L’économie monarchique : impôts, commerce et ambitions maritimes

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Dans cette leçon, tu découvriras comment Louis XIV et Colbert ont voulu faire de la France la première puissance économique d’Europe. Tu comprendras comment impôts, manufactures, protectionnisme, flotte militaire et commerce colonial ont servi la gloire du roi, tout en montrant les limites du colbertisme face aux guerres et à l’endettement. Mots-clés : Colbert, mercantilisme, impôts, manufactures, commerce colonial, Code noir.

Introduction

Sous le règne de Louis XIV (1643-1715), la France cherche à unir puissance politique, militaire et économique pour devenir la première puissance d’Europe. Elle affronte notamment deux grands rivaux : l’Angleterre et les Provinces-Unies, c’est-à-dire l’actuel royaume des Pays-Bas, un ensemble de provinces indépendantes depuis la fin du XVIe siècle, dont la richesse repose sur un commerce maritime florissant et une puissante flotte marchande.

Face à cette concurrence, Louis XIV et son ministre Jean-Baptiste Colbert, nommé contrôleur général des finances en 1665, mettent en œuvre une politique économique ambitieuse et centralisée. Inspirée par le mercantilisme (ou colbertisme), cette politique vise à renforcer la production nationale, à protéger le marché intérieur et à développer la marine afin de soutenir la gloire du roi et la puissance du royaume.

Les impôts : fondement du pouvoir royal mais système inégal et imparfait

La monarchie tire ses ressources essentielles des impôts, qui servent à financer les guerres, les chantiers royaux et le faste de la cour. L’impôt direct le plus important reste la taille, payée par le tiers état, tandis que la noblesse et le clergé en sont largement exemptés. À cela s’ajoutent plusieurs impôts indirects, comme la gabelle (sur le sel), les aides (sur les produits de consommation) et les douanes intérieures, qui freinent parfois les échanges.

Pour élargir ses recettes, la monarchie crée de nouveaux impôts : la capitation (1695), censée concerner tous les sujets du royaume, et le dixième (1710), un impôt de 10 % sur les revenus. Cependant, les ordres privilégiés — noblesse et clergé — réussissent souvent à obtenir des exemptions partielles ou des réductions, limitant la portée de ces réformes.

La collecte des impôts est confiée à des fermiers des impôts (ou fermiers généraux au sens large), des financiers qui avancent l’argent au roi et se remboursent ensuite en percevant les taxes. Ce système existe avant la création d’une Ferme générale unifiée, qui ne sera véritablement institutionnalisée qu’entre 1681 et 1687. Les fermiers, très puissants, conservent une part importante des recettes, ce qui réduit les sommes arrivant effectivement au Trésor royal.

Enfin, la vente des offices — charges publiques achetées par des particuliers — fournit à la monarchie des liquidités immédiates, mais affaiblit la centralisation de l’État. Les impôts, mal répartis et mal collectés, restent donc une source de tensions sociales et provoquent des révoltes, comme celle du papier timbré et des bonnets rouges en 1675.

À retenir

Les impôts constituent la base financière de la monarchie mais demeurent inégaux et inefficaces. Malgré la capitation et le dixième, les privilèges fiscaux subsistent, et les fermiers des impôts conservent une part des recettes avant qu’elles n’atteignent le Trésor royal.

Colbert et le mercantilisme : produire, protéger et accumuler les richesses

Le mercantilisme repose sur l’idée que la richesse d’un royaume se mesure à la quantité de métaux précieux qu’il détient. Pour Colbert, la France doit exporter plus qu’elle n’importe, afin de créer une balance commerciale excédentaire et éviter la sortie d’or et d’argent pour payer des importations étrangères.

Son objectif est de rendre le royaume autosuffisant : il encourage la production de biens de luxe et de matières premières nécessaires à l’industrie (fer, chanvre, bois). Il fonde ou soutient de grandes manufactures royales, comme les Gobelins (tapisseries), Saint-Gobain (miroirs) et Alençon (dentelles), où la qualité est strictement contrôlée par l’État.

Colbert renforce aussi le protectionnisme — c’est-à-dire la protection du marché intérieur contre la concurrence étrangère — en adoptant deux tarifs douaniers : celui de 1664, qui instaure des taxes modérées sur les produits importés, et celui de 1667, qui augmente fortement ces taxes pour favoriser les producteurs français. Un « tarif » désigne ici une grille officielle fixant le montant des droits de douane sur chaque produit.

Enfin, Colbert améliore les infrastructures pour dynamiser le commerce intérieur : routes, ports et canal du Midi (achevé en 1681) favorisent la circulation des marchandises. Malgré ces efforts, les guerres et les dépenses somptuaires absorbent une grande partie des excédents commerciaux, laissant la monarchie lourdement endettée.

À retenir

Le colbertisme repose sur la balance commerciale excédentaire, le développement des manufactures et la protection du marché intérieur. Colbert veut limiter la sortie des métaux précieux et rendre la France autosuffisante, mais la dette reste un frein durable.

Les ambitions maritimes et coloniales : expansion et fragilités

Conscient que la puissance passe aussi par la mer, Colbert fonde de grands arsenaux à Brest et Rochefort, où il développe une flotte de ligne moderne, capable de rivaliser avec les marines anglaise et hollandaise. La France dispose ainsi d’une marine militaire et marchande unifiée, destinée à défendre le commerce et à affirmer la puissance du roi.

Pour stimuler le commerce international, Colbert crée des compagnies commerciales à monopole, c’est-à-dire des entreprises ayant l’exclusivité du commerce dans certaines régions : la Compagnie des Indes orientales (1664) pour l’Asie, la Compagnie du Levant pour la Méditerranée, et la Compagnie des Indes occidentales pour les Antilles et l’Amérique. Ces compagnies importent du sucre, du café, du cacao, des épices et des soieries, tout en exportant les produits manufacturés français.

Mais les ambitions coloniales se heurtent à des limites structurelles. Le royaume manque de capitaux privés : les investisseurs français sont rares, et la monarchie doit recourir à des financements étrangers, notamment hollandais. Ces difficultés, associées à une mauvaise gestion, entraînent des échecs commerciaux : plusieurs compagnies périclitent ou sont dissoutes faute de rentabilité.

Ces échanges s’intègrent dans le commerce triangulaire, reliant l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Les navires français, partis de Nantes, La Rochelle ou Bordeaux, échangent des produits manufacturés contre des esclaves africains, transportés vers les plantations coloniales. Les bateaux reviennent ensuite en Europe chargés de sucre, de café et de cacao. Ce système s’accompagne de la mise en place du Code noir (1685), qui légalise et encadre juridiquement l’esclavage dans les colonies françaises.

À retenir

Colbert fait de la mer un instrument de puissance : il fonde des arsenaux, crée des compagnies commerciales et engage la France dans le commerce atlantique. Mais la faiblesse des capitaux privés et la domination anglaise et hollandaise limitent l’expansion française.

Conclusion

Sous Louis XIV, la monarchie française met l’économie au service de la puissance de l’État. Les impôts financent les guerres et la splendeur royale, tandis que Colbert tente d’unifier, de contrôler et de dynamiser l’économie par le mercantilisme. Manufactures, tarifs douaniers, flotte militaire et commerce colonial témoignent de cette ambition. Pourtant, les guerres contre la Hollande, la Ligue d’Augsbourg ou la Succession d’Espagne absorbent les excédents commerciaux et aggravent l’endettement chronique de l’État.

La politique colbertiste a fait briller la France dans l’Europe du XVIIe siècle, mais elle a aussi révélé les limites d’un modèle centralisé, dépendant des guerres et des finances royales.