La naissance des empires coloniaux : conquêtes et mondialisation

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Dans cette leçon, tu apprendras comment les grandes découvertes des XVe et XVIe siècles ont fait basculer le monde vers l’Atlantique. Des conquistadores aux missionnaires, tu verras comment les empires ibériques ont fondé une première mondialisation, entre richesses, conquêtes et esclavage. Mots-clés : grandes découvertes, conquistadores, colonisation, mondialisation, esclavage, Atlantique.

Introduction

La fin du Moyen Âge n’a pas de date unique : certains historiens la placent en 1450 avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, d’autres en 1453 avec la prise de Constantinople par les Ottomans, d’autres encore en 1492 avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb et la fin de la Reconquista (reconquête progressive de la péninsule Ibérique par les royaumes chrétiens aux dépens des royaumes musulmans, commencée dès le VIIIᵉ siècle et achevée par la prise de Grenade).

La Réforme protestante (1517) constitue un autre repère majeur. Ces événements traduisent une même rupture : l’entrée dans l’époque moderne, où l’Atlantique devient un nouvel espace d’échanges au sein d’une mondialisation naissante.

Les conquêtes ibériques : conquistadores, marchands et missionnaires

L’avance du Portugal et de l’Espagne s’explique par des innovations techniques (caravelles plus rapides, boussole, astrolabe, cartes améliorées) et par le patronage des monarchies. Le prince portugais Henri le Navigateur (1394-1460) joue un rôle décisif : il finance et organise de nombreuses expéditions le long des côtes africaines, ce qui permet d’accumuler de précieuses connaissances nautiques.

Les Portugais atteignent l’Inde en 1498 avec Vasco de Gama et installent des comptoirs en Afrique, en Asie (Goa, Malacca, Macao) et bientôt au Brésil. Les Espagnols, eux, se tournent vers l’Ouest : en 1492, Christophe Colomb atteint les Antilles.

Les conquistadores renversent les grands empires amérindiens : Hernán Cortés conquiert l’Empire aztèque (1519-1521), Francisco Pizarro soumet l’Empire inca (1532-1533). Ces succès s’expliquent par la supériorité militaire européenne, par des alliances locales, mais aussi par le « choc microbien » : les maladies venues d’Europe (variole, rougeole, grippe) entraînent une hécatombe démographique.

Les conquêtes associent les marchands, qui organisent l’exploitation des richesses, et les missionnaires, qui cherchent à convertir les populations. Mais cette domination soulève des débats : la controverse de Valladolid (1550-1551) oppose Las Casas, défenseur des Amérindiens, et Sepúlveda, partisan d’une conquête justifiée par la supériorité européenne. Toutefois, malgré l’éloquence de Las Casas, la colonisation et l’asservissement des Amérindiens se poursuivent largement.

À retenir

Les conquêtes ibériques reposent sur une avance technique et scientifique, sur la force militaire et sur le choc microbien. Elles associent marchands, missionnaires et conquistadores, tout en suscitant de vifs débats sur leur légitimité.

Le basculement des échanges vers l’Atlantique

Avant 1492, l’Europe dépendait des routes méditerranéennes. Après les découvertes, l’Atlantique devient le cœur des échanges.

Le Traité de Tordesillas (1494) partage le monde entre Espagnols et Portugais : l’Espagne domine l’Amérique, tandis que le Portugal contrôle l’Afrique, le Brésil, mais aussi une partie de l’Asie (Inde, Malacca, Macao). Le Portugal se constitue ainsi un empire global.

Les métaux précieux affluent d’Amérique : l’or et surtout l’argent des mines de Potosí (Bolivie) et du Mexique enrichissent l’Espagne. Mais cet afflux entraîne une forte inflation (hausse générale des prix) au XVIe siècle, appelée la « révolution des prix », qui fragilise paradoxalement l’économie espagnole : dépendance aux métaux, déséquilibres sociaux, crises fiscales.

Les puissances ibériques dominent au XVIe siècle, mais de nouveaux rivaux apparaissent : France, Angleterre et Provinces-Unies contestent bientôt leur suprématie et entrent à leur tour dans la course coloniale.

À retenir

L’Atlantique devient le cœur du commerce mondial. L’or et l’argent américains enrichissent l’Europe mais provoquent une « révolution des prix » qui fragilise l’Espagne. Le Portugal bâtit un empire global, de l’Afrique à l’Asie.

L’économie sucrière et l’esclavage

Le sucre illustre le modèle économique des colonies. Les premières plantations apparaissent dans les îles atlantiques portugaises (Madère, Cap-Vert, São Tomé) dès le XVe siècle : elles inaugurent le système de plantation qui sera transposé au Brésil après 1500.

La culture du sucre demande une main-d’œuvre abondante. Les populations amérindiennes, décimées par les maladies et le travail forcé, ne suffisent plus. Les Portugais organisent alors dès le XVe siècle un commerce d’esclaves africains vers les îles atlantiques, puis vers le Brésil. Ce système devient massif au XVIe siècle, avec des centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants déportés.

Il faut toutefois distinguer cette traite du futur commerce triangulaire : celui-ci, défini comme un système organisé reliant Europe, Afrique et Amérique par trois flux complémentaires, ne se met en place qu’au XVIIe siècle, avec la montée en puissance de la France, de l’Angleterre et des Provinces-Unies.

À retenir

L’économie sucrière, expérimentée dans les îles atlantiques, est transposée au Brésil. L’esclavage africain, déjà massif au XVIᵉ siècle, préfigure le commerce triangulaire institutionnalisé au XVIIᵉ siècle.

Conclusion

Aux XVe et XVIe siècles, les empires coloniaux ibériques inaugurent une mondialisation à l’échelle planétaire. Les conquistadores imposent leur domination en Amérique, les missionnaires diffusent le christianisme et les marchands organisent un commerce transatlantique inédit. L’or et l’argent financent l’Europe mais provoquent une révolution des prix qui déstabilise l’Espagne. Le sucre, d’abord cultivé dans les îles atlantiques puis au Brésil, repose sur l’esclavage africain. La controverse de Valladolid révèle les débats sur la légitimité de la conquête, mais n’empêche pas la poursuite des violences coloniales.

Enfin, si l’Atlantique devient le centre d’un nouveau monde, ces échanges s’inscrivent aussi dans des réseaux plus vastes : routes de l’océan Indien, marchés asiatiques des épices et de la soie. Ainsi se met en place une première mondialisation, fondée à la fois sur l’ouverture et sur la domination.