Introduction
Les protéines sont les véritables ouvrières du vivant : elles assurent la quasi-totalité des fonctions cellulaires, de la catalyse chimique (enzymes) au transport (hémoglobine), en passant par la communication hormonale ou la structure (kératine des cheveux). Mais comment une cellule sait-elle fabriquer une protéine précise au bon moment ? La réponse réside dans la traduction, processus par lequel l’ARN messager (ARNm, copie d’un gène sous forme de nucléotides) est lu au niveau des ribosomes pour produire une chaîne d’acides aminés. C’est l’étape qui convertit l’information génétique en une protéine fonctionnelle, reliant ainsi le gène au phénotype moléculaire (ensemble des protéines et aussi de certains ARN produits par une cellule).
L’information génétique et le code génétique
L’information génétique correspond à la séquence de nucléotides qui compose un gène. Elle doit être traduite en séquence d’acides aminés pour donner une protéine.
Le code génétique est le système de correspondance entre ces deux langages. Il fonctionne par codons, triplets de nucléotides de l’ARNm. Chaque codon correspond à un acide aminé précis ou à un signal stop qui met fin à la traduction.
Ce code possède trois propriétés essentielles qui lui donnent toute sa force. Il est d’abord quasi universel : la même correspondance codon-acide aminé est retrouvée chez presque tous les êtres vivants, des bactéries à l’homme, avec seulement quelques exceptions comme les mitochondries ou certains protozoaires. Cette universalité est démontrée par les expériences de transgénèse, où une bactérie peut fabriquer une protéine humaine si on lui fournit le gène correspondant. Le code est aussi redondant, ce qui signifie que plusieurs codons différents peuvent coder pour un même acide aminé : cette propriété limite les effets néfastes de certaines mutations, car un changement dans la séquence de nucléotides ne conduit pas toujours à une protéine modifiée. Enfin, le code est non chevauchant, ce qui signifie que la lecture se fait codon par codon, sans recouvrement : chaque nucléotide appartient à un seul triplet, assurant une lecture régulière et sans ambiguïté de la séquence.
À retenir
L’information génétique est une séquence de nucléotides. Le code génétique établit la correspondance codon → acide aminé ou signal stop. Il est quasi universel, redondant et non chevauchant.
La lecture des codons par les ribosomes
La traduction se déroule dans le cytoplasme, au niveau des ribosomes (complexes faits de protéines et d’ARN ribosomiques, ARNr). Le ribosome se fixe sur l’ARNm grâce à un signal d’initiation (site de fixation du ribosome en procaryotes, coiffe 5’ en eucaryotes), puis commence à lire la séquence codon par codon.
Le premier codon reconnu est généralement AUG, qui code pour la méthionine et marque le démarrage de la traduction. À chaque codon, un ARN de transfert (ARNt, molécule adaptatrice portant un anticodon et un acide aminé) s’y associe. L’anticodon est une séquence de trois nucléotides complémentaires du codon, garantissant la correspondance entre l’information et l’acide aminé apporté.
Pour optimiser la production, plusieurs ribosomes peuvent traduire le même ARNm simultanément : on parle alors de polysomes, qui permettent une synthèse massive de protéines à partir d’un seul message.
À retenir
Les ribosomes (ARNr + protéines) lisent l’ARNm codon par codon, à partir d’un signal d’initiation. Les ARNt, grâce à leur anticodon, apportent les acides aminés correspondants. Plusieurs ribosomes peuvent former un polysome pour produire plus efficacement des protéines.
La synthèse des protéines et leur repliement
À mesure que le ribosome avance, les acides aminés apportés par les ARNt sont reliés par des liaisons peptidiques (liaisons chimiques qui unissent deux acides aminés) pour former une chaîne polypeptidique. Lorsque le ribosome atteint un codon stop (UAA, UAG ou UGA), la traduction s’arrête et la chaîne est libérée.
Cette chaîne n’est pas encore fonctionnelle : elle doit se replier en trois dimensions. Le repliement protéique est guidé par des interactions chimiques comme les liaisons hydrogène, les ponts disulfure et les interactions hydrophobes. Dans certains cas, des protéines appelées chaperonnes facilitent ce repliement pour éviter les erreurs.
Exemple simplifié pour un ARNm court :
ARNm : AUG – UUU – GGC – UAA
Codons lus : AUG (méthionine), UUU (phénylalanine), GGC (glycine), UAA (stop).
Chaîne polypeptidique obtenue : Méthionine – Phénylalanine – Glycine.
Dans une cellule réelle, la séquence d’ARNm est bien plus longue et code des protéines beaucoup plus complexes, mais cet exemple illustre le principe de la correspondance codon → acide aminé.
À retenir
La traduction construit une chaîne polypeptidique reliée par des liaisons peptidiques. Le repliement 3D, guidé par des interactions chimiques et parfois des chaperonnes, confère à la protéine sa fonction.
Traduction, génotype et phénotype
La traduction établit le lien entre génotype (séquence d’ADN) et phénotype moléculaire (ensemble des protéines et aussi certains ARN produits). Une protéine donnée découle directement de l’information génétique contenue dans un gène.
Cependant, cette correspondance peut être modifiée par des mutations ponctuelles : un seul changement de nucléotide dans un gène peut entraîner une modification de l’ARNm, et donc un acide aminé différent dans la protéine. Cela peut altérer sa fonction, parfois de manière neutre, parfois bénéfique, parfois pathologique. Un exemple classique, attendu du programme, est celui de la drépanocytose, où une mutation ponctuelle dans le gène de l’hémoglobine entraîne une protéine légèrement différente, responsable d’un phénotype cellulaire et clinique particulier.
Ces mutations expliquent une partie de la variabilité des phénotypes observés et montrent que la traduction est au cœur du lien entre génétique et diversité biologique.
À retenir
La traduction relie le génotype aux protéines produites. Les mutations ponctuelles peuvent modifier la séquence protéique et donc influencer le phénotype, comme l’illustre la drépanocytose.
Conclusion
La traduction est l’étape clé qui convertit l’information génétique en une protéine fonctionnelle. L’ARNm fournit le message, les ribosomes (ARNr) l’interprètent, les ARNt apportent les acides aminés, qui sont liés par des liaisons peptidiques pour former une chaîne polypeptidique. Le repliement 3D, parfois assisté par des chaperonnes, confère à la protéine sa fonction. La traduction illustre ainsi le passage du génotype (information en nucléotides) au phénotype moléculaire (protéines et ARN produits), tout en montrant que des mutations ponctuelles peuvent être sources de variabilité phénotypique.
