Les limites de la croissance

icône de pdf
Signaler
Dans cette leçon, tu vas découvrir pourquoi le modèle de croissance actuel se heurte à des limites écologiques. Tu verras comment l’innovation peut réduire certains impacts, mais aussi pourquoi de nouveaux modèles, comme la croissance verte ou la décroissance, interrogent les finalités économiques traditionnelles. Mots-clés : croissance économique, limites écologiques, innovation, décroissance, développement durable, PIB.

Introduction

Depuis deux siècles, la croissance économique est considérée comme un levier fondamental de développement. Mesurée par l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) en volume, elle est associée à l’amélioration des conditions de vie, à la création d’emplois et au progrès technique. Pourtant, cette croissance, fondée sur une exploitation accrue des ressources naturelles, se heurte aujourd’hui à des limites écologiques : raréfaction des ressources, dégradation des écosystèmes, changement climatique. Ces enjeux remettent en question la durabilité du modèle actuel, c’est-à-dire sa capacité à se maintenir sans compromettre l’avenir des générations futures. Si certains comptent sur l’innovation technologique pour rendre la croissance plus compatible avec l’environnement, d’autres plaident pour une réorientation plus profonde des finalités économiques. Comprendre ces limites et les réponses possibles permet d’éclairer les débats contemporains sur le développement soutenable.

Une croissance économique écologiquement coûteuse

La croissance repose sur la mobilisation croissante de ressources naturelles : énergie, matières premières, terres agricoles, eau. Or, cette exploitation génère de nombreuses externalités négatives : des conséquences non prises en compte par les marchés, mais subies par la société, comme la pollution, la perte de biodiversité ou le réchauffement climatique.

Le PIB, indicateur central de la performance économique, additionne la valeur monétaire de toutes les productions de biens et services. Il s’agit d’un indicateur quantitatif, qui ne tient pas compte de la qualité ou de l’utilité sociale ou environnementale des activités. Ainsi, une activité polluante (comme la dépollution d’un site industriel ou les soins liés à des maladies provoquées par la pollution) peut faire croître le PIB au même titre qu’une activité bénéfique. Cela limite sa capacité à refléter le bien-être réel.

Les limites écologiques de la croissance sont de plusieurs ordres :

  • L’épuisement de ressources non renouvelables (pétrole, gaz, métaux rares).

  • La dégradation des milieux naturels (sols, forêts, océans).

  • Le changement climatique, causé par l’émission de gaz à effet de serre.

Ces constats sont présents dès 1972 dans le rapport Halte à la croissance ? du Club de Rome, et régulièrement confirmés depuis par les rapports du GIEC, qui montrent notamment que la température moyenne mondiale a augmenté de 1,1 °C depuis l’ère préindustrielle.

À retenir

La croissance exerce une pression croissante sur l’environnement. En raison de son caractère quantitatif, le PIB ne permet pas de distinguer les productions durables des activités nuisibles, ce qui limite sa pertinence comme indicateur de progrès.

L’innovation : outil de découplage ou solution partielle ?

L’un des principaux leviers envisagés pour rendre la croissance compatible avec les limites planétaires est l’innovation technologique. L’objectif est de parvenir à un découplage, c’est-à-dire à une dissociation entre la croissance du PIB et la pression exercée sur l’environnement.

Ce découplage peut prendre deux formes :

  • Absolu : la production augmente tandis que les émissions ou les consommations de ressources diminuent en valeur absolue.

  • Relatif : la production augmente plus vite que les impacts environnementaux, qui continuent malgré tout de croître.

Parmi les innovations mobilisées :

  • Les énergies renouvelables, qui émettent peu de CO₂.

  • L’efficacité énergétique, qui permet de produire plus avec moins d’énergie.

  • L’économie circulaire, qui cherche à réduire le gaspillage par le recyclage et la réutilisation.

Toutefois, l’efficacité de ces solutions est limitée par l’effet rebond, formulé dès le XIXe siècle par William Stanley Jevons. Cet effet décrit une situation dans laquelle une amélioration de l’efficacité énergétique provoque une augmentation de la consommation. Par exemple, une voiture qui consomme moins peut inciter à parcourir de plus longues distances, annulant ainsi le bénéfice environnemental initial.

De plus, la transition technologique repose souvent sur des ressources critiques comme le lithium ou le cobalt, dont l’extraction pose à son tour des problèmes sociaux et écologiques.

picture-in-text

Le tableau montre clairement une tendance : plus un pays est riche, plus ses habitants émettent de CO₂ par personne. Cette corrélation s'explique principalement par le fait que le mode de vie et les activités économiques dans les pays riches consomment davantage d'énergie, souvent issue de sources fossiles, et génèrent plus de pollution liée à la production industrielle, aux transports ou à la consommation.

Cependant, cette relation n’est pas une justification simple à suivre pour les pays pauvres. Ces derniers émettent globalement peu, non pas par choix économique ou écologique, mais souvent du fait de contraintes structurelles, comme l'accès limité à l'énergie, aux infrastructures ou aux technologies modernes. Par ailleurs, les pays riches ont aujourd’hui davantage de moyens et de responsabilités pour réduire leurs impacts environnementaux, notamment en investissant massivement dans les énergies renouvelables et l’innovation.

Il est donc important de comprendre que la lutte contre le changement climatique passe par une transformation des modes de vie et de production dans les pays développés, tout en soutenant un développement durable et équitable dans les pays en développement. La croissance économique ne doit plus rimer avec pollution croissante, mais avec sobriété énergétique, innovation verte et justice sociale. Il s'agit d'une transition complexe qui demande des choix politiques, économiques et sociaux éclairés, et non une remise en cause simpliste des défis rencontrés par chaque pays selon son niveau de richesse.

À retenir

L’innovation technologique peut atténuer les impacts environnementaux de la croissance, mais elle ne garantit pas une réduction globale de ces impacts. Le découplage est difficile à atteindre sans une remise en cause des modes de production et de consommation.

Nouvelles visions du développement : croissance verte, durabilité forte, décroissance

Face aux limites de la croissance et aux incertitudes du progrès technique, plusieurs modèles alternatifs se dessinent :

  • La croissance verte propose de concilier croissance économique et protection de l’environnement par l’innovation, la fiscalité écologique et la régulation.

  • Le développement durable, défini en 1987 par le rapport Brundtland, vise à satisfaire les besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures. Il combine des objectifs économiques, sociaux et environnementaux.

  • La décroissance, enfin, défend une réduction volontaire, planifiée et équitable de la production et de la consommation dans les pays riches, afin de respecter les limites écologiques.

Il convient toutefois de distinguer deux formes de décroissance :

  • La décroissance subie, observée en période de crise économique, qui s’accompagne généralement de chômage et de précarité.

  • La décroissance choisie, pensée comme une transition sociale encadrée vers un modèle plus sobre et équitable, reposant sur la relocalisation, la réduction du temps de travail et la valorisation des activités non marchandes.

Ce modèle suscite des débats vifs. Ses opposants soulignent le risque de chômage de masse, de réduction des recettes publiques et de résistances politiques. Ses partisans estiment qu’un changement profond est inévitable pour préserver les conditions de vie humaines sur Terre.

Ces discussions s’accompagnent d’une remise en question du PIB comme seul indicateur du progrès. Des indicateurs alternatifs ont été développés, comme :

  • L’Indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI).

  • L’Indice de progrès véritable (IPV), qui intègre la santé, l’éducation, les inégalités et les dégradations environnementales.

  • L’empreinte écologique, qui mesure la pression exercée par une population sur les écosystèmes.

À retenir

La remise en cause du modèle de croissance a conduit à l’émergence de modèles alternatifs. Ces derniers interrogent les finalités de l’économie et appellent à adopter des indicateurs plus complets que le PIB pour guider les choix collectifs.

Conclusion

Le modèle de croissance continue atteint aujourd’hui ses limites écologiques, qui menacent les conditions mêmes de la vie humaine sur Terre. Si l’innovation offre des solutions partielles, elle ne suffit pas à elle seule à garantir une trajectoire soutenable. Les sociétés doivent donc repenser leurs objectifs économiques, en intégrant la préservation des écosystèmes comme une contrainte non négociable. Que ce soit par une croissance « verte », un développement durable ou une décroissance choisie, le défi est d’inventer un modèle capable de concilier justice sociale, progrès humain et respect des limites planétaires.