Introduction
Les océans jouent un rôle fondamental dans la régulation du climat mondial. En absorbant l’essentiel de la chaleur excédentaire due à l’effet de serre renforcé et une part importante du CO₂ émis par l’homme, ils permettent de ralentir temporairement le réchauffement global.
Mais cet amortissement a ses limites : l’acidification, la perte d’oxygène, la stratification accrue et la perturbation des courants profonds témoignent des transformations majeures en cours dans l’océan mondial.
Un réservoir thermique puissant mais vulnérable
Grâce à sa forte capacité thermique, l’océan peut absorber une grande quantité de chaleur. Depuis les années 1970, il a stocké plus de 90 % de l’excédent énergétique accumulé par la Terre, lié à la rétention accrue du rayonnement infrarouge par les gaz à effet de serre. Ce n’est pas le rayonnement en lui-même qui crée un déséquilibre, mais l’obstacle que ces gaz opposent à sa dissipation vers l’espace.
Ce rôle de tampon thermique limite l’élévation rapide de la température atmosphérique, mais provoque :
une élévation du niveau des mers par dilatation thermique.
une modification des habitats marins.
un affaiblissement du brassage vertical, perturbant la répartition de chaleur et d’oxygène.
À retenir
Les océans absorbent l’essentiel de la chaleur liée au réchauffement climatique. Ce stockage atténue l’effet immédiat dans l’air, mais engendre des déséquilibres dans les milieux marins.
Un puits de carbone partiel
Les océans absorbent en moyenne environ 25 % du CO₂ émis chaque année par les activités humaines — une estimation fondée sur les dernières décennies, avec des variations selon les années et les régions.
Cette absorption repose sur deux mécanismes :
La pompe physique : le CO₂ se dissout dans l’eau de mer, particulièrement dans les zones froides, où sa solubilité est plus élevée. Mais cette solubilité diminue avec la température, ce qui limite le rôle des océans à mesure que ceux-ci se réchauffent.
La pompe biologique : le phytoplancton utilise le CO₂ pour la photosynthèse, formant de la matière organique. Une partie de cette matière est transférée vers les profondeurs via la chaîne alimentaire ou la sédimentation. Toutefois, seule une faible fraction est véritablement séquestrée à long terme (sur des échelles géologiques) : la grande majorité du carbone est rapidement recyclée dans la couche supérieure.
À retenir
Les océans piègent environ un quart du CO₂ émis par l’homme. La pompe biologique séquestre peu de carbone à long terme ; l’essentiel est recyclé dans les couches superficielles.
Acidification et appauvrissement en oxygène
Le CO₂ absorbé par l’eau de mer forme de l’acide carbonique, abaissant le pH des océans. Cette acidification, bien qu’indépendante du réchauffement lui-même, est une conséquence directe du CO₂ excédentaire.
Ses effets sont graves pour les organismes marins :
difficulté de calcification pour les coraux, les mollusques et certains planctons.
altération des réseaux trophiques.
vulnérabilité accrue des écosystèmes côtiers.
En parallèle, on observe une désoxygénation progressive des océans. Le réchauffement des couches de surface accentue la stratification verticale — c’est-à-dire la séparation des masses d’eau selon leur densité, fonction de la température et de la salinité. Cette stratification limite le brassage vertical, réduisant l’apport d’oxygène aux couches profondes et perturbant les échanges biogéochimiques essentiels, comme le recyclage des nutriments (éléments biogènes comme l’azote ou le phosphore).
À retenir
L’acidification résulte de l’excès de CO₂ dissous, fragilisant les organismes marins. La désoxygénation, causée par la stratification thermique, freine l’oxygénation et le recyclage des nutriments en profondeur.
Une circulation profonde cruciale mais menacée
Les océans assurent une redistribution mondiale de la chaleur via la circulation thermohaline, ou tapis roulant océanique. Il s’agit d’une circulation profonde et lente, distincte des courants de surface comme le Gulf Stream, et fondée sur les différences de densité des masses d’eau (température + salinité).
Dans l’Atlantique Nord, les eaux froides et salées plongent et déclenchent un mouvement global, reliant tous les bassins océaniques. Cette circulation contribue à :
ventiler les couches profondes (apport d’oxygène et évacuation du carbone).
redistribuer la chaleur entre les latitudes.
stabiliser le climat régional, notamment en Europe.
Mais la fonte des calottes glaciaires (notamment au Groenland) injecte de l’eau douce dans les zones de plongée, ce qui diminue la salinité et la densité des eaux, freinant leur descente. Les modèles climatiques anticipent un ralentissement significatif, voire un blocage localisé de la circulation dans certaines régions de l’Atlantique Nord, avec des impacts climatiques majeurs.
À retenir
La circulation thermohaline redistribue la chaleur et alimente les profondeurs en oxygène et nutriments. Elle est menacée par les apports d’eau douce qui perturbent son moteur.
Conclusion
Les océans jouent un rôle essentiel d’amortisseur climatique, en absorbant la majeure partie de la chaleur excédentaire et une part importante du CO₂ atmosphérique. Mais cet amortissement a un coût : réchauffement de l’eau, acidification, perte d’oxygène, stratification accrue, et fragilisation de la circulation océanique profonde.
Leur capacité de régulation n’est ni infinie ni passive. Préserver les océans, limiter les émissions, et comprendre les mécanismes d’interaction qu’ils entretiennent avec l’atmosphère, c’est défendre l’un des grands régulateurs du climat terrestre.
