Vivre en démocratie en France

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Une démocratie restaurée (1944-1958)

A) Rétablir la démocratie dès 1944-1946

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le GPRF, dirigé par De Gaulle, regroupe tous les courants politiques de la Résistance (communistes, socialistes, partis du centre et de droite…). La France, ruinée par l’Occupation, est à reconstruire. Le GPRF fait renaître la démocratie libérale en annulant les lois de Vichy. Les lois économiques, sociales et culturelles du Front populaire, les libertés et l’égalité des citoyens devant la loi sont rétablies. Les collaborateurs sont officiellement jugés (ex. : procès du maréchal Pétain).

Le GPRF tient l’engagement du Conseil national de la résistance (CNR) : il accorde le droit de vote aux femmes, qui deviennent électrices et éligibles dès 1944. Il organise en 1945 l’élection d’une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution républicaine. De Gaulle propose un président de la République fort et indépendant de l’Assemblée (discours de Bayeux, 1946), mais les Français craignent de donner trop de pouvoir au chef de l’État. La constitution de la IVe République fait triompher en 1946 un régime parlementaire proche de celui de la IIIe République. L’Assemblée nationale investit le gouvernement et peut le renverser. Le président de la République, élu par le Parlement, a surtout un pouvoir de porte-parole de l’État.

Cependant les divisions politiques débouchent sur beaucoup d’instabilités, car la majorité parlementaire est souvent difficile à atteindre. La guerre d’Indochine (1945-1954) et surtout la guerre d’Algérie (1954-1962) ont raison du régime en 1958.

Mots-clés

GPRF : le Gouvernement provisoire de la République française (1944-1946) se compose des chefs de la Résistance en attendant d’organiser des élections démocratiques.

Démocratie libérale : forme de gouvernement fondé sur la démocratie représentative, les droits et les libertés des citoyens, des élections libres et justes, la séparation des pouvoirs. En France, elle repose sur la République constitutionnelle.

CNR : Conseil national de la Résistance, fondé en 1943 pour unifier les courants de la Résistance afin de favoriser la Libération.

Constitution : loi fondamentale qui définit le régime et l’organisation des pouvoirs.

B) Redresser l’économie (1946-1958)

La IVe République met en application le programme de démocratie sociale du CNR de 1944, notamment grâce à l’aide financière américaine (plan Marshall). Pour répondre aux attentes des Français et améliorer leurs conditions de vie, l’État-providence favorise le retour à un plein-emploi, proclame de nouveaux droits sociaux (droit aux loisirs, à la santé, à l’instruction…), garantit aux femmes des droits égaux à ceux des hommes…

L’État prend le contrôle des secteurs-clés pour créer des emplois et stimuler la reconstruction d’après-guerre (nationalisations des grandes entreprises) : les banques, l’énergie (création d’EDF, de GDF, des charbonnages de France…), l’eau, les transports aériens avec Air France, l’automobile (Renault)… Il met en place le commissariat au plan qui fixe des objectifs de production à atteindre progressivement.

L’État-providence crée la Sécurité sociale (1945) qui protège les salariés, accorde le droit à la santé (remboursement des frais médicaux, des accidents du travail) et à la retraite : elle repose sur la fraternité, car elle est alimentée par les cotisations des salariés et des employeurs. L’État crée le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) en 1950, afin de fixer un salaire minimal décent, toutes professions confondues, en dessous duquel l’employeur ne peut descendre lorsque le salarié travaille à temps plein.

La IVe République fait entrer la France, rebâtie et modernisée, dans la construction européenne dès 1950, et particulièrement par le traité de Rome de 1957 (CEE).

Mots-clés

Démocratie sociale : forme de gouvernement établi dans l’intérêt des citoyens, qui fait participer les citoyens à la vie publique, et en particulier dans le monde du travail (vote, élections professionnelles…). L’objectif est d’améliorer le bien-être de la société.

Plan Marshall (1947) : programme américain de prêts aux États d’Europe de l’Ouest pour favoriser la reconstruction ; en échange, les Européens remboursent une partie des prêts et achètent aux entreprises américaines.

État-providence : forme d’État qui adopte des mesures économiques et sociales pour améliorer les conditions de vie de ses citoyens (ex. : protection sociale…).

Une République renouvelée depuis 1958

A) De la crise algérienne à la Ve République (1958-1962)

Le Parlement appelle au pouvoir le général de Gaulle pour résoudre la guerre d’Algérie en mai 1958. De Gaulle fait voter par référendum la Constitution qui fonde en 1958 la Ve République en s’inspirant du discours de Bayeux de 1946. Le président de la République joue un rôle accru, tandis que le Parlement voit diminuer son autorité. L’Assemblée nationale peut renverser le gouvernement par une motion de censure, mais elle doit être votée par la majorité absolue des députés afin de limiter l’instabilité ministérielle. Pour équilibrer les pouvoirs, le président peut dissoudre l’Assemblée nationale si la situation l’exige, en cas de paralysie des institutions. En 1962, De Gaulle renforce encore le caractère semi-présidentiel du régime en instituant l’élection du président au suffrage universel direct : le peuple, qui élisait déjà directement les députés, vote dès lors directement pour élire le président, ce qui renforce le lien direct qui l’unit à la nation.

Ses nombreux discours, conférences de presse, référendums et déplacements en France forgent un lien direct avec les Français, bientôt renforcé par l’usage de la télévision.

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Les institutions de la Ve République (1958)

B) De De Gaulle à Valéry Giscard d’Estaing (1962-1981)

La fin de la guerre d’Algérie (1954-1962) stabilise le régime et ouvre la voie à la « politique de grandeur » voulue par le général. Il souhaite faire de la France une grande puissance internationale indépendante : dans ce but, la France assure sa propre défense par la bombe atomique en 1960, prend ses distances des États-Unis en se retirant de l’OTAN en 1966. De Gaulle poursuit la construction européenne et la réconciliation franco-allemande, mais maintient cependant la suprématie nationale. La France achève la décolonisation de l’Afrique en maintenant des accords de coopération économique. La modernisation du pays (nucléaire, industrie de pointe, société de consommation de masse), se poursuit, dans le cadre des Trente Glorieuses.

Mots-clés

Société de consommation : système économique et social fondé sur une consommation massive, sur la volonté de profiter de biens et de services croissants.

Trente Glorieuses (1945-1973) : période de prospérité économique, de plein-emploi, de progrès sociaux et d’améliorations dans la vie quotidienne.

Le gaullisme est critiqué dès 1965, et surtout par les événements de mai 1968 : les étudiants contestent la société de consommation « conservatrice » et réclament plus de libertés, politiques en particulier, ainsi qu’un système éducatif moins rigide ; les femmes revendiquent l’égalité des droits avec les hommes. Les salariés rejoignent le mouvement, réclamant de meilleures conditions de travail et de vie et paralysant le pays par la grève. Fin mai, De Gaulle dissout l’Assemblée nationale : les élections législatives renforcent son parti, ce qui montre la volonté des Français de sortir de la crise. Le président améliore les conditions de vie des salariés par les accords de Grenelle et promet d’élargir les droits des jeunes et des femmes. Les critiques se poursuivent, De Gaulle démissionne en 1969.

Georges Pompidou (1969-1974), ancien Premier ministre, poursuit la politique gaulliste, renforce la démocratie libérale et sociale, la modernisation industrielle et la construction européenne. Il transforme le SMIG en SMIC en 1970 (salaire minimum interprofessionnel de croissance, réévalué en fonction de l’évolution des prix).

Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), chef de la droite non gaulliste, modernise la société, améliore les aides pour les chômeurs, alors que la France entre dans la crise en 1973. Il répond aux attentes de la jeunesse (droit de vote à 18 ans en 1974 ; loi Haby de 1975 qui crée le collège unique et le lycée d’enseignement professionnel). Il améliore les droits des femmes (droit à l’avortement par la loi Veil de 1975, postes ministériels importants accordés aux femmes…). Mais il ne peut empêcher la montée du chômage et la hausse du coût de la vie, tandis que la crise née du choc pétrolier de 1973 s’installe.

C) Les années Mitterrand (1981-1995)

En 1981, François Mitterrand est le premier socialiste à être élu président de la République. Il dissout l’Assemblée nationale pour y obtenir une majorité absolue. C’est l’alternance, le changement d’orientation politique à la tête de l’État et à l’Assemblée. Cependant, la crise oblige les socialistes à pratiquer une politique de rigueur qui se révèle impopulaire. En 1986, la droite remporte les élections législatives. Mitterrand est confronté à une majorité d’opposition à l’Assemblée : il choisit un premier ministre de droite, Jacques Chirac. C’est la première cohabitation (présence simultanée à la tête de l’État et à l’Assemblée de tendances politiques opposées). Mitterrand, réélu en 1988, s’investit dans la construction européenne (traité de Maastricht, 1992), mais connaît une seconde cohabitation avec la droite en 1993-1995, tandis que le chômage persiste.

De nombreux progrès sociaux sont accomplis dans les années 1980 : abolition de la peine de mort (1981), réduction du temps de travail pour créer davantage d’emplois en 1981-1982 (cinq semaines de congés payés, retraite à 60 ans, semaine de 39 heures). En 1988, le revenu minimum d’insertion (RMI) est créé pour les plus démunis, pour les aider à vivre et à trouver un travail. En 1991 est créée la CSG (contribution sociale généralisée) pour soutenir les actions sociales de l’État (Sécurité sociale, aide aux chômeurs…). La liberté d’expression est accrue par la naissance de médias libres (ex. : Canal + en 1984). Les lois Auroux (1982) favorisent la liberté d’expression dans le monde du travail.

L’État français est décentralisé en 1982-1983 : il transfère une partie de son budget et de ses compétences aux collectivités territoriales (communes, départements, régions), administrées par des conseils élus au suffrage universel direct, plus proches des citoyens.

D) L’évolution de la vie démocratique française depuis 1995

Le mandat présidentiel est ramené à cinq ans (quinquennat, voté en 2000 par référendum). Les lois de 2003-2004 et surtout la loi NOTRe de 2015 renforcent la décentralisation : les services de proximité reviennent aux communes, l’action sociale aux départements et le développement économique aux régions.

Depuis 1995, le chômage de masse réapparaît et marginalise une partie de la société, ce qui impose à l’État-providence de lourdes charges sociales (CSG, RMI devenu RSA, revenu de solidarité active en 2009, Sécurité sociale en déficit…). Les « sans-emploi » et sans domicile fixe touchent tout le territoire : c’est la fracture sociale. L’État-providence essaie cependant de réduire les inégalités (ex. : loi sur la parité en 2000 pour renforcer l’égalité électorale entre les hommes et les femmes, loi sur le handicap de 2005). De nouveaux enjeux s’affirment, comme le développement durable (charte de l’environnement, 2005).

Mais la persistance du chômage, les lentes réformes des impôts, des systèmes de retraite… entraînent un sentiment croissant de défiance envers l’action politique, qui se traduit par l’affaiblissement des partis traditionnels, la montée des extrêmes et une abstention grandissante lors des élections. Confrontée à la crise économique et sociale, la France s’appuie sur ses atouts pour essayer de surmonter les difficultés : système éducatif, protection sociale, partenariats européens et intégration à la mondialisation.

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Vivre dans une nouvelle société depuis 1945

A) Des Trente Glorieuses (1945-1973) à la récession

Les Trente Glorieuses (1945-1973) sont les trente années de prospérité de l’après-guerre, marquées par la reconstruction, une forte croissance économique, le plein-emploi (pas de chômage) et d’immenses progrès sociaux (passage à une société de consommation et de loisirs) et technologiques (informatique et haute technologie). La hausse du niveau de vie permet aux Français de s’équiper en biens de consommation, notamment l’électroménager (réfrigérateurs, machines à laver, lave-vaisselle, télévision…). L’usage de l’automobile se généralise. C’est le développement de la société de consommation, marquée par une production industrielle de masse et une consommation de masse. Avec la réduction du temps de travail (de la semaine de 40 heures en 1936 aux 35 heures de 1999, congés payés…), la société de loisirs s’installe : les Français partent en vacances…

Dès 1973, les pays pétroliers, pour accélérer leur développement, quadruplent les prix du pétrole, base de la consommation énergétique, provoquant une chute de croissance : la récession. De plus, les familles, équipées, consomment moins. Le chômage connaît une forte progression et s’installe dans la durée vers 1980. Le nombre de personnes sans ressources ni domicile fixe, ou vivant avec peu de ressources (les nouveaux pauvres, qui travaillent mais ne gagnent pas assez pour vivre correctement) augmente fortement.

B) Les transformations du monde du travail

Après la guerre, le nombre de paysans diminue rapidement en raison de la diffusion des machines agricoles. Les ouvriers se multiplient dans les usines jusqu’aux années 1960, puis diminuent du fait de la crise de l’industrie, concurrencée par les pays en développement et les autres pays industrialisés. Après 1960, l’automatisation et la robotisation accélèrent le remplacement des ouvriers. La désindustrialisation progressive de la France se réalise dans de nombreux domaines (surtout l’industrie lourde), au profit du développement de l’industrie de haute technologie, qui nécessite des emplois qualifiés (techniciens, ingénieurs). Le travail dans les services augmente explose dans les années 1970 : c’est la tertiarisation de la société. En 1985, la création du baccalauréat professionnel est l’aboutissement d’une volonté d’accroître le niveau de formation industriel et tertiaire des lycéens, pour mieux les intégrer dans le monde du travail.

L’exode rural est très fort avec l’industrialisation puis la tertiarisation de la société. L’urbanisation s’accélère (80 % d’urbains en 1980, contre 55 % en 1945). Les banlieues s’étendent et s’aménagent (barres d’immeubles, habitations à loyer modéré HLM dès 1950) pour héberger les ouvriers et employés du tertiaire venus chercher du travail en ville. Après 1970, tandis que les banlieues se densifient, des citadins issus des classes moyennes à aisées cherchent aussi des espaces moins urbanisés et moins coûteux. Ils s’installent dans des lotissements bien reliés aux villes, initiant alors la périurbanisation.

Mot-clé

Exode rural : départ massif de population des campagnes vers les villes.

L’État-providence depuis 1945 permet aux salariés de bénéficier d’une législation sociale de plus en plus favorable. En 1967, l’État ouvre l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi), devenu Pôle emploi en 2008, pour aider les chômeurs à trouver un emploi.

C) Les transformations majeures de la société depuis 1945

Une forte croissance de la natalité accompagne les Trente Glorieuses : c’est le baby-boom. Cependant, la population vieillit depuis 1973, car la crise entraîne une baisse de la natalité, tandis que l’espérance de vie augmente avec les progrès de la médecine.

L’enseignement se démocratise. En 1959, la scolarité obligatoire passe à 16 ans ; l’État encourage les jeunes à faire des études et à se qualifier. La génération du baby-boom est la première à arriver massivement aux études supérieures.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler, et de plus en plus à niveau de qualification élevé. Dès 1960, les féministes (mouvement de libération des femmes, 1970) revendiquent l’égalité avec les hommes. Les femmes obtiennent l’émancipation à l’égard des maris (ex. : droit d’ouvrir un compte bancaire et de disposer de leur salaire en 1965) et l’autorité parentale conjointe (1970). La contraception est légalisée en 1967, donnant naissance aux générations voulues et non subies ; la loi Veil (1975) autorise l’avortement sous conditions, en cas de viol, de danger pour la santé de la mère ou de l’enfant… La loi Roudy (1983) encourage l’égalité professionnelle entre hommes et femmes…

Pendant les Trente Glorieuses, pour répondre aux besoins de la reconstruction puis du développement économique en matière de main-d’œuvre, l’État encourage l’arrivée de travailleurs immigrés. Souvent peu qualifiés, venus trouver de meilleures conditions de vie et de meilleurs salaires, ils travaillent surtout dans l’industrie (ouvriers). Ils logent d’abord dans des bidonvilles en périphérie des aires urbaines puis s’installent en nombre dans les grands ensembles de banlieues. En 1972, une loi condamne le racisme comme un délit, pour faciliter leur intégration dans la société et lutter contre la discrimination. Dès 1973, avec la récession et la montée du chômage, l’État limite l’entrée de nouveaux immigrants. Il aide les immigrés qui le souhaitent à retourner dans leur pays d’origine, et s’efforce de faciliter l’intégration de ceux qui choisissent de rester.