Introduction
Jamais la planète n’a été aussi peuplée, aussi riche et aussi interconnectée. Pourtant, derrière cette prospérité globale se cachent des contrastes immenses. Tandis que certains pays atteignent des niveaux de vie inégalés, d’autres peinent encore à satisfaire les besoins fondamentaux de leur population. Ces écarts de richesse et de bien-être définissent les inégalités de développement, c’est-à-dire les différences durables dans les conditions de vie, d’accès aux ressources et aux services essentiels.
Comprendre ces écarts suppose de replacer le développement dans le temps long — depuis la décolonisation jusqu’à la mondialisation contemporaine — et dans l’espace, à travers les grandes fractures entre le Nord et le Sud, les centres et les périphéries du monde.
Mesurer et comprendre le développement
Le développement désigne l’amélioration durable des conditions de vie d’une population, sur les plans économiques, sociaux et environnementaux. Il ne se réduit pas à la richesse : il englobe aussi la santé, l’éducation et la sécurité. Pour mesurer ces progrès, les géographes et les économistes utilisent plusieurs indicateurs.
Le Produit intérieur brut (PIB) par habitant indique la richesse produite par habitant, mais il ne rend pas compte des inégalités internes ni de la qualité de vie. C’est pourquoi l’Indice de développement humain (IDH), créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), est devenu l’outil de référence. Il combine trois données essentielles : le revenu moyen, l’espérance de vie et la durée de scolarisation. Ainsi, un pays comme la Norvège (IDH 0,96) se situe au sommet du classement mondial, tandis que le Niger (0,40) ou le Soudan du Sud figurent parmi les derniers.
L’Organisation des Nations unies distingue aussi une catégorie spécifique : les Pays les moins avancés (PMA), définis par leur faible revenu, leur vulnérabilité économique et leur retard en matière d’éducation et de santé. On en compte 46 en 2024, dont la majorité en Afrique subsaharienne, mais aussi quelques-uns en Asie du Sud comme l’Afghanistan ou le Bangladesh. Ces pays concentrent une grande partie de la pauvreté mondiale. En 2023, selon la Banque mondiale, environ 700 millions de personnes vivaient encore sous le seuil de pauvreté internationale, fixé à 2,15 dollars par jour.
Enfin, d’autres indicateurs, comme l’indice de Gini (mesurant les inégalités de revenus) ou l’empreinte écologique (évaluant la pression sur les ressources naturelles), complètent le diagnostic. Ensemble, ils montrent que le développement est un phénomène complexe, mêlant progrès économique, justice sociale et durabilité environnementale.
À retenir
Le développement se mesure à la fois par la richesse produite, la santé, l’éducation et l’accès aux droits. Les Pays les moins avancés (PMA) incarnent les formes les plus aiguës de la pauvreté mondiale.
Des inégalités héritées et transformées
Les inégalités de développement ont des racines historiques profondes. Durant la période coloniale, les puissances européennes ont organisé les économies du Sud autour de l’exploitation et de l’exportation des matières premières, plaçant durablement ces territoires dans une position de dépendance. La décolonisation, amorcée après 1945, a donné naissance à de nouveaux États indépendants, mais ceux-ci sont souvent restés insérés dans une économie mondiale dominée par le Nord.
À partir des années 1970, une fracture géographique se renforce entre le Nord — regroupant les pays développés d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie orientale — et le Sud, constitué d’États en développement aux situations contrastées. Ce clivage, visible sur les cartes, s’accompagne d’une organisation mondiale en centres et périphéries : les centres concentrent les richesses, les technologies et les pouvoirs de décision, tandis que les périphéries fournissent les ressources, la main-d’œuvre et les marchés.
Mais cette géographie a évolué. Dans les années 1980-1990, les « dragons asiatiques » — la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour — ont amorcé une ascension rapide grâce à l’industrialisation et à l’ouverture au commerce mondial.
La Chine, entrée dans une phase de croissance exceptionnelle à partir des années 2000, a bouleversé la hiérarchie mondiale. Aujourd’hui, de nouveaux pôles émergent, notamment en Afrique, où des pays comme le Nigeria, l’Éthiopie ou le Kenya affichent des taux de croissance élevés, même si la pauvreté y demeure massive.
À retenir
Les écarts de développement sont le résultat d’une histoire longue. Le monde n’oppose plus seulement le Nord et le Sud, mais des espaces en transition, où émergence et pauvreté coexistent.
Des contrastes multiples entre les territoires
Les pays développés conservent les niveaux de vie les plus élevés, avec des infrastructures modernes et une économie fondée sur les services et la haute technologie. L’Union européenne, les États-Unis ou le Japon figurent parmi les pôles de puissance majeurs.
Les pays émergents, comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie, connaissent une croissance rapide et participent pleinement à la mondialisation. Mais leurs progrès sont inégaux : au Brésil, la métropole de São Paulo incarne la modernité industrielle tandis que le Nordeste reste marqué par la pauvreté ; en Inde, les grandes villes high-tech comme Bangalore côtoient des zones rurales où le revenu moyen reste inférieur à 3 dollars par jour.
Les pays en développement connaissent des situations intermédiaires. Certains, comme le Maroc ou le Vietnam, parviennent à réduire la pauvreté et à améliorer l’accès à l’éducation, tandis que d’autres, comme la République démocratique du Congo, restent pris dans un cycle de dépendance économique et de fragilité politique.
Quant aux PMA, ils cumulent les difficultés : faible productivité agricole, endettement, instabilité politique et vulnérabilité climatique. Leur développement dépend souvent de l’aide internationale et de la capacité à attirer des investissements étrangers.
Ces inégalités sont aussi visibles à l’intérieur des pays. Au Brésil, les écarts entre le littoral urbanisé et l’intérieur rural restent considérables. En Chine, la richesse se concentre à l’est, sur le littoral, tandis que l’ouest du pays reste en retrait. Même dans les pays riches, les fractures sociales s’accroissent : entre métropoles dynamiques et régions périphériques, entre classes aisées et travailleurs précaires.
À retenir
Les inégalités de développement existent à toutes les échelles : entre continents, entre pays et à l’intérieur même des sociétés.
Défis contemporains : mondialisation, écologie et justice
La mondialisation a accentué certaines inégalités en favorisant les territoires bien insérés dans les échanges économiques et en marginalisant ceux restés à l’écart. Les aires de puissance comme l’Amérique du Nord, l’Union européenne et l’Asie orientale concentrent la majorité des flux financiers, des innovations et des investissements. À l’inverse, les périphéries, notamment africaines, peinent à s’intégrer pleinement.
La transition écologique pose un nouveau défi. Les pays développés, historiquement responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre, disposent des moyens financiers et technologiques pour investir dans l’énergie verte et la reconversion industrielle. Les pays pauvres, eux, subissent de plein fouet les effets du réchauffement climatique — sécheresses, montée du niveau des mers, catastrophes naturelles — sans avoir les ressources nécessaires pour s’adapter. Cette situation alimente le débat sur la justice climatique : comment répartir équitablement les efforts de transition ?
Pour y répondre, des mécanismes internationaux ont été créés, comme le Fonds vert pour le climat, issu des Conférences des Parties (COP), qui vise à aider les pays du Sud à financer leur adaptation et leur transition énergétique. Mais les promesses d’aide — environ 100 milliards de dollars par an — sont encore loin d’être tenues. Sans un partage plus équitable des moyens financiers et technologiques, la transition écologique risque de creuser davantage les inégalités mondiales.
À retenir
Les inégalités de développement se prolongent aujourd’hui dans la transition écologique. La justice climatique et la solidarité financière internationale deviennent des enjeux majeurs du développement durable.
Conclusion
Les inégalités de développement à l’échelle mondiale résultent d’une histoire longue, marquée par la colonisation, la mondialisation et des trajectoires économiques inégales. Si certains pays émergents ont rattrapé une partie de leur retard, d’autres — notamment les PMA — restent en marge du progrès. Ces écarts ne concernent pas seulement la richesse, mais aussi l’accès à la santé, à l’éducation et à un environnement viable. Dans un monde confronté au changement climatique, le véritable défi du XXIe siècle est de construire un développement durable et équitable, où la lutte contre la pauvreté s’accompagne d’une transition écologique juste et partagée entre le Nord et le Sud.
