Introduction
Du XVIIIᵉ au XIXᵉ siècle, le théâtre change de rôle et de formes. Héritier des idéaux des Lumières, il devient un lieu de critique sociale et philosophique. Puis, au XIXᵉ siècle, il se libère des règles du classicisme avec le drame romantique, qui revendique la liberté des formes et l’expression des passions. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : après le romantisme, la scène se diversifie et explore de nouvelles voies, allant du fantastique au boulevard, en passant par l’avant-garde. Cette pluralité témoigne de la vitalité d’un art toujours en quête d’adaptation à son public et à son époque.
Le XVIIIᵉ siècle : un théâtre critique et philosophique
Au siècle des Lumières, le théâtre devient une arme de réflexion et parfois de contestation. Marivaux, dans Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), explore les rapports sociaux à travers des déguisements et des quiproquos qui dévoilent les différences de condition et la difficulté d’atteindre la sincérité dans les sentiments. Beaumarchais, dans Le Mariage de Figaro (1784), fait un pas supplémentaire en osant donner la parole à un valet qui défie son maître. Cette audace, jugée dangereuse par les autorités, provoque la censure et préfigure l’esprit révolutionnaire. Le théâtre du XVIIIᵉ siècle devient ainsi un lieu de critique sociale, où les inégalités et les privilèges sont remis en question.
À retenir
Le théâtre des Lumières, avec Marivaux et Beaumarchais, reflète les idéaux d’égalité et de liberté en interrogeant les rapports sociaux.
Le XIXᵉ siècle : le triomphe du drame romantique
Le XIXᵉ siècle voit l’émergence du drame romantique, qui rompt avec les règles du classicisme. Victor Hugo, dans la préface de Cromwell (1827), proclame la liberté totale du dramaturge et la fusion du sublime et du grotesque. Sa pièce Hernani (1830) marque une rupture historique : la bataille d'Hernani oppose les défenseurs des classiques et les partisans de la modernité. Alfred de Musset, quant à lui, propose un théâtre plus intime et mélancolique, souvent destiné à la lecture, comme dans On ne badine pas avec l’amour (1834), où il explore la fragilité des sentiments et l’impossible harmonie entre l’idéal et la réalité.
Le drame romantique correspond aux aspirations politiques et sociales d’une époque marquée par les révolutions : il exalte l’individu, célèbre la passion et puise dans l’Histoire des thèmes grandioses.
À retenir
Le drame romantique, avec Hugo et Musset, brise les contraintes classiques et proclame la liberté des formes en exaltant les passions et l’Histoire.
Après le romantisme : entre divertissement, mystère et avant-garde
Après l’élan romantique, le théâtre du XIXᵉ siècle se fragmente et s’enrichit de directions multiples. L’attrait pour le mystère et le fantastique se développe à travers les succès de la Porte Saint-Martin et du théâtre de l’Ambigu-Comique, où les mélodrames regorgent de spectres, d’apparitions et de coups de théâtre. Par exemple, Le Chiffonnier de Paris de Félix Pyat (1847) mêle intrigue sociale et atmosphère sombre, tandis que La Dame de Monsoreau d’Alexandre Dumas (1847) exploite le goût du public pour les intrigues historiques teintées d’ombre et de secret.
Dans un registre très différent, le théâtre de boulevard connaît un immense succès auprès d’un public bourgeois en quête de divertissement. Georges Feydeau s’impose avec ses vaudevilles (La Dame de chez Maxim, 1899), qui reposent sur les quiproquos et les situations absurdes. Ce théâtre, léger et enjoué, se détourne des grandes ambitions philosophiques ou tragiques pour se concentrer sur la mécanique comique et le plaisir du rire.
Enfin, une avant-garde audacieuse apparaît à la fin du siècle avec Alfred Jarry et son scandaleux Ubu roi (1896). Sa pièce, par son langage inventé et grotesque et par sa critique féroce du pouvoir, choque le public et marque une rupture radicale avec les conventions dramatiques. Elle annonce les audaces du théâtre du XXᵉ siècle, de l’absurde aux mises en scène expérimentales.
Ainsi, après le romantisme, la scène française se diversifie : entre fascination pour le mystère, recherche du rire dérisoire et provocations avant-gardistes, le théâtre explore toutes les voies, révélant un public multiple et des aspirations contrastées.
À retenir
Après le romantisme, le théâtre prend des directions diverses : fascination pour le fantastique et le mélodrame, triomphe du boulevard avec Feydeau, et avant-garde provocatrice avec Jarry et Ubu roi.
Conclusion
Du XVIIIᵉ au XIXᵉ siècle, le théâtre évolue d’un espace critique des Lumières à un terrain d’expérimentation sans cesse renouvelé. Marivaux et Beaumarchais annoncent les bouleversements politiques, Hugo et Musset incarnent la révolte romantique, tandis que la fin du siècle juxtapose divertissement bourgeois, mystères sombres et avant-garde iconoclaste. Cette diversité témoigne d’une même vitalité : le théâtre demeure un art en dialogue avec son époque, capable de séduire les foules comme de provoquer les consciences.
