Introduction
Au milieu des océans, de longues chaînes sous-marines appelées dorsales s’étendent sur des dizaines de milliers de kilomètres. Ces reliefs marquent les zones de divergence, là où deux plaques lithosphériques s’écartent. C’est dans ces régions qu’apparaît en continu la croûte océanique, alimentée par le magmatisme du manteau supérieur. En s’éloignant de la dorsale, cette croûte s’intègre à une lithosphère océanique qui s’épaissit et se densifie par refroidissement, jusqu’à devenir assez lourde pour plonger en subduction. Ces processus expliquent le renouvellement permanent des fonds océaniques, qui n’excèdent jamais 200 millions d’années d’âge car ils sont recyclés dans le manteau.
La formation de la croûte océanique : magmatisme et structures des dorsales
Aux dorsales, la divergence des plaques entraîne une remontée du manteau. La diminution de pression provoque une fusion partielle, qui génère un magma basaltique. Ce magma remonte et construit la croûte océanique : à la surface, il forme des coulées de basalte qui se figent en « pillows lavas », tandis qu’en profondeur il cristallise plus lentement en gabbro. Cette croûte, qui n’a qu’une épaisseur moyenne de 7 km, ne représente que la partie supérieure de la lithosphère océanique, laquelle inclut aussi une portion de manteau refroidi et rigide.
La morphologie et la structure dépendent de la vitesse d’ouverture. Dans les dorsales rapides (comme celles du Pacifique), l’alimentation magmatique est abondante et continue : une chambre magmatique quasi permanente assure la production régulière de croûte. À l’inverse, dans les dorsales lentes (comme l’Atlantique), l’apport magmatique est moins important et discontinu. L’absence de chambre magmatique continue se traduit par une croûte plus irrégulière, fracturée par des failles, où le manteau peut localement affleurer sous forme de péridotites altérées en serpentinites.
À retenir
La croûte océanique, épaisse de 7 km environ, se forme en continu aux dorsales. Sa structure dépend de la vitesse d’ouverture : continue et magmatique dans les dorsales rapides, discontinue et localement mantellique dans les dorsales lentes.
L’hydrothermalisme : échanges chimiques et écosystèmes inédits
Les dorsales sont aussi le siège d’un intense hydrothermalisme. L’eau de mer s’infiltre dans la croûte fracturée, se réchauffe au contact des magmas, puis ressort sous forme de fluides très chauds chargés en minéraux dissous. Ces fluides précipitent en surface en formant les fumeurs noirs, riches en sulfures métalliques.
Cette circulation transforme chimiquement les roches traversées en créant des minéraux hydratés. Mais son rôle ne s’arrête pas là : les fumeurs noirs abritent des écosystèmes profonds fondés sur la chimio-lithotrophie, c’est-à-dire des micro-organismes capables de tirer leur énergie des réactions chimiques et non de la lumière. Ces communautés, indépendantes de la photosynthèse, représentent un exemple unique de vie adaptée à des conditions extrêmes.
À retenir
L’hydrothermalisme modifie la croûte océanique, enrichit les fonds en métaux et nourrit des écosystèmes originaux basés sur la chimio-lithotrophie.
Refroidissement, épaississement et densification de la lithosphère
En s’éloignant de la dorsale, la lithosphère océanique, composée de la croûte (7 km) et du manteau lithosphérique sous-jacent, se refroidit. Ce refroidissement épaissit progressivement la lithosphère, qui peut atteindre 80 à 100 km d’épaisseur dans les bassins les plus anciens. L’épaisseur croît selon une loi en racine carrée de l’âge, issue d’un modèle conductif simple du refroidissement. Ainsi, une lithosphère de 100 millions d’années mesure environ 80 à 90 km d’épaisseur.
Ce refroidissement accroît aussi la densité de la lithosphère océanique, ce qui entraîne l’enfoncement progressif du plancher océanique. C’est ce processus qui prépare la subduction. Toutefois, il ne faut pas réduire la subduction à la seule densité accrue : son déclenchement dépend aussi de contraintes tectoniques globales et de l’histoire des plaques.
Ce refroidissement se lit aussi dans le flux géothermique. Celui-ci est très élevé au niveau des dorsales, où la chaleur du manteau s’échappe directement, puis il décroît régulièrement avec l’éloignement, ce qui reflète la perte de chaleur et l’épaississement de la lithosphère.
À retenir
En vieillissant, la lithosphère océanique s’épaissit, s’alourdit et s’enfonce. Le flux géothermique élevé aux dorsales et décroissant vers les marges en est une illustration directe.
Anomalies magnétiques : une preuve de l’expansion océanique
La croûte océanique conserve aussi la mémoire du champ magnétique terrestre. Lors de la cristallisation des basaltes, des minéraux comme la magnétite enregistrent l’orientation du champ magnétique : c’est le magnétisme rémanent. Comme le champ terrestre s’est inversé à de nombreuses reprises, les basaltes gardent la trace de ces inversions. On observe ainsi des bandes d’anomalies magnétiques symétriques de part et d’autre des dorsales.
Ces anomalies, combinées à la datation des roches, démontrent que la croûte se crée en continu et s’écarte de la dorsale. Elles permettent aussi de calculer les vitesses d’expansion des fonds océaniques, généralement de quelques centimètres par an.
À retenir
Les anomalies magnétiques, enregistrées dans la magnétite des basaltes, prouvent l’expansion océanique et permettent de mesurer sa vitesse.
Conclusion
Les dorsales océaniques constituent les principales zones de production et de renouvellement de la croûte océanique. Elles assurent en continu la création de croûte basaltique et gabbroïque, modifiée par l’hydrothermalisme et épaissie par refroidissement. La distinction entre dorsales rapides et lentes, la présence d’écosystèmes profonds liés aux fumeurs noirs, la variation du flux géothermique et les anomalies magnétiques symétriques en font des témoins privilégiés de la dynamique terrestre. Mais la croûte qu’elles produisent n’est pas éternelle : intégrée à une lithosphère qui s’épaissit et s’alourdit, elle finit par être recyclée en subduction. Les dorsales occupent donc une place centrale dans le cycle océanique et dans la tectonique des plaques, mais c’est la convection mantellique et les forces globales qui constituent le véritable moteur de cette dynamique.
