Introduction
Au lendemain du congrès de Vienne (1815), les souverains restaurés veulent effacer l’héritage révolutionnaire et consolider leur pouvoir. Ils s’appuient sur la diplomatie et l’équilibre entre grandes puissances pour maintenir la stabilité. Mais dans les cafés, les universités et les imprimeries, une autre Europe s’invente : on y débat de liberté, d’unité nationale et de la conviction que la véritable légitimité politique appartient non au monarque, mais à la nation.
Une nouvelle génération grandit dans ce climat. Marquée par les idéaux de 1789 et par l’expérience napoléonienne, elle refuse l’immobilisme imposé par les rois. Étudiants, écrivains et exilés commencent à tisser des réseaux clandestins et à préparer les secousses politiques qui vont rythmer tout le XIXᵉ siècle.
Les idéaux des mouvements libéraux et nationaux
Les libéraux réclament des libertés politiques : liberté de la presse, liberté d’association, égalité devant la loi. Ils veulent des constitutions qui limitent le pouvoir des souverains et garantissent les droits des citoyens.
Les nationalistes, eux, défendent le principe que l’autorité doit venir de la nation et non d’un monarque absolu. Ils affirment aussi que les peuples partageant une même langue, une même culture ou une même histoire doivent pouvoir s’unir ou accéder à l’indépendance. Ce projet se heurte toutefois à une difficulté : les frontières politiques ne coïncident pas toujours avec les identités collectives.
À retenir
Les mouvements libéraux et nationaux associent défense des libertés et affirmation de la nation comme source de légitimité, en réclamant unité ou indépendance pour les peuples.
Des formes de mobilisation variées
La répression oblige ces mouvements à agir dans l’ombre. Des sociétés secrètes voient le jour, comme les carbonari en Italie, qui préparent des insurrections contre les dynasties soutenues par l’Autriche. D’autres misent sur la plume : pamphlets clandestins, journaux, tracts circulent malgré la censure. Les exilés politiques, chassés de leur pays, jouent aussi un rôle essentiel en diffusant les idées à l’étranger.
Un exemple marquant est celui de Giuseppe Mazzini, fondateur en 1831 de la Jeune-Italie, une organisation qui milite pour l’unité de la péninsule sous forme républicaine. Depuis Marseille puis Londres, Mazzini entretient une correspondance avec des patriotes italiens, multiplie les publications et inspire des réseaux militants à travers l’Europe.
À retenir
Sociétés secrètes, presse clandestine et réseaux d’exilés sont les principaux moyens de diffusion des idéaux libéraux et nationaux.
Les grands soulèvements
Dès les années 1820, les idées se traduisent en révoltes concrètes.
1821-1832 : la Grèce se soulève contre l’Empire ottoman. Le massacre de Chios (avril 1822), où des milliers de civils sont tués ou réduits en esclavage, bouleverse l’opinion européenne. Des artistes comme Delacroix s’engagent en faveur des insurgés, tandis que des volontaires étrangers rejoignent les rangs grecs : c’est le mouvement philhellène. L’indépendance est d’abord confirmée par le protocole de Londres (1830), puis définitivement garantie par le traité de Londres (1832), qui fixe les frontières et choisit un roi pour le nouvel État.
1830 : une vague révolutionnaire secoue l’Europe. À Paris, les Trois Glorieuses renversent Charles X et donnent naissance à la monarchie de Juillet, monarchie constitutionnelle dirigée par Louis-Philippe. En Belgique, la révolte d’août débouche sur l’indépendance. En Pologne, une insurrection éclate mais est écrasée par la Russie. En Italie, les révoltes dans les duchés du centre et les États pontificaux sont réprimées par l’Autriche.
1848 : le « Printemps des peuples » embrase le continent. En France, la IIᵉ République est proclamée. En Allemagne, l’assemblée de Francfort élabore un projet d’unification, mais l’échec est rapide : le roi de Prusse refuse la couronne proposée et les divisions entre États empêchent l’unité. En Italie, la République romaine est proclamée en 1849, mais elle est rapidement écrasée par les troupes françaises envoyées par Louis-Napoléon Bonaparte pour rétablir le pape. Dans l’Empire d’Autriche, les nationalités se soulèvent de Vienne à Budapest.
À retenir
De la Grèce indépendante (1832) aux révolutions de 1830 et de 1848, les insurrections traduisent la montée des idéaux libéraux et nationaux. Même réprimées, elles laissent une empreinte durable dans la mémoire politique.
La circulation des idées et des hommes
Ces mouvements gagnent en force grâce à la mobilité croissante des hommes et des idées. Les exilés transportent leurs convictions d’un pays à l’autre et constituent de véritables passerelles militantes entre les capitales européennes. La presse, les pamphlets et les livres contournent les censures et franchissent les frontières.
Les universités deviennent aussi des foyers de contestation. Dès 1815-1817, des étudiants allemands se regroupent dans les Burschenschaften, associations patriotiques qui célèbrent en 1817 la fête de la Wartburg en mémoire de Luther et des victoires contre Napoléon. Ils y affirment leurs idéaux de liberté et d’unité nationale. À Paris, Londres ou Genève, les exilés créent des cercles où se croisent Italiens, Polonais, Espagnols, Hongrois. Ainsi se forme un espace intellectuel et militant qui donne à l’Europe une conscience politique partagée.
À retenir
Grâce aux exilés, aux universités et à la presse, un espace européen d’échanges militants se développe et accélère la diffusion du libéralisme et du nationalisme.
Conclusion
Dans la première moitié du XIXe siècle, les mouvements libéraux et nationaux contestent l’ordre figé par le congrès de Vienne. Ils défendent les libertés politiques et affirment que la nation est la véritable source de légitimité. Par la clandestinité, les insurrections, les réseaux d’exilés et la circulation des écrits, ils transforment l’Europe en un véritable laboratoire politique, c’est-à-dire un lieu d’expérimentation des nouveaux régimes et des idées de liberté. Même réprimés, les soulèvements grecs, belges, italiens, allemands ou français montrent que les peuples refusent de se taire : ils préparent les bouleversements décisifs de la seconde moitié du siècle.
