Les méthodes de mesure du méridien terrestre

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Dans cette leçon, tu vas découvrir comment Ératosthène, puis Delambre et Méchain, ont mesuré la taille de la Terre grâce à la géométrie et à la triangulation. Tu verras aussi comment ces travaux ont conduit à la création du mètre et comment la définition de cette unité a évolué jusqu’à reposer sur la vitesse de la lumière. Mots-clés : Ératosthène, Delambre et Méchain, méridien, mètre, géoïde, mesure de la Terre.

Introduction

Depuis l’Antiquité, les savants ont cherché à mesurer la taille de la Terre. Une telle entreprise est essentielle : elle permet de passer de l’intuition d’une Terre sphérique à une connaissance chiffrée du globe. Deux méthodes ont marqué l’histoire : celle d’Ératosthène au IIIe siècle av. J.-C., fondée sur l’observation du Soleil et la géométrie, et celle de Delambre et Méchain au XVIIIe siècle, reposant sur la triangulation géodésique. Ces travaux sont directement liés à la naissance de notre unité de mesure moderne : le mètre, pensé comme universel et rationnel à l’époque de la Révolution française.

La méthode d’Ératosthène : géométrie et mesures antiques

Au IIIe siècle av. J.-C., Ératosthène, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, imagine une expérience fondée sur les observations solaires. À Syène (aujourd’hui Assouan, en Égypte), au solstice d’été, le Soleil est exactement au zénith : ses rayons tombent verticalement au fond des puits. Le même jour, à Alexandrie, une tige projette une ombre, révélant un angle d’environ 7,2° (légèrement inférieur), soit ≈ 1/50 de cercle.

En supposant que le Soleil est très éloigné et que ses rayons arrivent parallèles, Ératosthène comprend que cet angle correspond à la portion de la circonférence terrestre séparant les deux villes. Il évalue la distance Syène–Alexandrie à 5 000 stades, soit environ 790 à 800 km selon la valeur du stade utilisée (mesure basée sur les unités antiques de distance environ 157,5 mètres selon les estimations). En multipliant cette distance par 50, il obtient une circonférence comprise entre 39 000 et 46 000 km.

Ce résultat n’était donc pas « miraculeusement proche » de la valeur actuelle (40 075 km), mais constituait une estimation de l’ordre de grandeur correcte, remarquable pour l’époque.

À retenir

En utilisant la géométrie et les mesures antiques, Ératosthène a donné la première estimation quantitative de la circonférence de la Terre, avec une incertitude liée aux unités employées et aux distances approximatives.

La triangulation de Delambre et Méchain : mesurer un méridien

Au XVIIIe siècle, la Révolution française veut établir une unité universelle de mesure, indépendante des royaumes et des rois. L’Académie des sciences décide que le mètre sera défini comme la dix-millionième partie du quart de méridien terrestre : autrement dit, 10 millions de mètres doivent couvrir la distance entre l’équateur et le pôle Nord.

Pour réaliser cette mesure, deux astronomes, Jean-Baptiste Delambre et Pierre Méchain, sont chargés d’évaluer la longueur d’un arc de méridien compris entre Dunkerque et Barcelone (et non tout le quart de méridien). Leur méthode repose sur la triangulation : ils mesurent avec précision une base de quelques kilomètres au sol, puis construisent une chaîne de triangles en observant les angles entre clochers, collines et tours. À partir de cette base et des angles, ils calculent progressivement les distances sur plusieurs centaines de kilomètres.

Leur travail fut considérable et ardu. Méchain rencontra des difficultés géographiques et politiques (montagnes des Pyrénées, guerres révolutionnaires) et commit certaines erreurs instrumentales. Le résultat comportait donc une incertitude non négligeable, mais permit tout de même de fixer officiellement la longueur du mètre.

Cette entreprise illustre à la fois le progrès scientifique et la volonté politique : fonder une unité de mesure rationnelle, universelle et indépendante des pouvoirs locaux, symbole de l’esprit des Lumières et de la Révolution.

À retenir

Delambre et Méchain ont mesuré par triangulation un arc de méridien entre Dunkerque et Barcelone. Leur résultat, malgré quelques erreurs, a servi à définir le mètre comme une fraction du quart de la Terre.

Débats scientifiques et précision de la forme terrestre

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, un grand débat oppose les newtoniens, qui affirment que la Terre est aplatie aux pôles par sa rotation, et les cartésiens, qui pensent au contraire qu’elle est allongée. Pour résoudre cette controverse, l’Académie des sciences organisa deux expéditions géodésiques : l’une en Laponie (Maupertuis), l’autre au Pérou (La Condamine). Les résultats confirmèrent Newton : la Terre est un ellipsoïde de révolution (une sphère légèrement aplatie aux pôles). Cet aplatissement est faible mais mesurable : environ 21 km d’écart entre le rayon équatorial et polaire, soit environ 1/300 du rayon terrestre.

Aujourd’hui, les géodésiens décrivent la Terre de façon encore plus précise comme un géoïde, une forme irrégulière tenant compte des variations locales de gravité et de relief.

À retenir

La Terre est un ellipsoïde de révolution légèrement aplati (1/300), mais sa forme réelle est décrite par le géoïde, plus précis encore.

Du méridien au mètre : une unité en évolution

En 1795, le mètre est officiellement défini comme la dix-millionième partie d’un quart de méridien terrestre. En langage simple : si l’on alignait 10 millions de mètres, on parcourrait la distance entre l’équateur et le pôle. Ce choix liait le mètre directement à la taille de la Terre.

Mais cette définition avait ses limites : elle dépendait des mesures imparfaites de Delambre et Méchain, et les erreurs de Méchain créèrent de l’incertitude.

Depuis 1983, le mètre est défini différemment : il correspond à la distance parcourue par la lumière dans le vide en 1/299 792 458 seconde. Cette nouvelle définition est universelle et invariable, car elle repose sur une constante physique fondamentale, la vitesse de la lumière, et non sur un objet matériel ou une mesure terrestre entachée d’erreurs.

À retenir

Le mètre est passé d’une définition fondée sur la Terre à une définition fondée sur la lumière, plus universelle et beaucoup plus précise.

Conclusion

Des calculs d’Ératosthène, fondés sur la géométrie et les mesures antiques, aux triangulations de Delambre et Méchain qui établirent le mètre, l’histoire de la mesure du méridien terrestre illustre la progression des sciences. Les débats sur la forme de la Terre, les incertitudes des mesures et l’évolution des définitions montrent que la science est une construction progressive, corrigée au fil du temps. Aujourd’hui, le mètre est défini par la vitesse de la lumière, mais son origine reste liée à la volonté révolutionnaire d’un système rationnel et universel. Cette histoire révèle le lien entre mesure de la Terre, progrès scientifique et choix de société.