S'engager et débattre en démocratie

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Débattre en démocratie

A) Les citoyens et la démocratie

Le citoyen français est un membre actif de la démocratie : il partage les valeurs (liberté, égalité, fraternité) et les principes républicains (la République est démocratique, sociale, indivisible et laïque). Ses droits et ses devoirs sont garantis par la Constitution (1958).

La liberté d’opinion désigne le droit d’avoir ou non des idées politiques, religieuses ou philosophiques. La liberté d’expression concerne les multiples moyens de diffuser ces idées, elle est fréquemment définie et protégée par la loi (ex. : loi sur la liberté de la presse, 1881). La liberté de réunion implique ponctuellement de pouvoir s’assembler pour débattre démocratiquement. Ces libertés sont cependant limitées par le respect de la loi et de la liberté de tous les citoyens, en particulier en tenant compte des opinions de tous (pluralisme des opinions), notamment dans le cadre du vote et du débat. Chacun est libre de s’exprimer, mais est également responsable de ce qu’il exprime.

Les lycéens bénéficient de ces libertés de pensée (foyer socio-éducatif, conseil de vie lycéenne – CVL…). Ils ont également le droit d’être représentés par l’élection démocratique des délégués qui sont leurs porte-parole. Les débats du CVL concernent l’intérêt général des lycéens ; les projets qui en découlent peuvent être transmis aux échelles académique et nationale depuis le décret de création des conseils académiques de vie lycéenne en 1991 (ex. : création d’un journal, échanges sur le règlement intérieur…).

Mots-clés

Pluralisme des opinions : liberté, en démocratie, d’exprimer toutes les opinions.

Débat : discussion organisée, fondée sur la confrontation d’opinions diverses.

B) Pourquoi s’engager dans le débat démocratique ?

Le citoyen peut s’engager très tôt dans la vie politique et sociale, à l’échelle locale du quartier, de son lieu de travail, de sa commune, jusqu’à l’échelle nationale (parti politique) ou internationale (associations humanitaires). Le citoyen défend des convictions personnelles. Il contribue au bien commun de la nation, il se rend utile aux autres par son implication (ex. : bénévolat dans la Croix-Rouge). Son engagement a également des conséquences individuelles positives : acquisition de compétences relationnelles (aller vers les autres), satisfaction du service rendu, et parfois acquisitions d’expériences professionnelles.

Le citoyen, responsable et engagé, contribue à l’évolution des débats contemporains, nécessaires pour prendre des décisions dans l’intérêt commun. Ces défis de société se posent à toutes les échelles de territoire et appellent des réponses légales, locales, nationales et internationales. Ils mettent à l’épreuve la capacité des démocraties à s’adapter à l’évolution du monde contemporain, en respectant les droits fondamentaux.

C) Comment s’engager dans le débat démocratique ?

a) Des moyens ponctuels de participer au débat

Le citoyen, par le vote, détient une part de la souveraineté nationale et participe donc aux décisions concernant l’intérêt général. Les citoyens élisent leurs représentants (maires, députés, président…) chargés de se faire les porte-parole de leurs opinions : c’est la démocratie représentative. Le référendum est une consultation directe de la population par le président de la République : les citoyens peuvent ainsi décider après les débats, en répondant par « oui » ou par « non » à la question posée.

Mot-clé

Démocratie représentative : la démocratie est représentative lorsque les citoyens élisent des représentants pour assurer les fonctions politiques et entretenir le débat démocratique.

Le citoyen peut donner son opinion lors de réunions publiques (ex. : les conseils de quartier, depuis la loi de renforcement de la démocratie de proximité de 2003), en signant des pétitions, en répondant à des sondages… Les experts sont fréquemment invités à donner leur avis dans les médias. La e-démocratie s’est beaucoup développée depuis la diffusion massive d’Internet (1998) et des réseaux sociaux. Ces médias nouveaux permettent à chacun de donner son avis et de participer à des débats où les réponses s’enchaînent rapidement, avec d’autres individus qui dépassent l’entourage proche. Les citoyens agissent aussi parfois collectivement, notamment par la manifestation, afin d’attirer l’attention des médias et des élus sur le débat en cours.

b) S’engager durablement dans le débat politique et dans la vie sociale

Les partis politiques débattent pour faire vivre la République et contribuent à entretenir l’intérêt des citoyens autour des débats de société. Le citoyen peut s’engager durablement dans différentes responsabilités politiques, en étant sympathisant (il vote régulièrement pour le même parti), adhérent (soutien financier par cotisation) ou militant (participer à des débats, réfléchir à des idées nouvelles, organiser des réunions…). Il peut aussi présenter sa candidature et ainsi se trouver en position de défendre ses idées au cours de débats.

Devenu adulte, le citoyen peut adhérer à des syndicats (loi Waldeck-Rousseau, 1884), organisations qui luttent pour la protection des droits économiques et sociaux des travailleurs et débattent pour améliorer les conditions de travail (horaires, salaires, hygiène et sécurité, lutte contre les discriminations et le harcèlement…).

Le citoyen peut agir lors des élections professionnelles (délégués du personnel, membres des comités d’entreprise…) pour représenter les salariés dans son entreprise, informer ses collègues des évolutions du droit du travail, saisir la justice en cas d’abus. Il peut devenir conseiller prud’homal afin d’arbitrer les litiges entre salariés et employeurs, de débattre des responsabilités de chacun et d’essayer d’obtenir une conciliation.

Le citoyen peut créer une association à but non lucratif (loi de 1901), afin de défendre des causes, locales à internationales. Il peut y agir comme salarié, bénévole ou donateur. Les associations de quartier mènent des actions de proximité, d’autres agissent dans l’humanitaire (ex. : Restos du cœur), favorisent les loisirs (associations sportives), la culture (université populaire du savoir) ou la protection de l’environnement (WWF)…

Trois défis majeurs de la société contemporaine

A) Les changements environnementaux

Les changements globaux représentent un sujet de débat mondial : ils concernent toutes les sociétés humaines et semblent appeler des solutions fondées sur la solidarité internationale. Les sommets internationaux (ex. : la COP21) sont l’occasion de débats, impliquant des chefs d’État, des ONG, des scientifiques… qui aboutissent au constat qu’il faut changer les modes de production et de consommation (limiter le gaspillage, augmenter les ressources renouvelables), évoluer vers un habitat et des transports durables qui seraient à terme peu polluants et autosuffisants… Les débats se prolongent sur les inégalités économiques mondiales : certains États ne peuvent pas financer de telles politiques, d’autres ne veulent pas ralentir leur développement économique…

En France, l’État vote la loi relative à la protection de la nature (1976) qui crée les réserves naturelles et des espaces protégés. La Charte de l’environnement (2005) établit un droit à vivre dans un environnement sain et équilibré, notamment par le principe du pollueur-payeur (le responsable d’une atteinte à l’environnement doit mettre tout en œuvre pour réparer le dommage causé, à ses frais). Le texte ajoute le principe de prévention : anticiper les atteintes à l’environnement lorsque les risques sont avérés et certains. Il complète ensuite le droit français par le principe de précaution : agir préventivement, même sans certitudes, si un risque irréversible par rapport à l’environnement est soupçonné mais ne peut pas être prouvé scientifiquement.

B) La révolution numérique : Internet et les risques induits

a) L’identité numérique en débats

L’identité numérique (mails, avatars, profils sur réseaux sociaux…) s’est tellement généralisée qu’il devient difficile, voire pénalisant, de ne pas en avoir dans la vie active (curriculum vitae numérique, dématérialisation progressive des documents officiels…). Un débat existe autour de la fracture numérique croissante, entre ceux qui maîtrisent l’outil et le reste de la population qui peut parfois se trouver marginalisée. La place du travail numérique (télétravail) est grandissante dans nos sociétés connectées, avec ses avantages (ex. : éviter les transports) et ses inconvénients (ex. : distanciation sociale prolongée).

Le débat relatif à la sécurité de notre identité numérique est d’autant plus présent que les médias offrent une immense liberté d’information et d’expression à tous les citoyens connectés. En effet, chacune de nos activités sur les réseaux sociaux, la téléphonie et les médias modernes laisse des traces dont l’usage peut être difficile à contrôler (ex. : liste des sites consultés transmise automatiquement à des sites publicitaires).

L’intervention de l’État dans la protection de l’identité numérique est le résultat de nombreux débats parlementaires et de consultations citoyennes. Depuis 1978, la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés), organisme public, surveille la constitution des fichiers informatisés : le stockage des données personnelles est encadré par la loi et limité dans le temps. De nouvelles lois protectrices des libertés s’adaptent à l’évolution de notre société (droit d’accès à Internet, 2009). Les données sensibles de l’État sont protégées par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (2009), chargées de contrer toute forme d’atteinte ou d’espionnage pouvant mettre en danger la Défense nationale. La loi pour une république numérique (2016), en écho au règlement général sur la protection des données de l’Union européenne, met l’accent sur l’importance de protéger les droits des citoyens et de réduire la fracture numérique.

b) Les excès du numérique : cyberdépendance, cyber-harcèlement

De nombreux débats se tiennent également autour des usages abusifs d’Internet et des réseaux sociaux qui peuvent porter atteinte aux libertés individuelles. Certains internautes souffrent de cyberdépendance, une addiction qui implique un temps excessif passé sur Internet, au point de mettre en péril sa santé et sa vie personnelle. D’autres subissent les effets du cyber-harcèlement : des internautes malveillants véhiculent alors toutes formes d’atteinte à la dignité et à la liberté individuelle (moqueries, injures, humiliation, diffamation…). Cette forme de harcèlement est un délit, condamnable par la justice, car il est préjudiciable à la vie quotidienne et à la dignité des victimes.

Il est important que des associations de défense des libertés (Ligue des droits de l’homme, SOS Racisme…) et des organismes publics spécialisés (Défenseur des droits, CNIL) entretiennent le débat sur ces questions et proposent des aides aux victimes de ces abus.

c) Les débats relatifs à l’accès à une information fiable

L’accès à une information fiable est un droit récent du citoyen, nécessaire pour qu’il puisse participer en connaissance de cause aux débats de société. Internet et les réseaux sociaux permettent d’alimenter l’information, de poser des questions, en donnant la parole à chacun, de manière instantanée… Mais, quelle valeur apporter à ces données saisies dans l’immédiat, sans recul ? Quel crédit donner à des informations diffusées par des citoyens qui ne sont pas des journalistes officiels ? Comment être sûr que ces débats spontanés respectent les droits de l’homme et le souci de vérité de l’information ? Même les médias officiels sont souvent accusés d’influencer l’opinion publique…

Des organismes sont créés par l’État français pour surveiller les médias, devenus libres en 1982 : le CSA (conseil supérieur de l’audiovisuel) est une autorité publique indépendante créée en 1989 pour surveiller les chaînes de radio et télévision et avertir les spectateurs par une signalétique de l’âge minimal auxquels conviennent certains programmes. La loi du 22 décembre 2018 sur la manipulation de l’information renouvelle l’importance de la lutte contre la désinformation et la manipulation des citoyens.

C) L’essor des biotechnologies

Les progrès scientifiques et technologiques des XXe-XXIe siècles ont considérablement transformé les êtres vivants et leurs milieux de vie, ont contribué à l’augmentation de l’espérance de vie à l’échelle mondiale (vaccins, greffes…). Une éthique s’impose pour utiliser ces progrès dans le respect des droits de l’homme et de l’environnement.

a) Les débats autour de la bioéthique

Mots-clés
Bioéthique : partie de l’éthique liée aux progrès scientifiques et à la recherche médicale. Elle concerne tout être vivant, végétal, animal ou être humain.

Éthique : ensemble de règles morales qui établissent une conduite à tenir face à des situations complexes génératrices de débats.

L’éthique est un ensemble de règles morales destiné à définir les limites de l’intervention de la médecine sur le corps humain en garantissant le respect de la dignité de la personne. Elle a pour objectif d’éviter toute forme d’exploitation dérivée de la médecine (trafic d’organes, clonage humain…). La question des recherches médicales réalisées dans des conditions abominables du point de vue des droits de l’Homme pendant la Seconde Guerre mondiale (camps nazis) et l’usage de la bombe atomique jettent les bases de la réflexion sur la bioéthique, un ensemble de règles morales qui s’applique à tout être vivant. Mal exploités, les progrès peuvent devenir un danger : accidents nucléaires, manipulations génétiques, armes biologiques…

La recherche génétique a abouti à la création d’OGM (organismes génétiquement modifiés), traités pour dépasser leur nature initiale : espèces végétales plus productives, plus résistantes aux intempéries, espèces dont on élimine quelques traits indésirables… Dans quelles mesures sont-elles bonnes pour la santé de l’être humain et pour l’équilibre des écosystèmes ? Si certains OGM sont consommés et produits légalement, d’autres sont interdits et jugés toxiques.

La diffusion de moyens de contraception dans les années 1960 permet aux femmes de choisir d’avoir ou non des enfants ; le concept même suscite des débats éthiques durables.

L’éthique refuse d’envisager le clonage potentiel de l’être humain. Peut-on créer des êtres humains pour en soigner d’autres ? Pourrait-on manipuler le code génétique des fœtus pour répondre aux choix des parents (eugénisme) ? C’est la définition même de l’être humain qui est en jeu.

Mot-clé

Eugénisme : pratique qui permet de choisir les caractéristiques génétiques d’une population et d’éliminer les individus qui ne répondent pas aux critères définis.

b) Le débat démocratique aboutit à des lois françaises et européennes

Depuis 1975, la loi française garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. Le consentement du patient est de plus en plus sollicité, pour expérimenter un traitement (code de déontologie de Nuremberg, 1947) et dans le choix d’une opération médicale, car l’absence de risques n’est jamais réelle. Le don d’organes doit faire l’objet d’une volonté exprimée par le donateur. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) interdit le clonage humain, la vente d’organes et l’eugénisme.

L’éthique médicale et la bioéthique se construisent en liaison avec l’État, qui répond aux débats par des lois et par la création d’organismes publics qui évoluent avec la société. Le Comité consultatif national d’éthique a été créé en 1983 après la première naissance in vitro. Il apporte des réponses à tout problème éthique en rapport avec la santé et l’évolution des sciences et techniques. Il ne donne cependant qu’un avis ; ce sont ensuite les institutions qui fixent des lois. Par exemple, la loi Leonetti (2005) donne au patient en fin de vie le droit de refuser tout traitement. La loi sur la fin de vie (2015) légalise le droit à une sédation profonde jusqu’au décès des patients en phase terminale, mais condamne toute euthanasie ou suicide assisté. Elle est le résultat d’un long débat…