Introduction
Dans les sociétés démocratiques, la lutte contre les inégalités est une mission centrale de l’action publique. Elle repose sur une politique redistributive, qui vise à atténuer les écarts jugés excessifs entre les individus ou les groupes sociaux, et à garantir un accès équitable aux droits fondamentaux.
Cette politique s’appuie sur plusieurs leviers : la fiscalité, les prestations sociales, les services publics, mais aussi des actions contre les discriminations. Leur objectif n’est pas seulement de corriger les inégalités de revenus, mais aussi d’agir sur les conditions de vie, d’éducation, de santé ou d’emploi, dans une logique d’égalité réelle.
La redistribution monétaire : fiscalité et transferts sociaux
La redistribution monétaire consiste à prélever une partie des ressources de certains ménages pour la transférer à d’autres, dans une optique de solidarité et de justice sociale.
La fiscalité
La fiscalité française repose sur des impôts directs (comme l’impôt sur le revenu ou la taxe foncière) et des impôts indirects (notamment la taxe sur la valeur ajoutée – TVA). L’impôt sur le revenu est progressif : son taux augmente avec le revenu, ce qui permet aux ménages les plus aisés de contribuer davantage. À l’inverse, la TVA, bien que proportionnelle dans son barème (le taux est le même pour tous), est régressive en pratique, car elle pèse davantage, en proportion du revenu, sur les ménages modestes qui consomment une plus grande part de leurs ressources.
Exemple : Selon les données de la DGFIP, les 10 % des foyers fiscaux les plus aisés acquittent une part très majoritaire de l’impôt sur le revenu, mais cette proportion varie selon les années et le mode de calcul (revenus déclarés, déciles fiscaux, etc.), ce qui impose de lire ces chiffres avec prudence.
Les prestations sociales
Les prestations sociales sont des transferts monétaires effectués par l’État et la Sécurité sociale (allocations familiales, aides au logement, RSA, etc.). Certaines sont universelles, d’autres ciblées sur les ménages à faibles revenus. Elles permettent de réduire les écarts de revenus dits « primaires », c’est-à-dire avant intervention de l’État.
Exemple : Selon l’Insee, le coefficient de Gini des revenus disponibles (après impôts directs et prestations sociales) est d’environ 0,29, contre 0,46 avant redistribution. Cela signifie que la redistribution monétaire permet de réduire significativement les inégalités de revenus.
À retenir
La fiscalité progressive et les prestations sociales forment les deux piliers de la redistribution monétaire. Elles réduisent les inégalités de revenus entre ménages.
La redistribution en nature : services publics et politiques territoriales
La redistribution ne passe pas uniquement par l’argent : elle s’exerce aussi via la fourniture gratuite ou peu coûteuse de services publics essentiels.
Les services publics
L’éducation, la santé, la justice, les transports ou encore la sécurité sont financés par l’impôt et accessibles à tous. Ces services publics universels jouent un rôle essentiel dans la réduction des inégalités, en garantissant à chacun des droits fondamentaux, quelle que soit sa situation économique.
Exemple : L’école publique gratuite permet une scolarisation sans frais directs, et le système de santé français, grâce à l’Assurance maladie, permet un accès quasi universel aux soins.
L’action sur les inégalités territoriales
Les pouvoirs publics ciblent aussi certaines zones où les inégalités sont particulièrement marquées. Cela passe par des dispositifs comme les zones d’éducation prioritaire (ZEP, REP, REP+), les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou les aides aux zones rurales. Ces politiques visent à compenser les handicaps d’origine géographique (isolement, pauvreté, sous-investissement public).
Exemple : Les établissements en REP bénéficient d’un taux d’encadrement plus favorable et de moyens pédagogiques spécifiques. Toutefois, l’efficacité de ces dispositifs est débattue : certains travaux soulignent des résultats mitigés en termes de réduction des écarts de réussite scolaire.
À retenir
Les services publics et les politiques territoriales sont des outils de redistribution en nature. Ils visent à garantir l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, même si leur efficacité varie selon les contextes.
Lutte contre les discriminations : garantir l’égalité réelle
La réduction des inégalités passe aussi par la garantie d’un traitement équitable pour tous. Les discriminations fondées sur le sexe, l’origine, la religion, le handicap ou le lieu de résidence créent des inégalités injustifiées, indépendantes des efforts ou des compétences.
Un cadre légal protecteur
Le principe d’égalité devant la loi est inscrit dans la Constitution française. Des lois successives ont renforcé l’arsenal juridique contre les discriminations dans l’emploi, le logement, l’éducation ou les services. Le Défenseur des droits est chargé d’en assurer la mise en œuvre.
Exemple : Des études de testing montrent qu’à profil égal, un candidat portant un nom à consonance maghrébine ou résidant dans un quartier défavorisé reçoit moins de réponses positives à ses candidatures.
Des politiques ciblées pour l’égalité réelle
Pour compenser les inégalités structurelles, les pouvoirs publics peuvent mettre en place des mesures de traitement différencié. Il ne s’agit pas de privilégier certains groupes de manière arbitraire, mais d’instaurer des actions correctrices pour garantir une égalité réelle.
Exemple : Depuis 2001, Sciences Po Paris a mis en place un programme spécifique d’admission pour les élèves issus de lycées situés en zones d’éducation prioritaire. Ces candidats suivent une procédure adaptée, tout en devant satisfaire à des exigences académiques rigoureuses.
À retenir
La lutte contre les discriminations vise à garantir l’égalité de traitement et l’égalité d’accès aux opportunités. Elle repose sur un cadre juridique et sur des politiques volontaristes adaptées aux inégalités structurelles.
Conclusion
Pour lutter contre les inégalités, les pouvoirs publics mobilisent une diversité d’outils : fiscalité progressive, prestations sociales, services publics, politiques territoriales et mesures contre les discriminations.
Ces instruments permettent de réduire les écarts de revenus, mais aussi d’agir sur l’accès aux droits et les conditions de vie. Ils participent à la construction d’une société plus équitable et plus cohésive. Cependant, leur efficacité dépend des choix budgétaires, des modalités de mise en œuvre, et du consentement à la redistribution, qui reste un enjeu central dans les démocraties contemporaines.
