Une justice pénale internationale pour l'ex-Yougoslavie

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Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) est le premier tribunal pénal international convoqué depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo en 1945. Il cherche à établir les faits pour ne pas rendre une justice des « vainqueurs » et à pacifier des sociétés déchirées par des conflits.

I) Un tribunal pour établir les faits

1 ) Un tribunal créé en plein conflit

La Yougoslavie, fondée en 1918 lors du règlement de la Première Guerre mondiale, devient en 1945 un État fédéral constitué de six républiques. Avec l’effondrement du communisme, cette fédération éclate entre 1989 et 1992 lorsque quatre de ses républiques proclament leur indépendance : la Croatie, la Slovénie, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine.

Slobodan Milosevic, président de la Serbie, État central de la fédération, entend protéger les Serbes vivant dans ces régions. C’est le début de plusieurs guerres (1991-1999), pendant lesquelles les Serbes mènent des campagnes de « nettoyage ethnique » contre les Croates et les Bosniaques afin de créer une « Grande Serbie ». Les moyens utilisés sont les massacres, les viols et les pillages.

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Le nettoyage ethnique (ou « épuration », « purification » ethnique) désigne une politique visant à faire disparaître un groupe d’un territoire, par la force ou l’intimidation, en fonction de son identité ethnique.

En mai 1993, alors que la guerre fait rage en Bosnie-Herzégovine, le Conseil de sécurité de l’ONU crée le TPIY. Il masque ainsi son incapacité à mettre fin aux conflits et répond aux pressions des ONG et de l’opinion publique inter­nationale.

2 ) Un tribunal pour l’histoire

Le TPIY siège entre 1993 et 2017 à La Haye (Pays-Bas). Il doit juger l’ensemble des violations du droit humanitaire commises en Croatie et en Bosnie-­Herzégovine, quelles que soient les parties. Il s’agit d’établir des responsabilités individuelles et non collectives. Les compétences du tribunal sont ensuite élargies aux crimes commis au Kosovo en 1998-1999.

Plus de 4 500 témoins sont entendus et le tribunal produit plus de deux millions de pages de comptes rendus : des documents pour faire l’histoire et décrire avec précision des événements comme le massacre de Srebrenica.

II) Un tribunal au bilan mitigé

1)  De réelles avancées pour le droit international

Slobodan Milosevic est le premier chef d’État en exercice à être inculpé en 1999. Comparaissent également Radovan Karadzic (dirigeant politique des Serbes de Bosnie) et Ratko Mladic (dirigeant militaire).

La plupart des affaires concernent des Serbes, mais le TPIY poursuit aussi des Croates, des musulmans de Bosnie et des Albanais du Kosovo. Tous les fugitifs sont progressivement arrêtés et traduits en justice.

2)  Un bilan contrasté

Quatre-vingt-dix personnes, sur 161 jugées, sont condamnées pour un conflit ayant fait plus de 100 000 morts. Slobodan Milosevic meurt en prison en 2006 avant la fin de son procès. D’autres, comme Slobodan Praljak, le chef de la milice croate en Bosnie, parviennent à se suicider dans leur cellule ou en plein tribunal.

Les procédures sont longues : la justice est parfois rendue plus de 20 ans après les faits. Entre 2012 et 2013, le tribunal acquitte en appel des accusés auparavant condamnés à des peines lourdes. À chaque jugement, les dirigeants politiques de l’un ou l’autre camp radicalisent leur discours et attisent les divisions.

Toutefois, le TPIY a condamné de nombreux criminels. Il a inspiré la création d’autres tribunaux internationaux, notamment au Rwanda  ainsi que la Cour pénale internationale en 2002. Il a ouvert la voie à l’espoir de pouvoir un jour traduire en justice des criminels de guerre, d’où qu’ils viennent. Malheureusement, il n’a pas permis de réconciliation entre les anciens ennemis.