Introduction
Les migrations internationales concernent aujourd’hui des millions de personnes à travers le monde. En 2024, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), environ 280 millions de personnes vivent durablement hors de leur pays d’origine. Ce chiffre inclut les réfugiés, les travailleurs migrants, les étudiants internationaux et les personnes déplacées pour des raisons économiques, politiques ou climatiques.
Ces mobilités traduisent à la fois des déséquilibres mondiaux et des aspirations humaines à la sécurité, à l’éducation et à une vie meilleure. Problématique : pourquoi les migrations internationales, moteurs d’espoir et de développement, sont-elles aussi un enjeu politique et social majeur pour les États ?
Les facteurs des migrations : entre contraintes, inégalités et aspirations
Les migrations internationales résultent de plusieurs causes qui se combinent : conflits, inégalités économiques, changement climatique ou recherche d’opportunités.
Les conflits armés et les persécutions politiques forcent des millions de personnes à fuir. La guerre en Syrie a poussé plus de 13 millions de Syriens à quitter leur pays depuis 2011, tandis que l’invasion russe de l’Ukraine en 2022 a provoqué le départ de près de 6 millions de réfugiés. Ces déplacements sont protégés par la Convention de Genève (1951) et le Protocole de 1967, qui garantissent un droit d’asile à ceux qui fuient les persécutions.
Les migrations économiques sont les plus nombreuses. Dans les pays du Sud, la pauvreté et le chômage poussent à chercher du travail ailleurs. Des États comme les Philippines ont organisé cette mobilité : la Philippine Overseas Employment Administration (POEA) encadre depuis les années 1980 l’envoi de travailleurs à l’étranger, notamment vers les pays du Golfe. Selon la Banque mondiale (2023), les transferts de fonds envoyés par les migrants atteignent 850 milliards de dollars, soit trois fois l’aide publique au développement mondiale.
En Afrique subsaharienne, les migrations se font surtout à l’intérieur du continent : près de 70 % des mobilités africaines sont intra-africaines. Des travailleurs du Burkina Faso ou du Niger rejoignent la Côte d’Ivoire, pôle économique régional, tandis que de nombreux migrants se rendent en Afrique du Sud depuis le Zimbabwe ou le Mozambique. Ces flux montrent que l’Afrique est un espace de mobilité dynamique, et pas seulement un continent d’émigration vers l’Europe.
Les migrations pour études et formation se multiplient également. Des millions d’étudiants partent chaque année vers les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni ou l’Australie, à la recherche d’une meilleure éducation et de nouvelles perspectives professionnelles.
Le changement climatique devient enfin une cause croissante de migration. Dans le Sahel, la sécheresse et la désertification déplacent les populations rurales ; au Bangladesh, la montée du niveau de la mer menace des millions d’habitants ; dans le Pacifique, des États insulaires comme Kiribati risquent de disparaître. Le terme de « réfugié climatique » reste cependant non reconnu par le droit international, et aucun processus officiel n’a été engagé pour lui donner un statut.
À retenir
Les migrations sont causées par la guerre, la pauvreté, les inégalités ou le climat. Les réfugiés politiques bénéficient d’un statut juridique international, mais les déplacés climatiques ne sont pas encore reconnus par la loi.
Étude de cas : les travailleurs philippins dans les pays du Golfe
Les Philippines comptent plus de 10 millions de citoyens vivant à l’étranger, soit près d’un dixième de leur population. Cette diaspora — ensemble de personnes vivant hors de leur pays tout en maintenant des liens économiques et culturels avec lui — illustre une migration organisée à grande échelle.
Depuis les années 1980, l’État philippin favorise cette mobilité encadrée par la POEA, notamment vers les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Arabie saoudite. Les travailleurs y exercent des emplois souvent peu qualifiés, dans la construction, les services ou la santé. Cependant, le système de la kafala, qui lie le travailleur à son employeur et restreint sa liberté de mouvement, rend ces conditions précaires. Malgré cela, les transferts financiers représentent environ 10 % du PIB philippin, soutenant des millions de familles.
À retenir
Le modèle philippin montre comment certains États organisent l’émigration pour stimuler leur économie, mais au prix d’une dépendance à des systèmes de travail souvent inéquitables.
Des politiques d’accueil contrastées selon les régions du monde
Les politiques migratoires reflètent les priorités et les équilibres géopolitiques des États.
En Europe, le pacte sur la migration et l’asile adopté en 2023 vise à mieux répartir les demandeurs d’asile et à harmoniser les procédures. Il prévoit des contrôles renforcés aux frontières, des procédures accélérées d’examen des demandes à l’arrivée et des retours coordonnés pour les personnes déboutées. Cependant, ce pacte est encore en débat, certains pays comme la Hongrie ou la Pologne refusant d’accueillir des réfugiés.
Les États-Unis restent la première destination migratoire mondiale, accueillant plus d’un million de nouveaux arrivants légaux chaque année. Mais la frontière avec le Mexique concentre les tensions, notamment à cause des arrivées massives de migrants d’Amérique centrale fuyant la pauvreté et la violence.
Les pays du Golfe — Qatar, Émirats arabes unis, Arabie saoudite — dépendent fortement de la main-d’œuvre étrangère, qui représente plus de 80 % de la population dans certains cas. Ces États encadrent strictement le travail des migrants et limitent leurs droits civiques.
La Turquie est aujourd’hui le premier pays d’accueil de réfugiés au monde, avec environ 3,5 millions de Syriens sur son territoire. En échange d’un soutien financier européen, elle contrôle les flux migratoires vers l’Union européenne, jouant un rôle de verrou diplomatique, c’est-à-dire de pays intermédiaire qui régule les passages entre zones d’émigration et d’immigration.
En Asie orientale, le Japon et la Corée du Sud connaissent un fort vieillissement de la population et un besoin croissant de main-d’œuvre. Pourtant, leur politique migratoire reste très restrictive : les visas sont accordés seulement à des travailleurs qualifiés ou saisonniers, et l’installation durable est rarement autorisée.
À retenir
Les politiques d’accueil reflètent des logiques différentes : ouverture contrôlée en Europe, dépendance au travail étranger dans le Golfe, fermeture sélective en Asie. Le pacte européen de 2023 illustre la volonté de concilier solidarité et contrôle, mais son application reste incomplète.
Les enjeux économiques, sociaux et politiques des migrations
Les migrations sont à la fois une opportunité et un défi pour les pays d’accueil et d’origine.
Sur le plan économique, les migrants participent à la croissance des pays développés en comblant le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs. En Europe, ils soutiennent l’économie dans le bâtiment, la restauration ou les services à la personne. Dans les pays d’origine, les transferts d’argent représentent une ressource essentielle. Les politiques de codéveloppement, comme les accords de mobilité Maroc–France ou les programmes franco-sénégalais, visent à transformer ces flux en moteurs de développement local. Toutefois, ces politiques restent d’ampleur limitée et sont souvent critiquées pour leur efficacité réduite.
Sur le plan social, les diasporas renforcent les échanges culturels et économiques. Mais l’intégration des migrants peut susciter des tensions autour du logement, de l’emploi ou de la laïcité.
Sur le plan politique, la migration est devenue un sujet sensible. Dans plusieurs pays européens, elle alimente les débats électoraux et la montée des populismes. À l’échelle mondiale, certains États, comme la Turquie ou le Maroc, utilisent la régulation des flux migratoires comme instrument diplomatique pour peser sur les relations internationales.
À retenir
Les migrations favorisent la croissance économique et le développement, mais elles posent des défis d’intégration et de gouvernance mondiale. Le codéveloppement, bien qu’encourageant, reste encore peu efficace à grande échelle.
Conclusion
Les migrations internationales révèlent à la fois les déséquilibres du monde et les liens de solidarité qui unissent les sociétés. Elles sont motivées par la guerre, le travail, le climat ou l’éducation, et redessinent les grands foyers de population de la planète. Les pôles d’attraction majeurs — Amérique du Nord, Europe, pays du Golfe et Asie de l’Est — concentrent l’essentiel des arrivées, tandis que l’Afrique et l’Asie du Sud restent les principaux foyers de départ.
Le pacte européen de 2023 illustre la difficulté d’harmoniser les politiques migratoires face aux crises. Quant aux déplacés climatiques, ils demeurent sans statut légal reconnu : à ce jour, aucun processus officiel n’est engagé pour leur protection. Dans les prochaines décennies, il faudra gérer les migrations en conciliant solidarité, stabilité politique et coopération entre pays, afin qu’elles deviennent un facteur d’équilibre plutôt qu’une source de division.
