Introduction
Printemps 1814. Paris est occupé, Napoléon abdique et part pour l’île d’Elbe. Après plus de vingt ans de guerres révolutionnaires et napoléoniennes, l’Europe est à bout de forces. Les souverains victorieux – Royaume-Uni, Autriche, Prusse et Russie – veulent mettre fin à l’instabilité née de la Révolution française et de l’Empire. Ils se retrouvent au congrès de Vienne (septembre 1814 – juin 1815) pour réorganiser le continent. L’objectif affiché est simple : restaurer les monarchies, maintenir un équilibre entre les grandes puissances et éviter qu’un État ne domine à nouveau l’Europe. Mais derrière cette façade de stabilité, des tensions politiques et nationales couvent déjà et annoncent les crises futures.
Le contexte de la chute de Napoléon et les objectifs des vainqueurs
La défaite de Napoléon à Leipzig en octobre 1813, la « bataille des Nations », ouvre la route de Paris aux armées coalisées. Quelques mois plus tard, en avril 1814, l’empereur abdique et les puissances victorieuses se fixent une mission : effacer les conquêtes de la Révolution et de l’Empire.
Leurs buts sont triples : rétablir la paix avec des frontières claires, restaurer les monarchies légitimes et établir un équilibre pour éviter toute nouvelle hégémonie. Mais chacun poursuit aussi ses propres ambitions. L’Autriche, par la voix de Metternich, veut se poser en arbitre. La Russie cherche à renforcer son influence en Europe centrale. La Prusse espère accroître son territoire, et le Royaume-Uni veille à préserver sa suprématie maritime et coloniale.
À retenir
Après la chute de Napoléon, les vainqueurs veulent restaurer les monarchies et créer un équilibre des puissances pour stabiliser l’Europe.
Metternich et les décisions majeures du congrès de Vienne
Le congrès de Vienne, dominé par le chancelier autrichien Metternich, est l’un des plus grands rassemblements diplomatiques du XIXe siècle. Pendant près d’un an, il réunit rois, ministres et diplomates dans une atmosphère de négociation permanente mêlée à des fêtes somptueuses.
Les décisions prises redessinent l’Europe :
En France, le traité de Paris (mai 1814) ramène les frontières à celles de 1792, mais avec quelques aménagements favorables, comme la conservation d’Avignon. Après Waterloo, le second traité de Paris (novembre 1815) est plus sévère : frontières encore réduites, indemnités de guerre et occupation temporaire.
Le Royaume-Uni garde plusieurs points stratégiques comme le Cap de Bonne-Espérance, Ceylan et Malte.
La Prusse obtient la Rhénanie, la Westphalie et une partie de la Saxe.
L’Autriche récupère la Lombardie-Vénétie et la Dalmatie.
La Russie annexe une partie du duché de Varsovie, transformée en royaume du Congrès, autonome en théorie mais sous son contrôle.
En Allemagne, la dissolution du Saint-Empire (1806) est entérinée et remplacée par une Confédération germanique de 39 États.
À retenir
Le congrès de Vienne redessine l’Europe : restauration des monarchies, retour de la France à ses limites d’avant 1792 et redistribution des territoires pour maintenir l’équilibre.
Le projet de paix durable : Sainte-Alliance et Concert européen
En juin 1815, après Waterloo, l’Europe veut consolider l’ordre nouveau. Le tsar Alexandre Ier prend l’initiative de créer la Sainte-Alliance, un pacte signé avec l’Autriche et la Prusse, fondé sur des principes de fraternité chrétienne et de solidarité monarchique contre toute révolution. Le Royaume-Uni, fidèle à sa tradition pragmatique, refuse d’adhérer à ce texte religieux et idéologique, mais il participe au Concert européen, un système de rencontres régulières entre les grandes puissances pour discuter des affaires du continent.
Ce concert fonctionne lors de congrès comme Aix-la-Chapelle (1818), Troppau (1820) ou Vérone (1822). Il ne rassemble pas tous les États européens, mais seulement les principales puissances, qui coordonnent leur action pour maintenir l’équilibre établi et réprimer les mouvements révolutionnaires.
À retenir
La Sainte-Alliance, créée à l’initiative du tsar Alexandre Ier, unit Russie, Autriche et Prusse. Le Concert européen, limité aux grandes puissances, organise une coopération diplomatique destinée à préserver la paix.
Les fragilités de l’ordre de 1815
Derrière l’apparente stabilité, l’Europe de 1815 est traversée de tensions. Beaucoup de peuples et de courants politiques refusent de voir l’histoire revenir en arrière.
Les libéraux réclament des constitutions, la liberté de la presse et davantage de droits.
Les nationalistes aspirent à l’unité ou à l’indépendance : en Allemagne et en Italie, des sociétés secrètes comme les carbonari ou les Burschenschaften rêvent d’un pays unifié. En Grèce, dès 1821, une insurrection éclate contre la domination ottomane et reçoit le soutien de nombreux intellectuels européens, sensibles à la cause de l’indépendance.
Les rivalités entre puissances subsistent : Prusse et Autriche se disputent l’influence en Allemagne, tandis que Russie et Royaume-Uni s’opposent dans les Balkans et en Méditerranée.
Un exemple frappant de ces fragilités est la révolution espagnole de 1820 : des officiers et des libéraux imposent au roi Ferdinand VII une constitution. Mais l’insurrection est réprimée par une intervention française décidée lors du congrès de Vérone en 1822, preuve que l’ordre de Vienne n’hésite pas à utiliser la force pour maintenir le statu quo.
À retenir
L’ordre de 1815 est contesté par les libéraux et les nationalistes. Les insurrections espagnole (1820), italiennes (1821) et grecque (1821) montrent que les peuples ne se satisfont pas du système imposé par les grandes puissances.
Conclusion
En 1815, le congrès de Vienne établit un nouvel équilibre européen fondé sur la restauration monarchique et la coopération diplomatique. Ce système garantit une relative stabilité pendant plusieurs décennies, mais au prix d’une répression constante des aspirations libérales et nationales. Dès les années 1820, les révoltes en Espagne, en Italie ou en Grèce révèlent les fissures de cet édifice. Le système de Vienne voulait figer l’Europe, mais les peuples, eux, commençaient déjà à réclamer un autre avenir.
