Introduction
Dans une population, la fréquence des allèles et des génotypes peut-elle rester stable au fil des générations ? La réponse est oui, sous certaines conditions idéales. C’est ce que décrit le modèle de Hardy-Weinberg, un outil mathématique qui permet de prévoir la stabilité des fréquences génétiques dans une population théorique. En réalité, les populations évoluent, car plusieurs facteurs viennent perturber cet équilibre.
Un allèle est une version possible d’un gène, tandis qu’un génotype est la combinaison d’allèles qu’un individu possède pour ce gène. Le modèle de Hardy-Weinberg suppose une population idéale : elle est diploïde, à reproduction sexuée, avec générations non chevauchantes, et répond à plusieurs autres hypothèses strictes. Cette leçon présente le fonctionnement de ce modèle, les conditions de son équilibre et les mécanismes qui peuvent l’altérer. Elle t’aidera à comprendre comment mesurer l’évolution d’une population en mobilisant à la fois des données génétiques et des outils mathématiques.
Le modèle de Hardy-Weinberg : une stabilité théorique
En 1908, Godfrey Hardy et Wilhelm Weinberg formalisent un principe simple : dans une population idéale, la fréquence des allèles et des génotypes reste constante d’une génération à l’autre, en l’absence de perturbation.
Prenons un gène à deux allèles : et . On note :
la fréquence de l’allèle .
la fréquence de l’allèle .
Comme il n’existe que deux allèles : .
Dans la génération suivante, et sous les hypothèses du modèle, les génotypes se répartissent selon la loi du carré du binôme : , où :
est la fréquence des homozygotes .
celle des hétérozygotes .
celle des homozygotes .
Ces fréquences génotypiques, à l’équilibre, ne varient plus d’une génération à l’autre.
À retenir
Un allèle est une version d’un gène ; un génotype est une combinaison d’allèles.
À l’équilibre, les fréquences génotypiques sont données par , et , et leur somme vaut .
Le modèle suppose une population diploïde, à reproduction sexuée, avec générations non chevauchantes.
Les conditions de l’équilibre de Hardy-Weinberg
Pour que les fréquences restent constantes, cinq hypothèses doivent être respectées :
La population est très grande, ce qui limite les effets du hasard.
Il n’y a aucune mutation entre allèles.
Il n’y a aucune sélection naturelle : tous les génotypes ont la même aptitude à survivre et se reproduire.
Il n’y a aucun flux génétique (pas de migration).
Les accouplements sont aléatoires, indépendants du génotype.
Ces hypothèses définissent une situation idéale, rarement observée dans la nature. Le modèle sert alors de modèle nul (ou modèle de référence) : on peut y comparer les données réelles pour détecter des écarts qui suggèrent une évolution.
À retenir
L’équilibre de Hardy-Weinberg repose sur cinq hypothèses majeures.
Il décrit une population théorique servant de référence.
Les déviations mesurées permettent d’identifier des pressions évolutives possibles.
Calculs et applications pratiques
Le modèle de Hardy-Weinberg permet de relier fréquences alléliques et fréquences génotypiques. Cela peut être utile en :
Génétique médicale : pour estimer la proportion de porteurs sains d’une maladie récessive.
Écologie : pour suivre la structure génétique d’une population naturelle.
Agronomie : pour surveiller la diversité génétique d’une espèce cultivée.
Exemple : dans une population humaine, 9 % des individus présentent une maladie génétique récessive. Ce phénotype correspond au génotype homozygote aa, soit . On en déduit :
→ fréquence des porteurs sains
→ fréquence des homozygotes
Ces calculs supposent que la population est à l’équilibre. Pour vérifier cette hypothèse, on utilise généralement un test du (khi²), qui compare les fréquences attendues aux fréquences observées et permet de déterminer si l’écart est statistiquement significatif.
À retenir
Le modèle permet d’estimer les fréquences génotypiques à partir d’une donnée phénotypique.
Il est couramment utilisé pour surveiller les maladies génétiques et la structure des populations.
Le test du permet de vérifier si les écarts observés sont compatibles avec l’équilibre.
Les facteurs de déséquilibre
Dans la réalité, plusieurs phénomènes viennent rompre l’équilibre théorique du modèle.
Mutations
Elles génèrent de nouveaux allèles ou modifient les existants. Si elles sont rares, leur accumulation produit une évolution sur le long terme.
Sélection naturelle
Si certains génotypes confèrent un avantage (ou un désavantage), leur fréquence change au fil du temps.
Dérive génétique
Dans les petites populations, le hasard peut produire des fluctuations importantes d’une génération à l’autre. Ce phénomène est amplifié lors d’un effet fondateur (nouvelle population issue d’un petit nombre d’individus) ou d’un goulot d’étranglement (réduction brutale de l’effectif).
Flux génétique
Les migrations (immigration ou émigration) modifient les fréquences alléliques en introduisant ou en retirant des allèles.
Accouplement non aléatoire
Les préférences de reproduction (consanguinité, sélection sexuelle, isolement reproductif…) entraînent une répartition différente de celle attendue à l’équilibre.
À retenir
Les mutations, la sélection, la dérive, les migrations et les accouplements dirigés rompent l’équilibre.
Ces facteurs sont les moteurs de l’évolution des populations.
Leur détection repose sur l’analyse statistique des écarts au modèle de Hardy-Weinberg.
Conclusion
Le modèle de Hardy-Weinberg constitue un modèle de référence pour l’étude de la génétique des populations. Il montre que, sous des conditions précises, les fréquences alléliques et génotypiques restent constantes d’une génération à l’autre. Dans la réalité, les écarts observés — s’ils sont statistiquement significatifs — suggèrent l’action de forces évolutives comme la sélection, la dérive ou la migration. Ce modèle est donc un outil fondamental pour comprendre les dynamiques évolutives et poser des hypothèses solides sur les mécanismes à l’œuvre dans la nature.
