Introduction
Quand un airbag se déploie au moment précis d’un choc ou qu’un drone ajuste sa position pour contrer une rafale de vent, tout repose sur un logiciel embarqué capable de réagir en une fraction de seconde. Ces programmes suivent des algorithmes à temps réel, conçus pour traiter des informations issues de capteurs et commander des actionneurs sans retard.
Dans ces systèmes, la rapidité n’est pas un luxe, mais une nécessité : une seule milliseconde de trop peut compromettre la sécurité. Ces dispositifs ne sont pas isolés : ils s’intègrent dans l’internet des objets (IoT, Internet of Things), un réseau où les machines échangent des données entre elles ou avec un centre de supervision à distance pour assurer leur maintenance connectée et leur mise à jour en temps réel.
Les logiciels embarqués : des programmes intégrés et réactifs
Un logiciel embarqué est un programme informatique intégré dans un système embarqué, c’est-à-dire un petit ordinateur (souvent appelé microcontrôleur) placé à l’intérieur d’un objet. Il a pour mission d’exécuter une tâche spécifique : piloter un moteur, réguler une température, stabiliser un véhicule ou encore contrôler un dispositif médical. Contrairement à un ordinateur personnel, il ne dispose ni d’écran ni de clavier : tout se passe entre le programme et la machine.
Ce logiciel reçoit des données analogiques (valeurs continues comme la température ou la pression) ou numériques (valeurs discrètes comme « 0 » ou « 1 »), transmises par des capteurs. Les signaux analogiques sont convertis en données numériques grâce à un convertisseur analogique-numérique (CAN), pour être traités par le processeur. L’algorithme analyse ensuite ces données et décide de la commande à transmettre à un actionneur, c’est-à-dire un composant physique chargé d’exécuter une action : enclencher un frein, allumer une lampe ou activer une pompe.
L’ensemble de ces échanges constitue ce qu’on appelle une boucle d’acquisition/commande. Cette boucle fonctionne de manière cyclique et temporisée : elle est exécutée régulièrement, toutes les quelques millisecondes, afin que le système puisse réagir en continu aux changements de son environnement. Cette exécution répétée à intervalles fixes est au cœur de la contrainte dite « en temps réel ».
Prenons l’exemple du freinage ABS (Anti-lock Braking System) d’une voiture. Le programme doit vérifier plusieurs fois par seconde la vitesse de rotation de chaque roue et agir sans délai si l’une d’elles risque de se bloquer. Voici une version simplifiée de son algorithme :
Tant que la voiture roule : Lire la vitesse de chaque roue (capteurs) Si une roue ralentit trop vite : Relâcher légèrement la pression du frein (actionneur) Sinon : Maintenir la pression actuelle Attendre 10 millisecondes avant la prochaine mesure
Cette structure en boucle montre comment le système lit, traite et agit de manière répétée et rapide. Si la boucle prend plus de temps que prévu, la réaction devient trop lente, et le dispositif perd son efficacité.
À retenir
Un logiciel embarqué exécute une boucle d’acquisition et de commande en continu, selon une fréquence précise. Les données des capteurs sont analysées, et les décisions sont transmises instantanément aux actionneurs pour garantir une réaction sans retard.
Le temps réel : une question de délai et de fiabilité
Le temps réel ne se résume pas à la vitesse d’un calcul, mais à la capacité d’un système à fournir sa réponse dans un délai maximum garanti. On distingue alors deux notions essentielles :
Le temps d’exécution, qui correspond à la durée nécessaire pour que le processeur réalise les calculs d’un programme ;
Le temps de réponse, qui inclut tout le processus entre la détection d’un événement (par un capteur) et la réaction effective du système (par l’actionneur).
Par exemple, dans un drone, le temps d’exécution est le moment où le microcontrôleur effectue les calculs de stabilisation. Le temps de réponse, lui, englobe la lecture des capteurs de position, le traitement de l’information, puis la commande des moteurs. C’est ce temps global qui détermine la capacité du système à maintenir son équilibre.
On distingue deux catégories de systèmes à temps réel :
Les systèmes à temps réel strict, où tout retard est inacceptable (commandes d’avion, régulateurs de centrale nucléaire, dispositifs médicaux) ;
Les systèmes à temps réel souple, où de petits retards sont tolérés (assistants vocaux, thermostats connectés, systèmes multimédias).
Pour respecter ces délais, les programmeurs utilisent des langages performants comme C ou C++, qui permettent un contrôle précis du matériel. Le code doit être prévisible et optimisé : chaque opération doit avoir un temps d’exécution connu à l’avance. Dans un système complexe, plusieurs tâches peuvent s’exécuter en parallèle ; le programme doit donc attribuer des priorités pour s’assurer que les tâches critiques (comme la sécurité) passent avant les autres.
À retenir
Le temps réel impose une réponse dans un délai fixé. Le temps d’exécution désigne la durée du calcul, tandis que le temps de réponse inclut la détection, le traitement et l’action. Les logiciels à temps réel doivent être prévisibles, hiérarchisés et testés pour garantir la fiabilité du système.
Des données aux enjeux éthiques : la responsabilité du temps réel
Les systèmes embarqués produisent et échangent d’immenses quantités de données numériques, souvent partagées via des réseaux connectés. Ces informations sont parfois transmises à des serveurs distants ou stockées dans le cloud pour permettre la supervision à distance ou la maintenance prédictive. Ces pratiques soulèvent d’importantes questions de protection des données : comment s’assurer que les données personnelles ou sensibles restent confidentielles ? Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose que la collecte soit faite avec consentement et que les informations soient anonymisées lorsque c’est possible.
Mais la question dépasse la technique. Dans un monde où les décisions automatiques se multiplient, la responsabilité humaine reste essentielle. Si une voiture autonome ou un robot industriel commet une erreur, qui est responsable ? Le concepteur du logiciel, l’utilisateur ou le fabricant ? Ces dilemmes montrent que la technologie du temps réel ne peut pas s’affranchir de l’éthique : la fiabilité des algorithmes doit aller de pair avec la transparence et la sécurité.
À retenir
Les systèmes à temps réel échangent des données via des réseaux connectés et posent des questions de protection, de sécurité et de responsabilité. La rapidité de la machine ne doit jamais remplacer la vigilance humaine.
Conclusion
Les algorithmes à temps réel sont le cœur battant des objets connectés modernes. Ils assurent la communication entre capteurs, processeurs et actionneurs dans des boucles rapides, régulières et fiables. Grâce à eux, les objets peuvent réagir instantanément à leur environnement tout en échangeant des données avec d’autres systèmes via Internet.
Mais ces technologies, aussi précises soient-elles, rappellent que la vitesse ne garantit pas la sagesse : derrière chaque réaction automatique, il reste à l’humain la responsabilité d’en assurer la maîtrise, la sécurité et la signification.
