Les expériences de monarchie constitutionnelle en France

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Dans cette leçon, tu vas comprendre comment la France expérimente deux monarchies constitutionnelles avec la Charte de 1814 et la Monarchie de Juillet. Tu verras comment ces régimes tentent de concilier héritage révolutionnaire et pouvoir royal, tout en restant fragilisés par un suffrage limité et de fortes oppositions. Mots-clés : Charte de 1814, Monarchie de Juillet, Louis XVIII, Louis-Philippe, monarchie constitutionnelle, Trois Glorieuses.

Introduction

Printemps 1814. Napoléon abdique et part pour l’île d’Elbe. Après plus de vingt ans de bouleversements révolutionnaires et impériaux, la France voit revenir sur le trône un Bourbon : Louis XVIII. Les puissances victorieuses, soucieuses de rétablir l’ordre en Europe, ouvrent en septembre 1814 le congrès de Vienne, qui ne se clôt qu’en juin 1815, peu après la défaite finale de Napoléon à Waterloo. En France, la monarchie restaurée ne peut toutefois revenir totalement à l’Ancien Régime : la société a profondément changé. Le compromis prend la forme d’une monarchie constitutionnelle, d’abord sous la Charte de 1814, puis, après la Révolution de 1830, sous une version révisée avec la Monarchie de Juillet. Ces deux expériences tentent de concilier tradition monarchique et aspirations libérales, mais leur équilibre reste fragile.

La Charte de 1814 : un compromis entre monarchie et héritage révolutionnaire

Promulguée et octroyée par Louis XVIII le 4 juin 1814, la Charte constitutionnelle rétablit la monarchie tout en confirmant certains acquis de la Révolution et de l’Empire.

Le roi conserve un rôle prépondérant : il détient l’initiative des lois, nomme les ministres et garde un pouvoir exécutif fort. Le Parlement est bicaméral, composé de la Chambre des pairs (nommés par le roi) et de la Chambre des députés (élus au suffrage censitaire). Mais ce suffrage reste extrêmement limité : seuls environ 100 000 électeurs, grands propriétaires fortunés, peuvent voter dans un pays de 30 millions d’habitants.

La Charte garantit l’égalité civile, la liberté de culte et la propriété, y compris celle des biens nationaux acquis pendant la Révolution. Mais la souveraineté reste présentée comme un don du roi, la presse demeure restreinte et le suffrage très étroit limite toute véritable participation politique.

À retenir

La Charte de 1814 instaure une monarchie constitutionnelle où le roi conserve de larges pouvoirs, tandis que le suffrage, réservé à environ 100 000 électeurs, réduit fortement la vie politique.

La Révolution de 1830 et les Trois Glorieuses

En juillet 1830, le règne de Charles X, successeur de Louis XVIII, bascule dans la crise. Sa politique conservatrice mécontente les libéraux. Le 25 juillet, les ordonnances de Juillet restreignent la liberté de la presse, dissolvent la Chambre et modifient le système électoral au profit des plus riches.

Du 27 au 29 juillet, Paris se soulève : barricades et combats de rue opposent insurgés et troupes royales. Ces Trois Glorieuses contraignent Charles X à abdiquer. Mais la monarchie n’est pas abolie : le trône est confié à Louis-Philippe d’Orléans, proclamé « roi des Français » et non « roi de France », symbole d’une monarchie se voulant nationale. Une nouvelle Charte est adoptée.

À retenir

Les Trois Glorieuses renversent Charles X et instaurent la Monarchie de Juillet, une monarchie constitutionnelle dirigée par Louis-Philippe.

La Charte révisée de 1830 et les orientations politiques de la Monarchie de Juillet

La Charte de 1830 n’est pas octroyée par le roi, comme celle de 1814 : elle est adoptée par les Chambres, puis acceptée par Louis-Philippe. Elle reste une révision du texte de 1814, mais modifie certains points importants.

La souveraineté nationale n’est pas pleinement affirmée, mais le rôle des Chambres est renforcé : l’initiative des lois appartient désormais au roi et aux députés, ce qui limite la possibilité pour le monarque d’imposer seul sa volonté. La référence au caractère sacré du roi disparaît.

Le suffrage censitaire est élargi grâce à l’abaissement du cens, ce qui augmente le nombre d’électeurs, mais il reste réservé aux plus riches. La liberté de la presse est mieux protégée et le drapeau tricolore, symbole de la Révolution, remplace le drapeau blanc des Bourbons.

Sous Louis-Philippe, la Monarchie de Juillet se veut un régime de « juste milieu », cherchant à éviter à la fois le retour de l’absolutisme et la poussée démocratique.

À retenir

La Charte de 1830, adoptée par les Chambres, réduit certaines prérogatives royales et renforce le rôle parlementaire, tout en maintenant une forte influence du roi.

Les tensions et oppositions

Ces deux monarchies constitutionnelles se heurtent à des oppositions multiples. Les légitimistes, partisans de la branche aînée des Bourbons, refusent toute limitation du pouvoir royal. Les libéraux souhaitent un élargissement du suffrage et une influence accrue du Parlement. Les républicains et ouvriers dénoncent le suffrage censitaire et réclament un régime démocratique et social.

Sous la Monarchie de Juillet, plusieurs insurrections éclatent. La plus marquante est la révolte des canuts à Lyon (1831 et 1834). Celle de 1831 débute comme une protestation sociale contre la baisse des tarifs de la soie, mais prend rapidement une dimension politique. La répression est extrêmement violente, marquant la fermeté et la dureté du régime face aux revendications populaires.

À retenir

Entre 1814 et 1848, les monarchies constitutionnelles françaises restent fragiles, contestées à la fois par les conservateurs et par les partisans d’une démocratie élargie. Les insurrections, comme celle des canuts, révèlent la dureté de la répression.

Conclusion

De la Charte de 1814 à celle de 1830, la France expérimente deux formes de monarchie constitutionnelle. Elles conservent certains acquis de la Révolution, mais reposent sur un suffrage extrêmement limité et un roi encore puissant. Contestées par les légitimistes, les libéraux et les républicains, elles ne parviennent pas à stabiliser durablement le pays. Fragilisée par ces tensions, la Monarchie de Juillet s’effondre en 1848, ouvrant la voie à la Deuxième République.