Les modèles climatiques : principes et fonctionnement

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Dans cette leçon, tu vas découvrir comment les scientifiques utilisent les modèles climatiques pour simuler l’évolution du climat selon différents scénarios. Tu apprendras à décrypter leur fonctionnement, leurs limites et leur rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement global. Mots-clés : modèle climatique, GIEC, CMIP6, scénarios SSP, réchauffement climatique, projection du climat.

Introduction

Face aux bouleversements climatiques contemporains, il est indispensable de comprendre comment les scientifiques anticipent l’évolution du climat. Les modèles climatiques sont des outils fondamentaux qui permettent de simuler le comportement du système Terre et d’en prévoir les transformations en fonction de divers scénarios d’émissions de gaz à effet de serre. Utilisant les lois physiques, des données empiriques et des calculs numériques, ces modèles constituent une aide précieuse pour éclairer les choix politiques, économiques et sociaux.

Étudier les modèles climatiques, c’est non seulement apprendre à décrypter leurs projections, mais aussi à en comprendre les fondements scientifiques, les limites et les incertitudes. Cette approche permet de mobiliser des compétences telles que l’analyse de données, l’interprétation de résultats simulés, ou encore la distinction entre corrélation et causalité, tout en développant un esprit critique face à des projections complexes.

Ce qu’est un modèle climatique

Un modèle climatique est une représentation numérique du système climatique terrestre, c’est-à-dire de l’ensemble des interactions entre l’atmosphère, l’hydrosphère, la biosphère, la cryosphère et la lithosphère. Il vise à décrire le fonctionnement de ce système, à reproduire ses évolutions passées et à simuler ses évolutions futures selon différents scénarios.

Ces modèles reposent sur les lois fondamentales de la physique (comme la conservation de l’énergie, la thermodynamique ou la mécanique des fluides via les équations de Navier-Stokes), qu’ils traduisent en équations mathématiques. Ces équations sont ensuite résolues numériquement sur une grille tridimensionnelle qui divise le globe en mailles de plusieurs dizaines à centaines de kilomètres.

Un exemple simple d’outil de modélisation est le modèle radiatif d’équilibre, qui estime la température moyenne d’un corps planétaire (comme la Terre) en supposant un équilibre entre l’énergie solaire absorbée et l’énergie infrarouge émise. Cet équilibre radiatif permet de calculer une température théorique, sans tenir compte des rétroactions ni de la complexité du système réel.

À retenir

  • Un modèle climatique simule le fonctionnement global du système Terre à partir des lois physiques.

  • Le modèle radiatif d’équilibre repose sur le principe d’un équilibre radiatif simplifié.

  • Les équations physiques sont résolues numériquement sur un maillage global tridimensionnel.

Les familles de modèles climatiques

Il existe plusieurs types de modèles climatiques, qui se distinguent par leur niveau de complexité, leur portée spatiale et leur finalité scientifique.

Modèles conceptuels

Très simples, ces modèles visent à illustrer un processus physique donné (bilan radiatif, effet de serre, etc.). Leur intérêt est essentiellement pédagogique ou exploratoire. Par exemple, un modèle de type boîte permet de représenter la Terre comme un corps noir, absorbant une fraction du rayonnement solaire et en réémettant une partie sous forme infrarouge.

Modèles intermédiaires (MSTCI)

Les Modèles du système Terre de complexité intermédiaire se situent entre les modèles conceptuels et les modèles complexes de circulation générale. Ils intègrent davantage de composantes que les modèles simples, comme les cycles du carbone, la circulation océanique ou la biosphère, tout en conservant une architecture simplifiée. Leur intérêt réside dans leur capacité à simuler des évolutions climatiques longues (sur plusieurs millénaires) tout en réduisant les coûts de calcul.

Modèles de circulation générale (MCG)

Les modèles de circulation générale sont les plus complets. Ils intègrent les échanges d’énergie, de matière et d’humidité à l’échelle du globe, en 3D, avec des mailles fines et des pas de temps courts (de l’ordre de quelques minutes). Ils simulent la dynamique atmosphérique et océanique, les interactions avec la végétation, les cycles biogéochimiques, ou encore la formation des nuages.

À retenir

  • Les modèles climatiques sont classés selon leur complexité : conceptuels, MSTCI et MCG.

  • Les MSTCI permettent des simulations globales sur de longues périodes avec une complexité modérée.

  • Les MCG sont les plus détaillés et intègrent l’ensemble des composantes du système climatique.

Construction et validation des modèles climatiques

La construction d’un modèle climatique repose sur plusieurs étapes :

  • la formulation des équations physiques décrivant les processus (convection, rayonnement, cycle de l’eau…) ;

  • leur discrétisation numérique sur un maillage tridimensionnel ;

  • la paramétrisation de certains phénomènes trop fins pour être explicitement modélisés (formation des nuages, turbulence, etc.) ;

  • leur implémentation informatique suivie de comparaisons croisées avec des observations.

La validation d’un modèle passe par la confrontation de ses résultats avec :

  • des données historiques (températures, précipitations, niveaux marins, etc.) ;

  • des reconstructions paléoclimatiques (carottes glaciaires, sédiments, etc.) ;

  • des événements naturels connus (volcans, El Niño) dont les effets sont observables.

Les modèles les plus utilisés aujourd’hui sont ceux du projet CMIP6 (Coupled Model Intercomparison Project Phase 6), une initiative internationale coordonnée par le GIEC. Ils servent de base aux rapports du GIEC pour simuler les effets du changement climatique selon divers scénarios d’émissions.

À retenir

  • Un modèle climatique repose sur la discrétisation numérique d’équations physiques fondamentales.

  • Il est validé par confrontation aux observations actuelles et passées, dans une logique de comparaison croisée.

  • Le projet CMIP6 regroupe les modèles de référence mobilisés par les scientifiques et le GIEC.

Projections climatiques et scénarios d’émissions

Les modèles climatiques permettent de projeter l’évolution future du climat selon différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre. Ces scénarios sont définis par le GIEC sous le nom de SSP (Trajectoires socio-économiques partagées).

Chaque SSP associe une trajectoire socio-économique à un niveau de forçage radiatif en 2100, exprimé en watts par mètre carré. Par exemple :

  • SSP1-2.6 correspond à un monde engagé dans une transition durable, avec un forçage de 2,6 W/m22{,}6\ \text{W/m}^2 ;

  • SSP2-4.5 représente un scénario intermédiaire, avec des efforts modérés ;

  • SSP5-8.5 suppose une croissance économique très dépendante des énergies fossiles, avec un forçage de 8,5 W/m28{,}5\ \text{W/m}^2.

Les modèles du CMIP6 montrent qu’en l’absence de réduction forte des émissions, la température moyenne mondiale pourrait augmenter de 4,4 °4{,}4\ \degreeC d’ici 2100 (SSP5-8.5), contre 1,6 °1{,}6\ \degreeC dans un scénario sobre (SSP1-2.6).

À retenir

  • Les scénarios SSP du GIEC permettent de simuler l’évolution du climat selon divers choix de société.

  • Le scénario SSP5-8.5 projette une hausse de 4,4 °4{,}4\ \degreeC de la température moyenne d’ici 2100.

  • Les modèles du CMIP6 traduisent l’impact direct des trajectoires humaines sur le réchauffement global.

Incertitudes et usage raisonné des modèles

Les projections climatiques comportent des incertitudes :

  • sur les émissions futures (liées aux décisions politiques et économiques) ;

  • sur la structure des modèles (maillage, paramétrisation) ;

  • sur la variabilité naturelle du climat.

Pour limiter leur impact, les climatologues :

  • utilisent des ensembles de modèles variés (multimodèles) ;

  • réalisent des simulations multiples selon différentes conditions initiales ;

  • confrontent les résultats à des observations vérifiées, dans un cadre de validation croisée.

Ces méthodes permettent de construire des plages d’incertitude autour des prévisions, et de repérer les tendances robustes, malgré les imprécisions ponctuelles.

À retenir

  • Les incertitudes des modèles concernent les choix humains, la complexité du climat et les limites techniques.

  • Le recours à des multimodèles et à la validation croisée permet de dégager des tendances fiables.

  • Les modèles offrent des futurs possibles, non des prédictions absolues.

Conclusion

Les modèles climatiques sont des instruments scientifiques essentiels pour comprendre le fonctionnement du climat terrestre et anticiper ses évolutions. Du simple modèle conceptuel au modèle complexe du CMIP6, chaque outil apporte un éclairage complémentaire sur les mécanismes en jeu et les trajectoires possibles.

En croisant lois physiques, observations empiriques et projections numériques, les modèles permettent d’identifier des tendances robustes, comme le lien entre émissions humaines et réchauffement global, tout en tenant compte des incertitudes. Leur bon usage suppose un esprit critique, une culture scientifique solide et une vigilance constante sur les limites des simulations.

Face à l’ampleur des enjeux climatiques, ils demeurent des outils puissants et indispensables, pour éclairer les débats publics, orienter les politiques environnementales et renforcer la compréhension collective des défis planétaires.