L'énonciation

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Dans cette leçon, tu vas apprendre à repérer comment un texte prend la parole grâce à l’énonciation : qui parle, à qui, quand, où et dans quel but. Tu vas comprendre comment les pronoms, les déictiques, les temps verbaux et le point de vue construisent la relation entre le locuteur et le lecteur. Tu pourras bientôt analyser plus finement la voix et la position qui structurent chaque texte. Mots-clés : énonciation, situation d’énonciation, pronoms personnels, déictiques, point de vue, temps verbaux

Introduction

L’énonciation désigne la manière dont un énoncé est produit par un locuteur inscrit dans une situation donnée. Chaque texte, littéraire ou non, est lié à une situation d’énonciation qui implique un locuteur, un destinataire, un moment et un lieu. Comprendre ces éléments permet de mieux analyser un texte, d’en saisir la portée et d’interpréter les choix de l’auteur. L’énonciation explique pourquoi certains textes semblent proches du lecteur, d’autres plus narratifs ou plus distants. Comment repérer ces marques d’énonciation et comment influencent-elles la lecture ?

La situation d’énonciation

Le locuteur et le destinataire

Le locuteur est celui qui prend la parole et le destinataire celui à qui cette parole est adressée. Dans une lettre, ces éléments apparaissent clairement. Par exemple, dans les Lettres persanes de Montesquieu, les narrateurs Usbek et Rica écrivent à des proches restés en Perse. Le locuteur est identifié et le destinataire clairement désigné, ce qui influence le ton de la lettre.

Dans un récit autobiographique comme La Promesse de l’aube de Romain Gary, le « je » s’adresse implicitement au lecteur, créant une proximité affective.

Le cadre spatio-temporel

La situation d’énonciation inclut aussi le moment et le lieu où l’énoncé est produit. Les termes « ici », « aujourd’hui », « hier soir » renvoient directement à ce cadre. Dans un journal intime, par exemple, des phrases comme « Aujourd’hui, j’ai compris… » ancrent le texte dans le moment précis de l’écriture.

Dans un discours politique, le lieu influence l’énonciation : un « Françaises, Français » prononcé sur une place publique ne produira pas le même effet qu’un discours tenu dans une salle fermée.

À retenir

La situation d’énonciation regroupe le locuteur, le destinataire et les repères spatio-temporels qui orientent la compréhension du texte.

Les indices linguistiques de l’énonciation

Les pronoms personnels

Les pronoms personnels donnent des indices précieux. Dans Le Petit Prince de Saint Exupéry, les échanges entre le narrateur et le petit prince utilisent « je » et « tu », ce qui instaure un dialogue direct et intime.

Dans un article de journal, le « nous » peut inclure le lecteur (« Nous devons agir rapidement ») ou désigner un groupe restreint (« Nous, chercheurs, observons… »).

Les déictiques

Les déictiques renvoient au contexte immédiat. Dans une pièce de théâtre, un personnage peut dire « ici » pour désigner un lieu visible du public, ce qui crée une présence scénique forte.

Dans un texte de voyage comme ceux de Nicolas Bouvier, des expressions telles que « là-bas », « ce matin » ou « ce village » ancrent le récit dans l’expérience vécue par l’auteur.

Les temps verbaux

Les temps du verbe indiquent l’implication du locuteur. Dans un journal télévisé, le présent est souvent utilisé pour donner une impression de direct (« La tempête touche actuellement la côte »).

Dans un roman réaliste comme Germinal de Zola, le passé simple marque la distance et la narration (« Étienne descendit dans la mine »).

Ces différences montrent que le temps verbal est une clé pour comprendre l’énonciation.

À retenir

Les pronoms, les déictiques et les temps verbaux sont des marqueurs essentiels qui révèlent la relation entre le texte et celui qui le produit.

L’énonciation dans les textes littéraires

L’énonciation narrative

Dans un récit à la première personne, l’énonciation est interne. Dans Le Horla de Maupassant, le « je » plonge le lecteur dans la conscience troublée du narrateur, créant un effet d’immersion.

En revanche, dans Les Misérables de Victor Hugo, le narrateur adopte souvent une position omnisciente et externe, commente les événements ou exprime des jugements personnels, ce qui influence la lecture.

Le point de vue

Le point de vue ou la focalisation modifie la perception du lecteur. Dans Madame Bovary, Flaubert utilise fréquemment la focalisation interne : le lecteur voit les événements à travers le regard d’Emma. Cela renforce l’identification et montre le décalage entre ses rêves et la réalité.

La focalisation externe, comme dans certains passages de Hemingway, limite les informations au visible et laisse le lecteur interpréter les intentions des personnages.

L’énonciation au théâtre et en poésie

Au théâtre, l’énonciation se construit par les répliques. Dans Phèdre de Racine, les aveux prononcés en « je » créent une forte intensité émotionnelle. Les didascalies, comme « Il sort » ou « Elle pleure », complètent cette énonciation scénique.

En poésie, la voix poétique peut être personnelle ou symbolique. Dans Les Contemplations de Victor Hugo, le « je » exprime la douleur du poète après la mort de sa fille. À l’inverse, dans un poème engagé d’Éluard, le « je » incarne parfois une voix collective.

À retenir

Dans les textes littéraires, l’énonciation dépend du narrateur, du point de vue et du genre. Elle oriente la relation entre texte et lecteur.

Conclusion

L’énonciation est essentielle pour comprendre un texte. Elle révèle qui parle, à qui, , quand et dans quel but. Les indices linguistiques comme les pronoms, les déictiques, les temps verbaux ou le point de vue permettent de saisir la position du locuteur et la portée de son discours. Grâce à ces repères, le lecteur peut analyser la voix, le regard et la distance présents dans un texte, ce qui enrichit la compréhension de toute œuvre littéraire.