Introduction à la puissance internationale

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Dans cette leçon, tu vas découvrir ce que signifie la puissance au XXIᵉ siècle. Tu verras qu’elle ne repose pas seulement sur la force militaire, mais aussi sur l’économie, la diplomatie, la culture et les normes. L’étude des grandes puissances, des institutions internationales et des limites écologiques montre comment se construit un monde multipolaire. Mots-clés : puissance mondiale, hard power, soft power, Union européenne, puissances émergentes, monde multipolaire.

Introduction

En février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie illustre brutalement ce que signifie la puissance dans le monde contemporain : la capacité d’un État à peser sur les affaires internationales et à imposer sa volonté, parfois par la force. Mais la puissance ne se limite pas aux armes. Elle se construit aussi par le poids économique, l’influence culturelle, la diplomatie et la maîtrise financière.

À l’ère de la mondialisation, ces dimensions s’entrecroisent et définissent la hiérarchie internationale. Comprendre les fondements et les manifestations de la puissance permet d’expliquer pourquoi certains États dominent la scène mondiale et pourquoi d’autres peinent à s’y imposer.

Les fondements classiques de la puissance

La puissance repose d’abord sur les capacités militaires. En 2022-2023, les États-Unis représentent environ 37 % des dépenses militaires mondiales, ce qui leur assure une avance considérable et un réseau de bases militaires planétaires. La Russie reste un acteur militaire incontournable grâce à son arsenal nucléaire et à son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, même si son poids économique est bien plus limité : son PIB est comparable à celui de l’Espagne ou de l’Italie.

La possession de l’arme nucléaire demeure un critère central de puissance : seuls neuf États en disposent aujourd’hui (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord).

La puissance diplomatique s’appuie sur la capacité à tisser des alliances et à agir dans les grandes organisations. La Chine déploie une diplomatie active à travers ses Nouvelles Routes de la Soie, un programme mondial d’infrastructures. Concrètement, Pékin a investi dans le port du Pirée en Grèce, transformé en hub stratégique en Méditerranée, et a construit le corridor économique Chine-Pakistan, reliant la province du Xinjiang au port de Gwadar. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, conserve une influence grâce à ses réseaux diplomatiques et à ses interventions extérieures, notamment en Afrique.

Le poids économique et financier complète ces fondements. Les États-Unis dominent encore grâce à leurs multinationales, notamment les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). La Chine rivalise avec ses propres géants numériques, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), et s’affirme comme moteur de la croissance mondiale. L’Union européenne est la première puissance commerciale mondiale si l’on combine biens et services, mais pour les seuls biens manufacturés, la Chine la devance. Sur le plan monétaire, le dollar représente environ 60 % des réserves mondiales de devises (2022-2023), contre 20 % pour l’euro et moins de 3 % pour le yuan.

À retenir

La puissance se fonde sur la combinaison de moyens militaires, diplomatiques, économiques et financiers. Ces atouts structurent la hiérarchie mondiale, mais leur poids relatif varie selon les acteurs.

La puissance culturelle et normative

La puissance ne se réduit pas à la force. Le politologue américain Joseph Nye a introduit la distinction entre hard power (« puissance dure », contrainte par la force ou l’économie) et soft power (« puissance douce », influence par l’attraction et la culture).

Les États-Unis restent le modèle le plus abouti de soft power : Hollywood, Netflix, la musique, les universités prestigieuses et la diffusion de l’anglais contribuent à leur domination mondiale. La Corée du Sud illustre aussi ce phénomène avec la K-Pop, son cinéma et ses séries (Squid Game), qui participent à son rayonnement international. La Chine tente de développer un soft power à travers les Instituts Confucius et ses médias internationaux, mais son image reste souvent affaiblie par ses atteintes aux libertés.

La puissance peut aussi être normative, c’est-à-dire liée à la capacité à imposer des règles. L’Union européenne, bien qu’elle ne dispose pas de puissance militaire propre, exerce une influence normative forte : ses normes environnementales, sanitaires ou numériques (par exemple le RGPD, Règlement général sur la protection des données) s’imposent largement au reste du monde.

Le politologue Zaki Laïdi (politologue français, né en 1954 à Oujda au Maroc) a même forgé l’expression « normative power Europe » pour qualifier cette capacité unique.

À retenir

La distinction entre hard power, soft power et puissance normative permet de comprendre les formes diverses de la puissance internationale et le rôle particulier de l’UE comme acteur normatif plus que militaire.

La puissance dans les institutions internationales et dans l’histoire

Les institutions internationales sont des lieux où s’exprime la puissance. Au Conseil de sécurité de l’ONU, seuls cinq pays (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) disposent d’un droit de veto, privilège qui leur permet de bloquer des décisions contraires à leurs intérêts. Dans les institutions financières comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, les droits de vote sont proportionnels aux contributions financières, ce qui donne aux États-Unis une minorité de blocage et donc une influence décisive.

Dans l’histoire, plusieurs exemples montrent l’évolution de la puissance. L’Empire romain, au Ier et au IIᵉ siècle, domine l’espace méditerranéen par sa puissance militaire, son réseau de routes et son organisation politique. L’Empire ottoman, aux XVIe et XVIIe siècles, contrôle les grandes routes commerciales entre l’Europe et l’Asie et dispose d’une armée redoutée, avant de décliner au XIXᵉ siècle face aux puissances européennes. Plus près de nous, l’URSS incarne au XXe siècle une superpuissance militaire et idéologique, rivale des États-Unis, avant de s’effondrer en 1991.

Aujourd’hui, des puissances émergentes cherchent à s’affirmer. L’Inde, par sa démographie, son dynamisme économique et son programme spatial, aspire à devenir un acteur mondial. Le Brésil, membre des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et leader régional en Amérique du Sud, joue un rôle majeur dans l’agriculture (soja, café, viande) et l’énergie (pétrole offshore, hydroélectricité). La Turquie, par sa position géographique stratégique entre Europe et Moyen-Orient, combine ambitions régionales et poids militaire croissant.

À retenir

Les institutions révèlent les rapports de force, tandis que l’histoire montre que la puissance peut croître ou décliner. Aujourd’hui, l’essor de puissances émergentes comme l’Inde, le Brésil ou la Turquie illustre un monde multipolaire.

Les limites de la puissance

La puissance, même pour les acteurs dominants, connaît des limites. Les États-Unis, malgré leur poids militaire et financier, voient leur leadership contesté par la montée de la Chine et par des divisions internes (polarisation politique, contestation de certaines interventions).

La Chine, malgré sa croissance, reste dépendante des importations énergétiques et vulnérable aux tensions commerciales. L’Union européenne, malgré sa puissance normative et commerciale, souffre de ses divisions internes, de son absence de puissance militaire unifiée et de dépendances stratégiques (énergie, numérique). Quant à la Russie, elle conserve un poids militaire et diplomatique, mais son économie restreinte réduit sa capacité à rivaliser durablement avec les grandes puissances.

Les limites écologiques pèsent aussi sur la puissance. Le Brésil, par exemple, voit sa force agricole fragilisée par les sécheresses et la déforestation qui affectent l’Amazonie. La Chine est critiquée pour l’impact environnemental de certaines infrastructures liées aux Nouvelles Routes de la Soie. Plus largement, la dépendance au pétrole ou le réchauffement climatique réduisent la marge de manœuvre des grandes puissances et créent de nouvelles vulnérabilités.

À retenir

La puissance n’est jamais absolue : chaque acteur possède des forces mais aussi des faiblesses, qu’elles soient économiques, politiques ou environnementales.

Conclusion

La puissance internationale au XXIᵉ siècle est multidimensionnelle. Elle repose sur les moyens militaires, diplomatiques, économiques et financiers, mais aussi sur l’influence culturelle et normative. Les États-Unis restent une puissance dominante, la Chine s’impose comme rivale, la Russie conserve un rôle stratégique malgré son économie limitée, et l’Union européenne agit comme un acteur particulier, normatif plus que militaire.

L’histoire de l’Empire romain, de l’Empire ottoman ou de l’URSS montre que la puissance est toujours évolutive. L’émergence de nouveaux acteurs comme l’Inde, le Brésil ou la Turquie confirme que nous vivons dans un monde multipolaire, où comprendre les logiques mais aussi les limites de la puissance — y compris écologiques — est essentiel pour analyser les rivalités et les grands enjeux du monde contemporain.