L’Inde et le Pakistan : religion et enjeux géopolitiques

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Découvre comment la Partition de 1947, la guerre du Bangladesh en 1971 et la question du Cachemire nourrissent une rivalité indo-pakistanaise où la religion, la géopolitique et la puissance nucléaire s’entremêlent. Mots-clés : Inde Pakistan, Partition 1947, Cachemire, Hindutva, charia, rivalité nucléaire.

Introduction

En août 1947, l’Empire britannique des Indes est divisé en deux États indépendants : l’Inde, à majorité hindoue mais définie comme République laïque (secular), et le Pakistan, conçu comme la patrie des musulmans du sous-continent. Cette partition provoque l’un des plus grands drames du XXe siècle : près d’un million de morts et plus de 10 millions de déplacés dans des violences intercommunautaires massives.

En 1971, le Pakistan oriental fait sécession à l’issue d’une guerre d’indépendance qui entraîne, selon les estimations, entre 300 000 et 3 millions de morts : ce bilan reste débattu. La naissance du Bangladesh montre que la Partition ne s’est pas limitée à 1947 mais continue de marquer durablement l’Asie du Sud.

Depuis, la religion reste un facteur majeur de la rivalité indo-pakistanaise, particulièrement autour du Cachemire, et s’articule avec des enjeux stratégiques vitaux comme l’eau, la puissance nucléaire et les alliances internationales.

La partition de 1947 : un traumatisme fondateur

La partition répond aux revendications de la Ligue musulmane dirigée par Muhammad Ali Jinnah, qui craignait la domination hindoue dans une Inde unifiée. L’Inde, sous l’impulsion de Jawaharlal Nehru et d’Ambedkar, adopte un sécularisme original : reconnaissance juridique de toutes les religions, et non séparation stricte comme en France. Le Pakistan, lui, se définit dès l’origine comme un État musulman.

Le discours de Nehru à la veille de l’indépendance, « Tryst with Destiny » (14 août 1947), illustre l’idéal d’une Inde démocratique et pluraliste. De son côté, Jinnah déclare devant l’Assemblée constituante du Pakistan en août 1947 : « Vous êtes libres ; vous êtes libres d’aller dans vos temples, dans vos mosquées ou dans tout autre lieu de culte dans cet État du Pakistan. » Ces paroles témoignent d’une volonté initiale de tolérance, même si la pratique politique évoluera différemment.

La Partition entraîne massacres, déplacements et un ressentiment durable. Le traumatisme est ravivé en 1971 avec la guerre de libération du Bangladesh, qui souligne la fragilité de l’identité pakistanaise et le poids de la religion dans les fractures de l’Asie du Sud.

À retenir

La Partition et la guerre de 1971 fondent la rivalité Inde-Pakistan. Elles opposent une Inde pluraliste à un Pakistan musulman, tout en laissant une mémoire marquée par la violence et l’exode.

Le Cachemire : un foyer de conflits récurrents

Le Cachemire est une région stratégique, frontalière de la Chine et dotée de ressources hydriques. En 1947, le rattachement de ce territoire majoritairement musulman à l’Inde déclenche la première guerre indo-pakistanaise. L’accord de cessez-le-feu de 1949 fixe une Ligne de contrôle (LoC), encore en vigueur : l’Inde administre environ 55 % du territoire, le Pakistan 30 % et la Chine 15 % (Aksai Chin).

Dès 1948, l’ONU adopte des résolutions demandant l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Cachemire. Mais ce vote n’a jamais eu lieu, chaque partie accusant l’autre de blocages. Trois guerres (1947-1949, 1965, 1999) et de nombreuses escarmouches marquent ce contentieux.

Depuis les années 1980, des insurrections séparatistes musulmanes secouent la région. L’Inde accuse le Pakistan de soutenir des groupes islamistes comme le Lashkar-e-Taiba et le Jaish-e-Mohammed, responsables d’attentats, dont celui de Pulwama en 2019 (40 paramilitaires indiens tués). En 2019, le gouvernement Modi abroge l’article 370 de la Constitution, supprimant l’autonomie du Cachemire. Cette décision s’accompagne de coupures d’internet, couvre-feux et arrestations, ce qui accentue les tensions régionales.

À cela s’ajoute le rôle de la Chine, alliée du Pakistan : le corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) traverse le Cachemire contesté, renforçant la rivalité sino-indienne et donnant une portée mondiale à ce conflit.

À retenir

Le Cachemire symbolise les tensions religieuses et territoriales indo-pakistanaises. La LoC de 1949, les résolutions onusiennes non appliquées, et l’axe Pékin-Islamabad en font un foyer de crise international.

Religion, idéologie et rivalité géopolitique

La religion structure les identités nationales. En Inde, le sécularisme est pluraliste : l’État reconnaît toutes les religions, mais ne les sépare pas de la vie publique. Depuis les années 1980, le nationalisme hindou progresse. L’idéologie de l’Hindutva, formulée dès les années 1920 par V.D. Savarkar, prône l’idée d’une Inde définie avant tout par l’hindouisme. Elle inspire aujourd’hui le BJP de Narendra Modi.

Au Pakistan, la Constitution de 1973 fait de l’islam la religion d’État et inscrit la charia comme source du droit. Cependant, son application est partielle et débattue, certains gouvernements cherchant à la renforcer, d’autres à la contenir. Le Pakistan se présente sur la scène internationale comme le défenseur des causes musulmanes, notamment en s’appuyant sur l’Organisation de la coopération islamique (OCI).

Depuis 1998, la rivalité a pris une dimension nucléaire : l’Inde mène les essais de Pokhran-II et le Pakistan ceux de Chagai-I la même année. Cette « nucléarisation » de l’Asie du Sud transforme leur antagonisme en enjeu mondial de sécurité. Le terrorisme islamiste, avec des attaques comme celles de Bombay en 2008, accentue encore la méfiance indienne, qui accuse Islamabad de tolérer certains groupes.

Un autre enjeu crucial est celui des eaux de l’Indus : en 1960, l’Indus Water Treaty, signé avec médiation de la Banque mondiale, organise le partage des rivières entre les deux pays. Ce traité a résisté aux guerres, car il concerne la survie agricole et énergétique des populations, mais il reste un levier de pression dans la rivalité indo-pakistanaise.

À retenir

Inde et Pakistan incarnent deux modèles : un sécularisme pluraliste fragilisé par l’Hindutva et une république islamique débattue autour de la charia. La rivalité s’exprime aussi dans les domaines nucléaire et hydrique, au cœur de la sécurité régionale et mondiale.

Conclusion

Les relations indo-pakistanaises illustrent comment la religion devient un facteur géopolitique. La Partition de 1947, la guerre de 1971, le Cachemire, l’Hindutva et l’islamisation du Pakistan expliquent une opposition durable, amplifiée par l’armement nucléaire et la question de l’eau.

La comparaison éclaire cette situation. En France, la laïcité repose sur la séparation stricte de l’État et de la religion. Aux États-Unis, la religion est très visible mais encadrée par le Premier Amendement. En Asie du Sud, l’Inde et le Pakistan incarnent deux voies antagonistes : une neutralité pluraliste en Inde, mais traversée par l’Hindutva, et un modèle islamique au Pakistan, débattu autour de la charia. Cette confrontation éclaire les différentes formes de sécularisation, au cœur du programme de HGGSP, et montre combien la religion peut structurer les rapports de puissance dans le monde contemporain.