Les mutations sociales

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Dans cette leçon, tu vas découvrir comment l’industrialisation et l’urbanisation transforment la société française au milieu du XIXᵉ siècle. Tu verras la naissance de la question sociale, les conditions de vie difficiles des ouvriers, la loi de 1864 sur le droit de grève et la lente mutation du monde rural. Mots-clés : industrialisation, urbanisation, question sociale, droit de grève 1864, exode rural, conditions ouvrières.

Introduction

Au milieu du XIXe siècle, la France connaît une profonde métamorphose. Les campagnes commencent à se vider, attirées par l’essor des villes et des usines. Dans les rues, une foule nouvelle apparaît : des ouvriers venus chercher du travail, attirés par le bruit des machines et l’activité des ateliers. Mais ce bouleversement ne transforme pas seulement les paysages : il redéfinit aussi les conditions de vie, l’organisation du travail et les rapports sociaux. Dans ce contexte, la question sociale devient un sujet central, au cœur des débats politiques et des luttes naissantes.

Urbanisation et débuts de l’exode rural

L’urbanisation s’accélère, portée par l’industrie et l’essor des transports. Des villes comme Paris, Lyon, Lille ou Marseille attirent des populations venues des campagnes. Toutefois, avant 1870, l’exode rural reste encore limité dans son ampleur : il alimente la croissance de certaines grandes villes, mais le phénomène devient véritablement massif et durable seulement après l’avènement de la Troisième République.

Les villes changent de visage. À Paris, les travaux d’Haussmann percent de larges boulevards, construisent de nouveaux quartiers et imposent une organisation moderne de la capitale. Mais dans le même temps, les ouvriers s’installent dans les périphéries, là où les loyers sont plus accessibles. Les logements y sont souvent insalubres et surpeuplés, ce qui accentue la précarité de ces nouveaux citadins.

À retenir

Avant 1870, l’exode rural existe déjà mais reste limité ; il devient massif surtout sous la Troisième République.

Conditions de vie et de travail des ouvriers

L’essor industriel fait affluer vers les villes une main-d’œuvre nombreuse. Les ouvriers travaillent de longues journées, souvent jusqu’à 12 à 14 heures dans certaines branches, dans des ateliers mal chauffés et mal aérés. Les salaires restent faibles, l’emploi instable, et la moindre crise économique plonge des familles entières dans la misère.

Les conditions de vie ne sont guère meilleures. Les logements insalubres favorisent la propagation des maladies, et aucune protection sociale ne protège contre les accidents, le chômage ou la vieillesse. Quelques employeurs, comme les industriels du textile de Mulhouse ou Jean-Baptiste Godin à Guise avec son Familistère, tentent de mettre en place un modèle paternaliste, offrant logement et services. Mais ces initiatives restent exceptionnelles.

À retenir

Les ouvriers vivent et travaillent dans des conditions pénibles, marquées par l’insalubrité et l’absence totale de protection sociale.

La question sociale et les premières revendications ouvrières

On appelle question sociale l’ensemble des problèmes liés à la pauvreté, aux inégalités et aux conditions de vie des travailleurs. Au fil des années, elle s’impose comme une préoccupation politique majeure. Grèves, pétitions et discours d’intellectuels alimentent le débat public.

La loi Le Chapelier de 1791 interdit les coalitions, qu’elles soient formées par des ouvriers ou par des employeurs. Cette interdiction est confirmée en 1810 par le Code pénal napoléonien. Pourtant, les revendications se multiplient : réduction du temps de travail, augmentation des salaires, reconnaissance de droits collectifs. Les autorités restent méfiantes et surveillent étroitement ces mobilisations jusqu’aux premières réformes du Second Empire.

À retenir

La « question sociale » devient un enjeu politique majeur, alors même que les coalitions de travailleurs et d’employeurs restent interdites par la loi jusqu’au milieu du XIXe siècle.

La loi du 25 mai 1864 et le droit de grève

Le Second Empire, d’abord autoritaire, évolue peu à peu vers plus de libertés. Le 25 mai 1864, une loi abolit le « délit de coalition » et introduit une dépénalisation partielle du droit de grève. Cette reconnaissance reste limitée : les grèves ne doivent pas dégénérer en violences et ne peuvent entraver la liberté du travail. Les syndicats, eux, ne seront autorisés qu’en 1884.

Cette loi ne constitue donc pas une pleine reconnaissance du droit de grève, mais elle représente une étape symbolique et concrète dans la conquête progressive des droits collectifs.

À retenir

En 1864, la loi dépénalise partiellement le droit de grève, ouvrant une brèche dans l’interdiction des coalitions mais sans reconnaître encore pleinement les libertés ouvrières.

Permanences et transformations du monde rural

Malgré l’essor des villes, la France demeure un pays rural au milieu du XIXᵉ siècle. La majorité de la population vit de l’agriculture, qui se transforme lentement. Les rendements progressent et les cultures se diversifient, mais la mécanisation reste rare avant les années 1880.

Certaines régions se spécialisent : le Bordelais dans la vigne, l’Île-de-France dans le maraîchage. Ailleurs, l’agriculture vivrière domine encore. Les départs vers les villes ou l’émigration vers l’Algérie ou les États-Unis modifient les équilibres locaux. Dans les campagnes, les hiérarchies sociales perdurent : grands propriétaires, petits paysans et journaliers agricoles cohabitent dans un monde qui change, mais à un rythme plus lent que celui des villes.

À retenir

Le monde rural conserve un poids essentiel, mais amorce des transformations : diversification des cultures, migrations vers les villes ou l’étranger, lente évolution des structures sociales.

Conclusion

Au milieu du XIXe siècle, la France est une société en transition. L’industrialisation et l’urbanisation bouleversent les modes de vie et font émerger la question sociale. La loi de 1864, en dépénalisant partiellement le droit de grève, marque une première étape, mais bien incomplète, dans la reconnaissance des droits ouvriers. Pourtant, la France reste largement rurale, marquée par un équilibre fragile entre permanences et mutations qui préparent les grandes transformations de la fin du siècle.