En quoi consiste la conscience ?

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Dans cette leçon, tu découvriras la conscience sous toutes ses formes : conscience de soi, ouverture au monde, responsabilité morale et liberté. Tu comprendras pourquoi elle fait de nous des êtres uniques… mais aussi traversés par le doute, l’angoisse et l’illusion. Mots-clés : conscience, liberté, responsabilité morale, conscience de soi, introspection, philosophie terminale

La conscience est souvent considérée comme ce qui nous distingue des autres êtres vivants : être conscient, c’est savoir ce que l’on fait, ce que l’on pense, ce que l’on vit. La conscience nous donne accès à nous-mêmes, mais aussi au monde et aux autres. Pourtant, cette notion apparemment simple se révèle philosophiquement complexe. La conscience est-elle un simple fait psychologique, un effet de notre cerveau, ou bien une activité essentielle à notre humanité ? Est-elle seulement un regard intérieur, ou implique-t-elle une relation au monde ? Nous rend-elle libres, ou au contraire vulnérables ? En un mot, en quoi consiste cette faculté qui nous permet de dire « je » ?

Comprendre la conscience suppose d’abord de distinguer les différents niveaux qu’elle recouvre. Elle peut désigner la conscience immédiate de soi ou des choses, mais aussi la réflexion sur ses propres pensées, ou encore la conscience morale, qui juge le bien et le mal. Il faut alors interroger ce que signifie être conscient, et quelles sont les implications d’une telle capacité.

On montrera d’abord que la conscience consiste dans une présence à soi, une capacité à se représenter ses états mentaux, puis qu’elle est aussi un rapport au monde, impliquant une ouverture et un engagement, avant d’examiner les tensions qu’elle suscite : liberté, responsabilité, mais aussi trouble ou illusion.

La conscience comme présence à soi

Être conscient, c’est d’abord être présent à soi-même : percevoir ses états, ses actes, ses pensées. Cette définition apparaît dans la tradition cartésienne. Descartes, dans ses Méditations métaphysiques, fonde la certitude du cogito sur cette évidence : « je pense, donc je suis ». Même si je doute de tout, je ne peux douter que je doute. La pensée est ainsi indissociable d’une conscience de soi : ce que je suis, c’est une chose qui pense, qui se représente ce qu’elle est en train de faire.

La conscience est donc, dans ce cadre, une activité réflexive : elle ne se contente pas de sentir ou de penser, elle sait qu’elle sent ou qu’elle pense. Cette capacité à se saisir soi-même distingue l’homme de l’animal, dont les comportements peuvent être complexes, mais ne sont pas accompagnés de cette distance réflexive. Par la conscience, l’homme devient sujet : il peut dire « je », se reconnaître comme identique à lui-même à travers le temps, et se projeter dans l’avenir.

Dans la vie quotidienne, cette présence à soi permet de prendre du recul sur ses émotions, de juger ses actes, de construire une identité personnelle. Elle rend possible la mémoire, le récit, la promesse. Elle fonde notre humanité comme existence consciente, capable de se comprendre et de se transformer.

Mais cette conscience immédiate n’est pas suffisante pour saisir toute la portée de la conscience humaine : elle engage aussi un rapport actif au monde.

Une conscience tournée vers le monde

La conscience n’est pas seulement introspective : elle est intentionnelle, c’est-à-dire toujours orientée vers un objet. C’est ce que souligne Husserl dans ses Recherches logiques : « toute conscience est conscience de quelque chose ». Voir, penser, désirer, craindre... sont des actes qui supposent un objet visé, réel ou imaginaire. La conscience est donc ouverte : elle ne se replie pas sur elle-même, mais se déploie dans une relation au monde.

Merleau-Ponty, dans Phénoménologie de la perception, insiste sur le fait que la conscience n’est pas un regard désincarné, mais une manière d’habiter le monde avec son corps, sa perception, son langage. La conscience est ancrée dans une expérience vécue, située, incarnée. Elle ne flotte pas au-dessus du réel : elle en fait partie. Être conscient, c’est être impliqué, affecté, engagé dans une situation.

Ce caractère ouvert de la conscience est aussi ce qui permet la relation aux autres. Être conscient, ce n’est pas seulement se connaître, c’est aussi reconnaître autrui comme semblable, comme sujet de droits et de souffrances. La conscience devient alors responsabilité, attention, jugement moral. Elle nous rend capables d’agir de manière réfléchie, de délibérer, de respecter des normes.

Cette ouverture rend la conscience précieuse, mais aussi fragile : être conscient, c’est pouvoir se tromper, souffrir, regretter. C’est pourquoi il faut aussi interroger les ambivalences de la conscience.

Liberté, responsabilité et ambivalences de la conscience

La conscience fait de nous des êtres libres, capables de choisir en connaissance de cause. Être conscient de ses actes, c’est pouvoir en répondre. C’est pourquoi la conscience est le fondement de la responsabilité morale, mais aussi juridique : dans le droit, on distingue un acte volontaire, imputable, d’un acte accompli sous l’effet de la contrainte ou de l’inconscience. Cette imputabilité suppose que le sujet soit libre et conscient, ce qui correspond à la définition kantienne de la moralité. Dans la Critique de la raison pratique, Kant affirme que l’homme, en tant qu’être raisonnable, est auteur de la loi morale à laquelle il se soumet : il est donc libre, et responsable de ses choix.

Ce lien entre conscience, liberté et responsabilité se retrouve chez Rousseau, qui écrit dans l’Émile : « Sans la liberté, il n’y a ni morale, ni vertu, ni bien, ni mal. » Être conscient, c’est donc être capable de juger et d’agir selon une norme, en engageant sa propre personne.

Mais cette liberté s’accompagne aussi d’une insécurité existentielle. Être conscient, c’est savoir que l’on va mourir, que l’on peut échouer, que l’on est traversé par des contradictions. La conscience permet la lucidité, mais elle expose aussi à l’angoisse. Pascal, dans ses Pensées, écrit : « L’homme est visiblement fait pour penser ; c’est toute sa dignité et tout son devoir est de penser comme il faut. » Mais cette pensée est aussi source de trouble : l’homme est écartelé entre sa grandeur (la conscience de soi) et sa misère (sa finitude).

La conscience peut enfin être illusoire. Freud, dans ses travaux sur l’inconscient, a montré que la conscience n’est pas transparente à elle-même. Il distingue deux dimensions de cette opacité : d’une part, une limite structurelle à notre lucidité — nous ignorons toujours une partie de ce que nous sommes ; d’autre part, un inconscient dynamique, structuré par le refoulement, c’est-à-dire l’exclusion active de contenus inacceptables pour le moi. La conscience ne peut donc se comprendre qu’en relation avec ce qui lui échappe.

Ainsi, la conscience est à la fois ce qui rend l’homme libre, responsable et humain, mais aussi ce qui l’expose au doute, à la souffrance, au conflit intérieur.

Conclusion

La conscience consiste à être présent à soi-même, à pouvoir se représenter ses propres états, mais elle est aussi un rapport actif au monde et aux autres. Elle rend possible la connaissance, l’action réfléchie, la responsabilité morale et juridique. Mais elle n’est ni toute-puissante ni toujours claire : elle est traversée de limites, de tensions, de conflits. Être conscient, c’est vivre avec cette complexité, cette lucidité fragile, qui fait tout à la fois la grandeur, la liberté et la vulnérabilité de l’existence humaine.