La Troisième République avant 1914 : un régime, un empire colonial : tout savoir

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Légende de la leçon

Vert : définitions

I. Un projet républicain fondé sur les libertés fondamentales et sur la laïcité

1) Un régime qui garantit les droits

La Troisième République est un régime libéral et parlementaire. Elle offre aux Français le suffrage universel masculin (direct et indirect) et fait de la pratique du vote le fondement du système politique (démocratie représentative). La République garantit la séparation des pouvoirs et place le Parlement (composé de deux assemblées) au centre du système constitutionnel.

À partir des années 1880, les réformes de grande ampleur se multiplient. La liberté de la presse est reconnue en 1881, le droit d’association en 1884. En 1881-1882, Jules Ferry instaure l’école gratuite, laïque et obligatoire pour les enfants de moins de 13 ans. L’idéal de l’instruction répond au besoin de laïciser la société jugée trop dépendante de l’Église catholique. L’école forge l’unité de la nation par la diffusion d’un enseignement en langue française.

2) Une culture républicaine qui s’enracine

Une culture républicaine naît à partir de l’école publique, de l’armée (service militaire créé en 1889) et des mairies dont les maires sont élus par les conseils municipaux dès 1884. Le patriotisme et l’attachement au régime républicain passent par la propagation des symboles politiques : Marianne devient l’emblème du pays, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » s’impose, tout comme le drapeau tricolore, et La Marseillaise est désignée hymne national en 1879.

La laïcisation du pays franchit une nouvelle étape en 1905. Présentée par le député Aristide Briand, la loi de séparation de l’État et des Églises met fin au concordat napoléonien de 1801. Elle proclame la liberté de conscience tout en garantissant le libre exercice des cultes. L’État affirme ainsi sa neutralité religieuse. Il ne rémunère plus les évêques, les curés, les pasteurs et les rabbins. L’État et les collectivités deviennent propriétaires des biens détenus par l’Église tout en permettant à celle-ci d’y exercer le culte. Les Églises gagnent en indépendance : l’État ne nomme plus les évêques.

Cette loi de laïcisation rencontre l’opposition du pape et d’une grande partie des catholiques français. Annexée par l’Allemagne en 1871, l’Alsace-Moselle échappe à la loi de 1905. Ce statut spécial permet aux religieux de rester des fonctionnaires après la victoire de 1918 et leur réintégration au territoire français.

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Les institutions de la IIIe République et leur fonctionnement

II. Un régime républicain fragilisé par la résurgence de l'antisémitisme : l'affaire Dreyfus

1) Les faits et leur chronologie : l’histoire d’une injustice

En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935), juif alsacien, est soupçonné et condamné par la justice militaire pour espionnage au profit de l’Allemagne. Dégradé, il est déporté au bagne, en Guyane. Deux ans plus tard, le lieutenant-colonel Picquart identifie le vrai coupable, le commandant Esterhazy, mais ne parvient pas à convaincre la hiérarchie militaire de la nécessité d’innocenter Dreyfus. Lors d’un jugement militaire tenu en 1898, Esterhazy est acquitté.

En réaction, l’écrivain Émile Zola publie un article de presse intitulé « J’accuse ! » où il dénonce l’attitude des dirigeants. L’affaire devient politique et vaut à l’écrivain engagé des poursuites judiciaires. L’Affaire commence. Jean Jaurès prend la relève en démontrant publiquement l’innocence de Dreyfus qui bénéficie finalement de la grâce présidentielle. En 1906, il est réhabilité et réintègre l’armée. Il reçoit enfin la Légion d’honneur.

2) Une France coupée en deux par l’Affaire

L’Affaire scinde en deux camps l’opinion française. Les dreyfusards prennent la défense du capitaine tandis que les antidreyfusards s’acharnent à donner raison à l’armée et à sa justice. Les adversaires créent des structures associatives : la Ligue des droits de l’homme et du citoyen défend Dreyfus alors que la Ligue de la patrie française affiche son antidreyfusisme. Des écrivains comme Zola deviennent des intellectuels, c’est-à-dire des personnes qui misent sur leur renommée pour interpeller médiatiquement l’opinion sur des sujets politiques importants et polémiques.

L’affaire Dreyfus oppose finalement les républicains convaincus (dreyfusards) aux antirépublicains qui témoignent de leur antisémitisme et de leur nationalisme. Cette querelle divise donc les Français et affaiblit le régime républicain.

III. La course à la colonisation : des puissances européennes rivales

1) Les causes de la colonisation

À partir des années 1880, la France poursuit la course à la colonisation entamée en 1830 avec les débuts de la conquête de l’Algérie. Cinquante ans plus tard, la France domine un empire de 12 millions de km2, peuplé de 110 millions de « sujets » en Afrique et en Asie. Le processus de colonisation s’explique par différents motifs :

  • le motif politique, qui considère que la possession de colonies est un gage de puissance internationale. La colonisation est un moyen d’afficher son rang mondial. Coloniser permet d’entretenir un nationalisme de prestige ;
  • le motif économique, qui permet de trouver dans les colonies de nouveaux débouchés pour les produits industriels et les capitaux de la métropole. Le libre-échange justifie la colonisation ;
  • le motif démographique et social. La conquête de nouveaux territoires permet à des colons de s’installer au moyen d’expropriations qui visent les populations indigènes ;
  • le motif idéologique et racial. La République prétend étendre la civilisation en colonisant les terres d’Afrique et d’Asie. La colonisation est perçue comme une entreprise civilisatrice qui apporte aux peuples d’ailleurs les progrès de la médecine, de l’enseignement, mais également la religion chrétienne (évangélisation) et les infrastructures, telles que les routes et les chemins de fer. La colonisation est aussi le moyen pour l’homme blanc d’affirmer sa « supériorité » supposée. Coloniser apparaît comme un devoir moral ;
  • le motif culturel. Le goût pour l’exotisme et l’orientalisme perceptible dans les arts et la littérature entretient un imaginaire qui donne à la colonisation une connotation héroïque et mythique.

Définitions

Colonisation. Phénomène militaire, politique, économique et culturel qui place de force une population et un territoire sous la tutelle d’un autre État qualifié de métropole.

Exotisme et orientalisme. Le premier est la traduction culturelle de l’attirance pour l’autre, pour l’étranger, c’est-à-dire pour celui qui vit ailleurs. L’orientalisme est un mouvement littéraire, artistique et architectural apparu en Europe au XVIIIe siècle et qui témoigne d’une grande curiosité pour l’Orient, allant du Maghreb jusqu’à l’Extrême-Orient.

2) La géographie de la colonisation 

Trois principales régions sont concernées par la colonisation française : le Maghreb, l’Afrique subsaharienne (partagée entre l’AOF et l’AEF) et la péninsule indochinoise. Dans tous les cas, la conquête coloniale établit un rapport de force entre colonisateurs et colonisés (peuples indigènes) mais aussi entre les puissances européennes impérialistes. Français et Anglais sont concurrents dans la conquête de l’Afrique de l’Est mais aussi en Asie du Sud-Est.

Sigles

AOF : Afrique occidentale française

AEF : Afrique équatoriale française

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L’Afrique coloniale en 1914

IV. Les territoires et le fonctionnement des sociétés coloniales

1) Gérer les colonies et les indigènes

Tous les territoires de l’empire colonial français ne sont pas administrés de la même manière. Une administration indirecte est appliquée au Maroc, en Tunisie et au Cambodge qui constituent des protectorats. Dans ces pays, l’autorité traditionnelle conserve une certaine autonomie à la condition de protéger les intérêts stratégiques français. Inversement, la plupart des territoires conquis sont placés sous l’administration directe de l’État français comme en AOF, en AEF et au Tonkin. L’Algérie devient un ensemble de départements français, car elle constitue une colonie de peuplement où vivent de nombreux colons d’origine métropolitaine et européenne. 

Partout, le recours au personnel indigène s’avère nécessaire pour administrer les territoires colonisés. Pour autant, rares sont les populations auxquelles on reconnaît un véritable statut de « citoyens français ». Ces « sujets français » sont soumis au Code de l’indigénat instauré en 1881 qui les prive d’un très grand nombre de droits civils et politiques. Le système colonial distingue fondamentalement les citoyens français des indigènes que l’on cherche à contrôler.

À savoir

Le Code de l’indigénat, en vigueur de 1881 à 1946, est un ensemble de décrets qui établit dans les colonies françaises une discrimination administrative et judiciaire entre les colons et les indigènes dont le statut est inférieur.

Au nom de la civilisation et de manière à protéger les colons et leur main-d’œuvre, la colonisation dispense une action sanitaire et scolaire qui consiste à lancer des campagnes de vaccination et à instruire une minorité locale qui puise dans l’école occidentale les futurs arguments de contestation de l’ordre colonial.

2) L’exploitation des colonies

Les territoires colonisés sont mis en valeur. Les infrastructures portuaires, ferroviaires et routières visent essentiellement, comme en Indochine, à exploiter puis à exporter les matières premières et les produits agricoles. En Afrique subsaharienne, des entreprises obtiennent d’immenses concessions territoriales dont elles tirent d’importants bénéfices grâce à l’exploitation du bois, au commerce de l’ivoire ou encore grâce à la récolte du caoutchouc. Le Congo fournit du cuivre en grande quantité tandis que l’Indochine livre de gros volumes de charbon. Les colonies approvisionnent la métropole en produits devenus de première nécessité.

La colonisation accélère l’urbanisation des peuples indigènes tandis que beaucoup d’agriculteurs, comme en Algérie, perdent leur propriété agricole. La main-d’œuvre subsaharienne est soumise au travail forcé et subit une violence administrative. L’acculturation éloigne les populations de leur culture d’origine. La colonisation permet l’émergence de nouvelles élites indigènes en rupture avec les élites traditionnelles. Ces nouvelles élites sont à l’origine de la contestation de la domination coloniale.

Définitions

Indigène. Terme qui sert à définir les populations colonisées d’Afrique et d’Asie. L’indigène est celui qui est originaire du lieu et qui se différencie du colon venu d’ailleurs.

Métropole. Dans le contexte de la colonisation, le terme désigne l’État qui colonise d’autres territoires souvent qualifiés d’Outre-Mer.

Nationalisme. Idéologie qui entretient le mythe de la supériorité nationale au détriment des autres nations et des minorités présentes dans le pays. Dans le contexte colonial, le nationalisme désigne la volonté politique d’un peuple colonisé d’obtenir sa reconnaissance et son indépendance.

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Chronologie de la colonisation française