Introduction
Les États-Unis, première puissance économique mondiale, occupent une place centrale dans les dynamiques environnementales contemporaines. Leur position est souvent qualifiée d’ambivalente : d’un côté, ils sont pionniers dans la protection de la nature et dans les innovations scientifiques et technologiques liées à l’environnement ; de l’autre, ils figurent parmi les plus grands émetteurs historiques de gaz à effet de serre, avec un modèle de développement fondé sur l’abondance énergétique et la consommation de masse.
Ce rapport contrasté à l’environnement s’explique par l’histoire du pays, son organisation institutionnelle fondée sur le fédéralisme, ses fractures politiques internes et sa stratégie de puissance sur la scène internationale. Il se traduit par des politiques environnementales instables, où coexistent des engagements ambitieux, des replis spectaculaires et une forte implication des acteurs locaux.
Entre préservation symbolique et exploitation productiviste des ressources
Dès le XIXe siècle, les États-Unis développent une culture de la préservation de la nature, inspirée par des penseurs comme Henry David Thoreau ou John Muir. Cette approche conduit à :
La création de parcs nationaux (Yellowstone, 1872), destinés à sanctuariser certains paysages emblématiques.
La fondation du National Park Service en 1916, chargé de protéger ces espaces dans une logique de préservation (non-usage ou usage très limité).
Une valorisation identitaire des grands espaces sauvages, perçus comme constitutifs de la nation.
Mais cette logique coexiste avec une approche utilitariste des ressources, fondée sur leur exploitation économique. Le territoire est vu comme une source de richesse à valoriser : extraction minière, agriculture extensive, infrastructures énergétiques. Cela relève plutôt d’une logique de conservation, c’est-à-dire de gestion durable en vue d’un usage continu.
Aujourd’hui encore, cette tension entre sanctuarisation et productivisme façonne les politiques environnementales américaines. Elle s’incarne notamment dans les débats sur les forages pétroliers dans l’Arctique, ou dans la coexistence de zones protégées et de pôles industriels majeurs.
À retenir
Les États-Unis ont été des pionniers de la protection environnementale, mais dans une tension constante entre préservation symbolique de la nature et exploitation économique intensive du territoire.
Des politiques environnementales fragmentées et contestées
Le fédéralisme américain repose sur le principe de subsidiarité : chaque État fédéré dispose d’un pouvoir autonome en matière de législation environnementale, ce qui engendre une forte fragmentation des politiques.
Au niveau fédéral, les années 1970 marquent un tournant :
Création de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) en 1970.
Adoption de la loi sur la qualité de l’air (Clean Air Act) et de la loi sur la qualité de l’eau (Clean Water Act), qui fixent des normes nationales.
Sous Barack Obama, plusieurs règlements de l’EPA ont renforcé ces lois sans modification législative : le plus emblématique est le Clean Power Plan (2015), visant à limiter les émissions des centrales électriques au charbon. Mais ce plan a été remis en cause :
Par le président Trump, qui en a bloqué l’application.
Par la Cour suprême, dans l’arrêt West Virginia v. EPA (2022), qui a limité les compétences réglementaires de l’EPA, marquant l’intervention croissante du pouvoir judiciaire dans les politiques environnementales.
Au niveau des États fédérés, certains se distinguent par leur engagement :
La Californie applique des normes très strictes (véhicules, énergies renouvelables, construction).
Elle est souvent imitée par d’autres États progressistes (New York, Massachusetts), formant un pôle d’entraînement régional.
À l’inverse, d’autres États (Texas, Oklahoma…) adoptent une ligne plus permissive, favorable aux industries fossiles. Cette divergence renforce l’instabilité globale de la politique environnementale américaine.
À retenir
Les politiques environnementales sont fortement fragmentées entre l’échelon fédéral et les États. La polarisation politique et le rôle croissant de la justice compliquent l’élaboration d’une stratégie nationale cohérente.
Une puissance diplomatique instable, entre leadership et protectionnisme vert
Sur la scène internationale, les États-Unis affichent une posture fluctuante. Ils jouent un rôle central dans les grandes négociations climatiques, mais leur participation varie selon les présidents :
Refus de ratifier le protocole de Kyoto (2001, sous George W. Bush).
Adhésion à l’Accord de Paris (2015, Obama).
Retrait officiel en 2020, décidé par Donald Trump.
Retour dès 2021 sous Joe Biden.
Sous Biden, l’adoption de l’Inflation Reduction Act (2022) marque une étape clé. Ce plan industriel et climatique hybride prévoit plus de 370 milliards de dollars d’investissements dans les secteurs verts : énergies renouvelables, batteries, véhicules électriques. Il a pour objectifs :
De stimuler la réindustrialisation verte du pays.
De répondre à la rivalité technologique avec la Chine.
De renforcer la sécurité énergétique et l’autonomie stratégique.
Ce plan est toutefois critiqué en Europe comme une forme de protectionnisme vert, car il favorise les entreprises produisant sur le sol américain. Il illustre ainsi la montée d’une géopolitique climatique, où la transition écologique devient aussi un instrument de puissance économique et diplomatique.
À retenir
Les États-Unis demeurent des acteurs diplomatiques clés dans les négociations climatiques, mais leur position varie fortement selon les administrations. Leur politique climatique actuelle mêle transition énergétique et compétition géoéconomique.
Conclusion
Le rapport des États-Unis à l’environnement reflète une ambivalence structurelle : nation fondatrice des parcs nationaux, elle est aussi l’un des principaux émetteurs de CO₂ ; État fédéral avancé, mais traversé par de fractures politiques et juridiques ; puissance scientifique et diplomatique, mais guidée par ses intérêts économiques.
Cette complexité rend leur trajectoire instable, mais aussi déterminante pour l’avenir de la gouvernance climatique mondiale. L’évolution de leur engagement, leur capacité à stabiliser leurs politiques et à coopérer avec d’autres grandes puissances seront des facteurs décisifs dans la lutte contre le dérèglement climatique.
