Trois figures féminines de l’histoire de l’informatique

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Dans cette leçon, tu vas découvrir trois femmes qui ont changé l’histoire de l’informatique : Ada Lovelace, Grace Hopper et Margaret Hamilton. De l’algorithme au logiciel embarqué, elles ont chacune ouvert la voie à des avancées majeures. Leurs parcours montrent que l’innovation n’a pas de genre. Mots-clés : Ada Lovelace, Grace Hopper, Margaret Hamilton, histoire de l’informatique, femmes et science.

Introduction

L’informatique, longtemps perçue comme un domaine majoritairement masculin, est souvent associée à une image stéréotypée du « geek » : un jeune homme solitaire, passionné par la technologie. Pourtant, cette représentation occulte la contribution essentielle de plusieurs figures féminines qui ont joué un rôle déterminant dans l’émergence et l’évolution de cette science. Cette leçon met en lumière trois pionnières qui, chacune à leur époque, ont profondément marqué l’histoire de l’informatique par leur vision, leur rigueur scientifique et leur esprit d’innovation.

Ada Lovelace

Une pionnière visionnaire

Augusta Ada King, comtesse de Lovelace (1815-1852), est la fille du poète britannique Lord Byron et d’Anne Isabella Milbanke, une aristocrate passionnée de mathématiques. Très tôt sensibilisée aux sciences, Ada reprend des études de mathématiques à l’âge de 25 ans, après son mariage et la naissance de ses trois enfants. Elle est alors formée par le logicien Augustus De Morgan.

Elle collabore étroitement avec Charles Babbage, concepteur de la machine analytique, un projet de calculateur programmable mécanique. Cette collaboration aboutit à un article annoté fondamental : à 27 ans, Ada traduit un article de l’ingénieur italien Luigi Menabrea consacré à cette machine. Elle y ajoute de nombreuses notes personnelles, dont certaines anticipent des usages encore inédits de l’informatique.

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À retenir

  • Dans la Note A, Ada compare le fonctionnement de la machine analytique au métier à tisser Jacquard, affirmant que la machine peut « tisser des motifs algébriques comme le métier de Jacquard tisse des fleurs et des feuilles ».

  • La Note G contient ce qui est aujourd’hui considéré comme l’un des tout premiers programmes informatiques : un algorithme destiné à calculer la suite des nombres de Bernoulli.

  • Elle doute que les machines puissent un jour créer des idées originales, posant ainsi les premières réflexions sur les limites de l’intelligence artificielle.

Grace Hopper

Une ingénieure et militaire au service de l’innovation

Grace Murray Hopper (1906-1992) est une informaticienne et officier de la marine américaine. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle rejoint l’équipe en charge du développement du Harvard Mark I, l’un des premiers grands calculateurs électromécaniques (15 mètres de long, 2,5 mètres de haut). Elle contribue ensuite à la mise au point des modèles suivants, les Mark II et Mark III.

L’anecdote célèbre du bug informatique remonte à cette époque : un insecte, coincé dans le Mark II, provoque une erreur de calcul, ce qui donne naissance au terme aujourd’hui universellement utilisé. Par la suite, Hopper travaille dans le secteur privé, où elle conçoit le premier éditeur de liens (un programme permettant de rassembler plusieurs modules de code compilé en un seul exécutable), le A-0 System, puis participe à l’élaboration de l’un des tout premiers compilateurs (un programme traduisant un code écrit dans un langage de haut niveau en langage machine), le FLOW-MATIC.

Ce travail aboutit à la création du langage COBOL (COmmon Business-Oriented Language), destiné à faciliter la communication entre les utilisateurs et la machine dans un langage proche de l’anglais. Ce langage est encore employé dans de nombreux systèmes informatiques critiques.

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À retenir

  • Le langage COBOL, issu du FLOW-MATIC, est toujours utilisé dans de nombreuses entreprises pour le maintien de logiciels anciens.

  • Hopper est à l’origine de plusieurs avancées dans la conception d’outils de programmation facilitant l’écriture de logiciels complexes.

  • En hommage à son œuvre, un destroyer de l’U.S. Navy est baptisé à son nom en 1996.

Margaret Hamilton

L’ingénieure de la conquête spatiale

Née en 1936, Margaret Hamilton suit des études de mathématiques aux États-Unis avant de travailler au département de météorologie du MIT sous la direction d’Edward Lorenz, pionnier de la théorie du chaos. Elle y développe des logiciels de prévision météorologique, ce qui l’amène à se familiariser avec les questions de modélisation complexe.

Elle rejoint ensuite le laboratoire de Charles Draper, également au MIT, pour participer au programme spatial Apollo. Elle y dirige l’équipe de développement des logiciels de vol embarqués dans les modules lunaires et les vaisseaux de la NASA. Elle conçoit notamment un système de gestion des priorités capable de réorganiser dynamiquement les tâches en cas d’urgence, ce qui s’est révélé crucial lors de l’atterrissage d’Apollo 11 sur la Lune.

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À retenir

  • Elle contribue à faire reconnaître le logiciel comme un composant essentiel de la réussite des missions lunaires, et comme une discipline d’ingénierie à part entière.

  • Elle joue un rôle déterminant dans la diffusion de l’expression software engineering, qu’elle utilise pour souligner la rigueur et la complexité du développement logiciel.

  • Une version du code source des programmes de la mission Apollo 11 est toujours accessible publiquement en ligne.

Conclusion

L’histoire de l’informatique ne peut être pleinement comprise sans reconnaître la contribution déterminante de plusieurs femmes, souvent reléguées au second plan dans les récits traditionnels. Ada Lovelace, Grace Hopper et Margaret Hamilton illustrent, chacune à leur manière, la diversité des compétences, des domaines d’application et des époques au cours desquelles les femmes ont su s’imposer dans un univers largement masculinisé. Leurs apports, tant théoriques que techniques, ont non seulement marqué des tournants majeurs dans l’évolution de l’informatique, mais continuent aussi d’inspirer les nouvelles générations de scientifiques. Comprendre leur rôle permet de déconstruire les stéréotypes et d’ouvrir l’informatique à toutes et tous.