Introduction
La biodiversité désigne la diversité du vivant à différentes échelles : celle des espèces, des gènes, des écosystèmes. Elle constitue le patrimoine biologique de la planète et joue un rôle fondamental dans les équilibres écologiques, la résilience des milieux naturels et le fonctionnement des sociétés humaines.
Comprendre et protéger la biodiversité suppose de savoir l’observer, la mesurer et estimer les effectifs des espèces. Cette leçon présente les méthodes scientifiques utilisées pour estimer la biodiversité et la taille des populations, ainsi que les enjeux liés à ces évaluations, dans un contexte d’érosion rapide du vivant.
Définir et mesurer la biodiversité
La biodiversité comprend plusieurs niveaux d’organisation :
la diversité spécifique : nombre et répartition des espèces dans un milieu donné
la diversité génétique : variation des allèles au sein de l’ensemble du génome d’une population, qui conditionne sa capacité d’adaptation aux changements
la diversité écosystémique : variété des milieux de vie (forêts, océans, zones humides…) et des interactions entre espèces
Pour quantifier la biodiversité, les scientifiques utilisent plusieurs indicateurs :
la richesse spécifique : nombre total d’espèces identifiées dans un écosystème
l’abondance relative : proportion de chaque espèce dans une communauté
des indices de diversité, comme l’indice de Shannon, qui prend en compte à la fois la richesse (nombre d’espèces) et la répartition équilibrée des effectifs (dominance ou rareté)
Ces mesures reposent sur des observations de terrain, puis sur des traitements statistiques permettant d’extrapoler à partir d’échantillons limités.
À retenir
La biodiversité s’apprécie à plusieurs échelles : espèces, gènes, habitats.
Elle se mesure à l’aide d’indicateurs fondés sur des observations et des estimations.
L’indice de Shannon permet de pondérer à la fois le nombre d’espèces et leur abondance relative.
Estimer la taille d’une population : échantillonnage et modélisation
Compter tous les individus d’une espèce est généralement impossible. Les chercheurs utilisent donc des méthodes indirectes d’estimation, fondées sur des prélèvements partiels :
Méthode des quadrats
On délimite plusieurs unités de surface (quadrats) de taille connue, choisies aléatoirement ou de manière stratifiée.
On y compte les individus observés.
On calcule la densité moyenne, que l’on extrapole à l’ensemble de la zone étudiée.
Exemple : si 20 quadrats de 1 m² contiennent en moyenne 10 individus, on estime qu’un champ de 1 000 m² contient environ 10 000 individus. Cette estimation suppose une répartition homogène des individus dans l’espace, ce qui n’est pas toujours réaliste dans les milieux naturels.
Méthode des transects
On suit une ligne droite (transect) et on enregistre les espèces rencontrées à intervalles réguliers.
Cette méthode est utilisée dans les milieux vastes ou pour des espèces mobiles.
Capture-marquage-recapture
On capture un échantillon d’individus, qu’on marque avant de les relâcher.
On procède ensuite à une seconde capture de individus, dont sont marqués.
La taille totale de la population est estimée à l’aide de la formule de Lincoln-Petersen :
Ce modèle est valide uniquement dans une population fermée (pas d’entrée, de sortie, de naissance ni de mortalité entre les deux captures) et à condition que le marquage soit neutre.
À retenir
On estime la taille d’une population à partir d’échantillons partiels.
La méthode capture-recapture repose sur un modèle statistique adapté aux populations fermées.
Les résultats sont fiables si les hypothèses de départ sont respectées.
Suivre les variations des populations dans le temps
Les populations d’une espèce varient sous l’effet :
de facteurs naturels : saisons, disponibilité des ressources, prédation
de pressions humaines : destruction d’habitats, pollution, dérèglement climatique
Pour analyser ces variations, les scientifiques utilisent :
des séries chronologiques issues de suivis de terrain répétés
des modèles de croissance : le plus utilisé est le modèle logistique, où la population augmente rapidement, puis ralentit à l’approche d’une capacité limite , correspondant au nombre maximal d’individus que le milieu peut durablement accueillir
des indicateurs génétiques, qui renseignent sur l’évolution de la diversité génétique au sein d’une population
La courbe logistique a une forme sigmoïde : lente au début, accélérée ensuite, puis stabilisée autour de .
À retenir
Les populations évoluent selon la disponibilité des ressources et les pressions extérieures.
Le modèle logistique représente une croissance limitée par le milieu (capacité limite ).
Le suivi dans le temps est indispensable pour détecter les déclins ou déséquilibres.
Limites et enjeux des estimations
Limites méthodologiques
Certaines espèces sont discrètes ou difficiles à observer (nocturnes, cryptiques, rares).
Certains milieux sont peu accessibles (fonds marins, canopées tropicales).
Les estimations dépendent fortement de la qualité de l’échantillonnage et des hypothèses des modèles.
Enjeux de conservation
Dans un contexte de crise de la biodiversité, marqué par un effondrement des populations d’insectes, la disparition accélérée d’espèces et une possible 6ᵉ extinction de masse, ces estimations sont indispensables pour :
évaluer les risques d’extinction (critères de l’UICN)
identifier les espèces et milieux prioritaires à protéger
suivre l’efficacité des politiques de conservation
prévenir les déséquilibres écologiques majeurs
À retenir
Les estimations sont imparfaites mais essentielles dans un contexte d’érosion de la biodiversité.
Elles permettent d’anticiper les extinctions et de mieux orienter les mesures de protection.
La biodiversité est un enjeu planétaire et urgent.
Conclusion
Estimer la biodiversité et la taille des populations est un exercice scientifique fondamental, mais délicat. Il repose sur des outils rigoureux, sur l’analyse de données partielles, et sur des modèles théoriques. Dans un contexte de basculement écologique global, ces estimations sont indispensables pour comprendre, alerter et agir.
La biodiversité ne peut être protégée sans être suivie, mesurée, documentée. Mieux connaître, c’est mieux préserver.
