Les raisons d'un engagement politique

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Dans cette leçon, tu analyses les raisons qui poussent (ou non) les citoyens à s’engager politiquement. Incitations, rétributions, opportunités politiques et inégalités sociales sont autant de facteurs qui expliquent la diversité des parcours d’engagement, du vote au cyberactivisme. Mots-clés : engagement politique, incitations, rétributions, opportunités politiques, capital social, action collective.

Introduction

Dans une démocratie, l’engagement politique prend diverses formes, allant de la participation conventionnelle (comme le vote) à l’engagement non conventionnel, qui inclut des actions plus contestataires telles que les manifestations, la désobéissance civile ou le cyberactivisme. Cet engagement peut être influencé par un ensemble complexe de facteurs, parmi lesquels les incitations, les rétributions et la structure des opportunités politiques.

Ces facteurs sont essentiels pour comprendre pourquoi certains citoyens s’engagent et d'autres non. Cependant, les inégalités sociales et politiques, notamment liées au genre, à l’âge, ou encore au niveau d’éducation, peuvent profondément affecter l’accès à ces opportunités d’engagement. Les travaux de chercheurs comme Robert Putnam sur le capital social montrent bien que les ressources sociales disponibles, telles que les réseaux et les relations sociales, influencent de manière significative la capacité des individus à s’impliquer politiquement.

Les incitations à l’engagement : dépasser le paradoxe de l’action collective

Une explication centrale de l’engagement repose sur la théorie des incitations, formulée par Mancur Olson dans The Logic of Collective Action (1965). Olson y montre que, dans une action collective, chaque individu a intérêt à profiter des bénéfices de l’action des autres sans y participer, un phénomène connu sous le nom de « paradoxe de l’action collective ». Pour que les individus s’engagent malgré cela, des incitations doivent être mises en place.

Les incitations sélectives, telles que les avantages réservés aux participants (accès à des services ou à un réseau), sont une première réponse. Par exemple, les syndicats offrent souvent des services exclusifs à leurs membres.

Les incitations symboliques jouent un rôle essentiel. Elles incluent des motivations morales et affectives, comme la solidarité, le sentiment de devoir ou la reconnaissance de la part des autres. Ainsi, un individu peut être poussé à participer à une manifestation pour soutenir une cause, même sans lien direct avec elle.

Les incitations sont également cruciales pour comprendre les formes d’engagement plus conflictuelles, telles que la désobéissance civile, les blocages d’infrastructures ou le cyberactivisme. Ce dernier inclut des actions militantes utilisant des moyens numériques, qui peuvent être éthiques (tels que le hacking éthique) ou illégales (comme la perturbation de sites pour défendre des causes). Le cyberactivisme sous surveillance, comme le hacking ou les actions numériques en réponse à des injustices politiques, devient de plus en plus courant, notamment dans les régimes où les autorités tentent de contrôler l’expression publique.

À retenir

Les incitations à l’engagement peuvent être sélectives ou symboliques, et sont essentielles pour surmonter le paradoxe de l’action collective. Elles expliquent l’importance de l’engagement dans des formes traditionnelles ou non conventionnelles, comme le cyberactivisme.

Les rétributions de l’engagement : entre bénéfices sociaux et gratification personnelle

Les individus s’engagent aussi en raison des rétributions qu’ils peuvent en retirer. Daniel Gaxie dans Le cens caché (1978) montre que l’engagement politique procure des avantages, souvent invisibles, mais réels.

Les rétributions matérielles sont surtout présentes dans les engagements professionnels ou les postes permanents au sein d’organisations politiques ou syndicales. Toutefois, elles restent marginales dans l’engagement bénévole ou militant.

Les rétributions sociales, quant à elles, sont plus fréquentes. Elles englobent les bénéfices associés à l’appartenance à un groupe : reconnaissance, prestige, et, surtout, capital social. Le concept de capital social, largement développé par Robert Putnam, désigne l’ensemble des ressources sociales (réseaux, contacts, solidarité) qu’un individu peut mobiliser grâce à ses liens sociaux. L’engagement politique renforce ce capital, en offrant à l’individu une visibilité dans des réseaux militants ou politiques.

Les rétributions psychologiques désignent les satisfactions personnelles : le sentiment d’accomplissement, la fierté, ou la cohérence avec ses valeurs. Ces rétributions sont particulièrement importantes dans les formes d’engagement bénévole ou militant, où il n’y a pas de contrepartie matérielle immédiate. Elles permettent de renforcer l’engagement dans le temps.

Exemple : une personne qui participe à un mouvement écologiste peut ressentir une grande satisfaction personnelle en défendant la cause de la planète, tout en tissant des liens sociaux forts au sein du groupe militant.

À retenir

Les rétributions sociales, notamment sous forme de capital social, sont essentielles dans l’engagement politique. Elles renforcent les liens sociaux et permettent de maintenir l’implication des individus dans des causes collectives, au-delà des seules rétributions matérielles.

La structure des opportunités politiques : un contexte qui façonne l’engagement

L’engagement politique est aussi largement influencé par la structure des opportunités politiques, un concept développé par Charles Tilly et Sidney Tarrow. Cette structure désigne l’ensemble des éléments qui rendent l’action collective plus ou moins efficace, selon le contexte politique et institutionnel.

Plusieurs facteurs composent cette structure :

  • Le degré d’ouverture du système politique : plus un système est ouvert, plus il offre de possibilités pour s’exprimer et agir politiquement. Un régime démocratique, par exemple, offre davantage de canaux de participation qu’un régime autoritaire.

  • Le niveau de tolérance des autorités : si un État réprime violemment les protestations, les individus seront moins enclins à s’engager. À l’inverse, un État qui dialogue avec ses citoyens favorise l’engagement.

  • La présence d’alliés institutionnels : des acteurs politiques ou des partis qui soutiennent une cause peuvent faciliter l’engagement en offrant un cadre légitime et des ressources.

  • Les ressources disponibles : les moyens financiers, l’accès aux technologies, et la présence de réseaux sociaux influencent fortement l’engagement. Les plateformes numériques permettent à des individus peu organisés d’agir efficacement, comme le montrent les mouvements #MeToo ou les actions écologistes.

Les inégalités sociales et politiques jouent également un rôle important dans l’accès à ces opportunités. L’âge, le genre, le niveau d’éducation ou le revenu peuvent restreindre ou favoriser l’engagement.

Par exemple, les personnes plus jeunes ou ayant un niveau d’éducation élevé sont souvent plus enclines à participer aux actions collectives, notamment en raison de leur plus grand accès à l’information et aux réseaux sociaux. De plus, les femmes ou les groupes marginalisés peuvent rencontrer des obstacles spécifiques à leur participation, comme des discriminations ou un manque de représentation dans les instances décisionnelles.

À retenir

La structure des opportunités politiques façonne l’engagement en fonction du contexte, mais aussi des inégalités sociales et politiques. Le capital social, les ressources disponibles et l’accès aux informations sont des éléments clés influençant l’implication des individus.

Conclusion

L’engagement politique résulte d’une interaction complexe entre les motivations personnelles, les rétributions attendues, et la structure des opportunités. Les travaux de chercheurs tels que Mancur Olson, Daniel Gaxie, Michel Offerlé, Charles Tilly, Sidney Tarrow, et Robert Putnam permettent de mieux comprendre ces mécanismes. L’engagement n’est pas seulement un phénomène individuel, mais aussi une question de contexte : l’ouverture du système politique, les ressources sociales disponibles et les inégalités sociales influencent directement l’adhésion à des causes collectives.

Cette analyse nous aide à comprendre les différentes formes d’engagement, qu’elles soient conventionnelles ou non conventionnelles, et montre comment les citoyens, en fonction de leurs ressources et de leur environnement, choisissent de participer à la vie publique.