.
