Introduction
La période allant de 1974 à 1988 en France est marquée par d'importants bouleversements sociaux, économiques et politiques. Elle s'étend de la fin des Trente Glorieuses à l'arrivée de la gauche au pouvoir, et se caractérise par des transformations profondes de la société française. Les mutations démographiques, les évolutions dans le monde du travail, les nouvelles revendications sociales et l'influence croissante de l'internationalisation modifient le paysage sociologique du pays. Cette leçon explore ces différents aspects pour comprendre comment la société française a réagi et s'est adaptée à ces changements, tout en tenant compte du contexte international et européen.
Les transformations démographiques : baisse de la natalité et vieillissement de la population
Après la forte croissance démographique des Trente Glorieuses, la France connaît un ralentissement de la natalité. Le baby-boom s'achève dans les années 1960, mais la baisse de la fécondité devient plus marquée après 1974. Ce phénomène est lié à plusieurs facteurs : l'accès généralisé à la contraception légalisée par la loi Neuwirth en 1967, l'évolution des rôles féminins, et le changement des structures familiales.
Parallèlement, l'espérance de vie progresse, contribuant au vieillissement de la population. Ce vieillissement entraîne des défis majeurs pour les politiques publiques, notamment dans les domaines de la santé et des retraites.
Les facteurs socio-économiques de la baisse de la natalité
Le recul de la natalité s'explique par des facteurs économiques et sociaux. L'allongement des études, en particulier pour les femmes, repousse l'âge moyen du premier enfant. Par ailleurs, la précarité économique liée à la montée du chômage dissuade certains couples d'agrandir leur famille. Les incertitudes économiques pèsent de plus en plus dans les décisions de fécondité.
L'urbanisation et les migrations internes
La poursuite de l'urbanisation est également marquante durant cette période. Les grandes agglomérations comme Paris, Lyon, Marseille et Lille continuent d'attirer des populations, tandis que les espaces ruraux voient leur population se stabiliser ou légèrement diminuer. L'urbanisation transforme les modes de vie et accentue les défis en matière de logement, de transport et de services publics.
L'État tente d'accompagner ces mutations par des politiques de rénovation urbaine, visant à moderniser les grands ensembles construits dans les décennies précédentes. Ces quartiers, souvent situés en périphérie, connaissent des problèmes sociaux croissants liés au chômage, à l'exclusion et aux inégalités d'accès aux services.
Les transformations du travail : désindustrialisation et précarisation de l’emploi
Le monde du travail connaît de profondes mutations. Le secteur industriel, moteur de la croissance dans les décennies précédentes, entre en crise. La désindustrialisation touche particulièrement les industries traditionnelles comme la sidérurgie et le textile.
La désindustrialisation et ses répercussions locales
La désindustrialisation affecte certaines régions de manière brutale, notamment dans le Nord et l'Est de la France. Des villes comme Longwy, Denain ou Lens subissent la fermeture de leurs usines, entraînant chômage massif et déclin économique. Les tentatives de reconversion industrielle peinent à compenser les pertes d'emplois.
Le chômage et les nouvelles formes d'emploi précaire
Le chômage de masse s'installe durablement dans la société française. Dans le même temps, de nouvelles formes d'emplois précaires apparaissent : travail temporaire, temps partiel subi, contrats à durée déterminée (CDD). Les jeunes et les populations issues de l'immigration sont particulièrement touchés, concentrés dans des emplois peu qualifiés et instables.
Les nouvelles revendications sociales
La période est également marquée par l'émergence de nouvelles mobilisations sociales. Les revendications portent sur les droits des femmes, la lutte contre les discriminations raciales, et la promotion de l'égalité.
Le mouvement féministe et l’émancipation des femmes
Les années 1970 et 1980 voient de nouvelles avancées dans les droits des femmes. La loi Veil de 1975, légalisant l'IVG, constitue un jalon majeur. L'accès accru au marché du travail favorise aussi l'émancipation féminine, même si les inégalités salariales persistent. Des lois sur l'égalité professionnelle sont votées, mais leur application reste inégale.
Les mouvements sociaux et la lutte contre les discriminations raciales
À partir des années 1980, les mouvements antiracistes se développent, notamment avec la création de SOS Racisme en 1984. Ces mobilisations dénoncent les discriminations dont sont victimes les enfants issus de l'immigration post-coloniale. Des manifestations antiracistes massives, comme la Marche pour l'égalité et contre le racisme en 1983, traduisent une volonté d'intégration et de reconnaissance.
L'impact de l'internationalisation
La construction européenne et l’ouverture des économies mondiales commencent à influer sur la société française, même si les effets sociaux profonds ne seront pleinement perceptibles qu'à partir des années 1990.
Les effets de l’internationalisation et de l’immigration
La signature de l'Acte unique européen en 1986 lance la perspective d'un marché intérieur sans frontières, mais ses conséquences sur l'emploi et la société française ne sont pas immédiates dans les années 1980.
Sur le plan démographique, la France connaît une stabilisation des flux migratoires après 1974, année où l'État met fin à l'immigration de travail massive. Le regroupement familial autorisé en 1976 permet la réunification des familles immigrées, sans entraîner une explosion des arrivées. La question de l'intégration des populations issues de l'immigration devient centrale, nourrissant des débats sur l'identité nationale et les tensions sociales dans les quartiers populaires.
Conclusion
La période de 1974 à 1988 est une phase de transition pour la société française. Face à la crise économique, aux mutations démographiques et aux évolutions sociales, la France doit repenser son modèle social. Si des progrès significatifs sont réalisés en matière de droits des femmes et de lutte contre les discriminations, de nouveaux défis apparaissent : le chômage de masse, la précarisation de l'emploi, et la montée des inégalités.
Ces transformations préparent en profondeur les enjeux auxquels la France est confrontée à partir des années 1990, dans un contexte de mondialisation accélérée et de mutations économiques globales.