Introduction
En Inde, pays de plus d’un milliard d’habitants, la Constitution proclame la liberté religieuse. Mais ce choix résulte d’un compromis historique : après l’indépendance de 1947 et les violences de la Partition entre l’Inde hindoue et le Pakistan musulman, les fondateurs de l’État ont affirmé un principe de coexistence religieuse.
Aux États-Unis, le Premier amendement de 1791 interdit toute religion officielle, consacrant une séparation juridique entre l’État et les Églises, même si la société reste très religieuse.
En France, la loi de 1905 a instauré la laïcité, mais avec des exceptions régionales et ultramarines. Ces exemples montrent qu’il existe plusieurs façons d’organiser les relations entre États et religions, ce qui conditionne directement la liberté de conscience des citoyens.
Les modèles juridiques : séparation, religion officielle, laïcité
Certains pays reconnaissent une religion officielle. Au Royaume-Uni, l’Église anglicane est la religion d’État et le roi en est le chef. En Arabie saoudite, l’islam wahhabite – une interprétation rigoriste de l’islam sunnite née au XVIIIᵉ siècle – structure à la fois le droit, la politique et la vie sociale. Dans ces cas, la liberté de conscience est limitée, voire inexistante.
Aux États-Unis, la séparation repose sur le Premier amendement (1791) : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement d’une religion ou qui interdise son libre exercice ». Ce texte garantit une séparation juridique, mais il ne s’agit pas d’une laïcité au sens français. La religion reste visible et influente dans la société, et le serment présidentiel sur la Bible, bien qu’étant une coutume sans valeur légale, illustre cette importance symbolique.
En Inde, le sécularisme indien ne signifie pas une neutralité stricte : l’État reconnaît et encadre les religions afin de préserver la coexistence. Ce modèle, né du traumatisme de la Partition, vise à éviter la domination d’une religion sur les autres, mais il est fragilisé par la montée de l’hindouisme politique.
En Turquie, la laïcité est issue des réformes d’Atatürk dans les années 1920. Mais contrairement au modèle français, il ne s’agit pas d’une neutralité : la religion est placée sous le contrôle direct de l’État, via la Direction des affaires religieuses (Diyanet), qui encadre le culte musulman. Aujourd’hui, l’islam a retrouvé une place croissante dans la vie publique sous l’impulsion des gouvernements récents.
En France, la laïcité repose sur la loi de 1905 : l’État ne finance aucun culte et garantit la liberté de conscience. Mais il existe des exceptions : le concordat d’Alsace-Moselle, le financement du culte catholique en Guyane, et le rôle civil reconnu aux cadis à Mayotte. Ces régimes dérogatoires rappellent que la laïcité française est plus diversifiée qu’on ne l’imagine.
À retenir
Trois grands modèles existent : religion officielle, séparation juridique et laïcité. Mais chacun est façonné par son histoire et ses compromis politiques.
La liberté de conscience et de religion : une application variable
La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) proclame la liberté de conscience et de religion. Mais son application varie fortement.
Dans les démocraties libérales (Canada, Allemagne, France), la liberté est large : chacun peut croire, ne pas croire, changer de religion et pratiquer son culte. Mais des limites existent, souvent arbitrées par les tribunaux. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), créée en 1959, joue un rôle majeur en Europe : elle a rendu plusieurs arrêts concernant le port de signes religieux (comme l’affaire Leyla Şahin c. Turquie, 2005, sur l’interdiction du voile islamique à l’université), soulignant la diversité des solutions adoptées par les États.
En Russie, la Constitution reconnaît la liberté religieuse, mais dans les faits l’Église orthodoxe est considérée comme la « religion traditionnelle ». Depuis une décision de la Cour suprême en 2017, les Témoins de Jéhovah sont interdits et qualifiés d’« organisation extrémiste ».
En Chine, seules cinq religions disposent d’associations patriotiques officielles : bouddhisme, taoïsme, islam, catholicisme et protestantisme. Les autres traditions – comme le confucianisme ou les religions populaires – existent, mais elles ne sont tolérées que si elles s’intègrent dans les structures contrôlées par l’État. En dehors de ce cadre, elles sont marginalisées ou réprimées, comme le montre la surveillance massive imposée aux musulmans ouïghours.
Exemple : l’article 1er de la loi française de 1905 déclare : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » L’analyse de ce texte montre deux piliers : la protection de la liberté individuelle (croire ou ne pas croire) et la possibilité de restreindre certaines pratiques pour préserver l’ordre public. Ce document illustre bien comment la laïcité française articule liberté et encadrement.
À retenir
La liberté de conscience est universelle en droit, mais appliquée très différemment : large et protégée dans les démocraties, encadrée ou restreinte dans les régimes autoritaires.
Conclusion
Les relations entre États et religions révèlent la diversité des traditions politiques contemporaines : séparation juridique aux États-Unis, sécularisme indien issu de la Partition, laïcité française modulée par des exceptions, contrôle étatique en Turquie, reconnaissance limitée en Chine, statut privilégié de l’orthodoxie en Russie. Ces modèles traduisent des histoires nationales et influencent le degré de liberté de conscience.
En Europe, la CEDH rappelle que cette liberté est un droit fondamental, mais qu’elle s’exerce différemment selon les contextes. Comprendre cette diversité, à partir de textes juridiques et de cas concrets, est indispensable pour analyser les tensions contemporaines entre citoyenneté, démocratie et croyances religieuses.
