L'Amérique et l'Europe en révolution (1760-1804)

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Un XVIIIe siècle favorable aux révolutions

A) La philosophie des Lumières, des idées nouvelles

Des idées nouvelles au XVIIIe siècle naissent en Europe, à l’initiative de penseurs, les philosophes des Lumières. Nombreux sont ceux qui réclament le progrès par la raison et l’éducation, l’égalité, la liberté et la tolérance dans tous les domaines. Kant, philosophe allemand, définit les Lumières comme un éveil des consciences humaines, un apprentissage des libertés. La physicienne Emilie du Châtelet demande des droits pour les femmes et l’éducation pour tous. Certains se consacrent aux sciences pour favoriser le progrès humain (travaux de Lavoisier sur la composition de l’air et de l’eau ; études sur l’électricité…).

Les Lumières dénoncent les injustices sociales, telles que l’esclavage ou les inégalités de la société de privilèges, dans laquelle l’Église et la noblesse disposent de meilleures conditions de vie que les non-privilégiés, le tiers état (paysans, ouvriers, bourgeois, écrasés d’impôts). Rousseau réclame l’égalité et la liberté, comme des droits naturels de l’homme.

Les philosophes contestent également la monarchie absolue et réclament des régimes politiques dans lesquels la population jouerait un rôle actif. Montesquieu affirme qu’un régime juste repose sur la séparation des pouvoirs, Voltaire célèbre la monarchie limitée anglaise, Diderot et Rousseau parlent de démocratie et de souveraineté du peuple…

Mot-clé

Démocratie : régime politique dans lequel le pouvoir appartient aux citoyens.

À savoir

Un régime politique repose sur le pouvoir exécutif (appliquer les lois), législatif (faire les lois) et judiciaire (rendre la justice). Une monarchie est un régime dirigé par un roi. Elle peut être absolue (le roi a tous les pouvoirs) ou limitée (les pouvoirs sont séparés).

B) La diffusion des idées nouvelles

Des idées nouvelles circulent en Europe et en Amérique par de nombreux supports qui font émerger une opinion publique : presse, journaux, clubs, débats dans les salons et les cafés… Dans les campagnes, des colporteurs transmettent la culture nouvelle (journaux, résumés bon marché des grands traités philosophiques…). Les philosophes voyagent, débattent dans les salons et les universités, échangent des correspondances actives.

L’Encyclopédie (1751-1772) est un ouvrage monumental qui entend rassembler les connaissances du temps dans tous les domaines afin d’instruire toutes les catégories sociales. Elle est aussi un moyen de diffuser les idées nouvelles à travers la formulation des articles. Elle place la raison au-dessus de la religion. Traduite dans de nombreuses langues, elle se diffuse au gré de ses conflits avec l’Église et le roi, qui utilisent la censure (la condamnation des idées nouvelles qui aboutit à une interdiction de publication).

C) Vers des sociétés nouvelles

Les révolutions d’Europe et d’Amérique s’inspirent mutuellement pour créer des sociétés nouvelles, fondées sur l’égalité, les libertés, la recherche du bonheur et du progrès humains. Les femmes et les personnes de couleur ouvrent les débats sur l’égalité (Olympe de Gouges milite en 1791 pour l’égalité entre les hommes et les femmes et l’abolition de l’esclavage). La Révolution française renforce l’égalité des citoyens en unifiant l’administration (création des communes en 1789 et des départements en 1790) et les poids et mesures…

Les Européens et les Américains veulent devenir des citoyens, acquérir le droit de vote et essaient d’établir à la place des monarchies absolues, avec des succès divers, des républiques constitutionnelles. La demande de souveraineté populaire et de la garantie des droits par l’écrit (constitutions, déclarations) est récurrente.

Mots-clés

Constitution : loi qui définit le régime politique d’un État et l’organisation des pouvoirs.

Révolution : rupture brutale qui transforme le régime politique et la société.

Souveraineté populaire : le peuple a le pouvoir.

Les révolutions atlantiques (1760-1804)

A) La révolution américaine (1775-1783)

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Des 13 colonies à l’indépendance (1775-1787)

La révolution américaine est le premier exemple des bouleversements de la fin du XVIIIe siècle et de la revendication de l’application des idées des Lumières. Les 13 colonies anglaises, écrasées d’impôts, n’acceptent plus d’être exploitées par le Royaume-Uni qui leur refuse toute liberté et toute représentation politique. Les Anglais leur imposent de ne commercer qu’avec eux et les colons rejettent en réponse les produits anglais. Ils jettent à la mer des cargaisons de thé à destination de l’Angleterre (Boston Tea Party, 1773).

L’Angleterre refuse de prendre en considération les aspirations des colons et engage des représailles, ce qui entraîne une longue guerre d’indépendance (1776-1783). Inspirés par les philosophes européens, les représentants des colons rédigent la déclaration d’Indépendance (4 juillet 1776), fondée sur les idées de liberté, d’égalité et de recherche du bonheur. Les colons rebelles, les Insurgés, dirigés par G. Washington, obtiennent l’aide de la France (Rochambeau, La Fayette viennent combattre à leurs côtés), vieil adversaire des Anglais.

Les Insurgés l’emportent sur les Anglais en 1783 (traité de Versailles). Les vainqueurs proclament la création des États-Unis d’Amérique, définis par la première Constitution de l’Histoire en 1787. Les États-Unis deviennent les premières colonies à obtenir l’indépendance de leur métropole. La République américaine établit que le peuple est souverain et que les pouvoirs sont séparés ; cependant, une partie seulement des idées des Lumières sont appliquées, car seuls les hommes riches peuvent voter… Cependant, les philosophes français, comme Condorcet, y voient un modèle.

Ne pas confondre

Une République est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par des représentants élus d’une partie ou de la totalité de la population. Elle peut être une démocratie si tous les citoyens participent au vote, mais ne l’est pas forcément.

Les sujets, soumis au roi, n’ont aucun droit, à part ceux qui bénéficient de privilèges. Les citoyens, libres et égaux, participent à la vie politique et possèdent des droits.

B) La révolution française (1789-1799)

a) Un contexte de crise économique, politique, sociale et financière

Les privilégiés ne paient pas d’impôts, alors que le tiers état est écrasé de taxes. Le roi Louis XVI consulte les Français, qui rédigent des cahiers de doléances pour énoncer leurs difficultés et les solutions proposées. Le 5 mai, il convoque les États Généraux, assemblée de représentants des trois ordres, pour essayer de sortir de la crise. Mais les députés du tiers état n’entendent pas voter de nouveaux impôts qui rééquilibreraient le budget royal.

Les députés du tiers état se proclament assemblée nationale (17 juin), jurent de ne pas se séparer tant que la monarchie ne sera pas devenue constitutionnelle et parlementaire (serment du Jeu de paume, 20 juin). Le peuple se révolte pour soutenir les députés, s’opposer à la monarchie absolue (prise de la Bastille, 14 juillet) et refuser la société de privilèges (Grande Peur). Le 4 août, tous les députés abolissent les privilèges pour apaiser les émeutes ; le 26 août, ils rédigent la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, inspirée de la déclaration américaine, fondée sur l’égalité (devant la loi, la justice, l’impôt), les libertés et la souveraineté du peuple. Le roi doit céder face à l’enthousiasme populaire.

b) Les années 1791-1792 marquent la chute progressive de la monarchie

La constitution de 1791 entraîne le passage à une monarchie parlementaire ; le roi essaie de rétablir la monarchie absolue en allant chercher l’aide de la noblesse émigrée, des Autrichiens et des Prussiens, mais se fait arrêter à Varennes, perdant la confiance des Français. L’Assemblée, désireuse de diffuser les idées révolutionnaires en Europe, déclare la guerre à la Prusse et à l’Autriche en 1792. Le peuple finit par prendre le palais royal des Tuileries (10 août 1792), arrête la famille royale et pousse l’Assemblée à proclamer la fin de la monarchie et la création de la Première République (21 septembre 1792).

c) La Première République (1792-1799)

Le nouveau régime est marqué par des troubles intenses, à l’intérieur de la France, avec l’émergence de nombreux mouvements politiques, et à l’extérieur par une guerre qui se prolonge contre les monarchies européennes, inquiètes de la diffusion des idées révolutionnaires à l’extérieur des frontières françaises. Les femmes, bien que citoyennes, sont écartées de la vie publique à partir de 1793. La République est dirigée par une assemblée élue, la Convention, qui proclame l’exécution de Louis XVI (21 janvier 1793) : toutes les monarchies européennes entrent alors en conflit contre la France révolutionnaire, tandis que les catholiques fervents se soulèvent contre la République (ex. : Vendée).

Les partis se succèdent au gré de coups d’État violents. La Terreur (1793-1794) est une période de dictature : les libertés sont suspendues au profit de l’État, toute l’activité a pour but de sauver la République en guerre contre l’Europe monarchique. Robespierre et Danton votent des lois strictes qui entraînent l’exécution de nombreux suspects de conspiration contre l’État. Le Directoire (1795-1799), qui remplace la Terreur à la suite d’un coup d’État, est un régime impopulaire, qui renforce les inégalités entre un peuple appauvri, et une minorité riche dirigeante. Les partis royalistes et populaires se révoltent fréquemment. En 1799, le général Napoléon Bonaparte, par le coup d’État de Brumaire, met un terme au Directoire et à la République, avec le soutien du peuple et de l’armée.

La France, décidée à libérer les Européens, diffuse les droits de l’homme, la fin des privilèges et des constitutions qui établissent des « républiques sœurs » sur le modèle français. Cependant, elle pille aussi ses conquêtes pour financer les guerres…

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La France révolutionnaire (1792-1794)

C) La révolution à Saint-Domingue (1791-1804)

L’île de Saint-Domingue est marquée par les événements américains et français. La colonie française est riche grâce au travail des esclaves (économie de plantation, exploitation du sucre). Or, toute la société coloniale aspire à des libertés : les riches colons veulent l’autonomie, les hommes libres veulent devenir citoyens, les esclaves (90 % de la population) n’acceptent plus leur condition, réclament l’extension des droits de l’homme et du citoyen à toute la population, et se révoltent dans l’île dès août 1791. Le soulèvement aboutit à l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue en 1793.

L’Angleterre et l’Espagne, en guerre contre la France, cherchent à prendre l’ouest de l’île. Pour reprendre le contrôle, la Convention vote en 1794 l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies. L’île entre alors dans une décennie de violences.

Toussaint Louverture, ancien esclave, devient général de la République et engage la lutte pour l’indépendance. Il prend le contrôle de l’île en 1801 et rédige une constitution fondée sur l’égalité des droits. En 1802, Bonaparte rétablit l’esclavage et entend reprendre le contrôle de l’île par la force. Mais, en dépit de la capture de Toussaint Louverture, les révolutionnaires finissent par l’emporter en 1803 et proclament en 1804 la naissance de la république d’Haïti, la première république noire issue d’une révolte d’esclaves.

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Les conflits pour la liberté et l’indépendance, 1791-1804