Qu'appelle-t-on être libre ?

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A) La liberté d’agir

La liberté peut se définir en premier lieu comme l’absence de contraintes extérieures : est libre celui qui n’est pas esclave, qui n’est pas enchaîné.

Cependant, cette définition de la liberté pose deux problèmes :

c’est une définition négative de la liberté (la liberté est l’absence d’entraves). Or, cette définition négative ne permet pas de distinguer ce qui ferait la spécificité de la liberté humaine par rapport à celle des autres animaux ;

la contrainte n’est pas nécessairement extérieure : si je peux physiquement faire ce que je veux, mais que je suis incapable de déterminer ma volonté, de choisir ce que je veux, on peut considérer que je ne suis pas libre, que je suis contraint de manière intérieure.

Repères

Contrainte/obligation

La contrainte est ce qui nous force à faire quelque chose, c’est donc de l’ordre du fait. Si je suis en prison, je suis contraint, je ne suis pas libre à cause de contraintes extérieures (les murs de la prison, la vigilance du gardien).

La contrainte est à distinguer de l’obligation, qui elle est d’ordre moral ou politique : je ne dois pas faire quelque chose parce que la loi, morale ou politique, me l’interdit. Je peux par exemple avoir la possibilité de rentrer sur le terrain de mon voisin car il n’y a pas de clôture (absence de contrainte) mais ne pas avoir le droit de le faire parce que la loi me l’interdit (obligation).

B) Le libre arbitre

Une définition plus satisfaisante de la liberté, ou en tout cas plus conforme à ce que nous considérons être la liberté humaine, serait alors de la définir comme libre arbitre : le libre arbitre, c’est la faculté qu’a la volonté de se déterminer, de choisir, de se décider pour un choix plutôt qu’un autre.

Le concept de libre arbitre a d’abord été élaboré pour poser la question de l’origine du mal. Dans Du Libre Arbitre, Augustin d’Hippone (354-430) répond au problème de l’origine du mal par le concept de libre arbitre : face à l’interrogation de savoir si Dieu est l’auteur du mal, Augustin répond que « Dieu a conféré à sa créature, avec le libre arbitre, la capacité de mal agir, et par-là même, la responsabilité du péché. » Définir la liberté comme libre arbitre, c’est donc considérer que cette question a des enjeux moraux (par exemple, la responsabilité morale : suis-je responsable du mal que je fais) et politiques (par exemple, la question du vote pour tous).

C) Raison et volonté

Si le libre arbitre est la liberté d’orienter sa volonté, il convient de se demander à quelle condition ma volonté peut être considérée comme libre. On peut distinguer deux cas de figure :

la raison ne permet pas d’orienter ma volonté, je n’ai pas plus de raisons de faire un choix plutôt qu’un autre : c’est ce qu’on appelle la liberté d’indifférence ;

la raison incline la volonté car elle lui donne des raisons de choisir dans un sens ou dans un autre : on pourrait alors dire qu’il s’agit d’une liberté éclairée par la raison.

De prime abord, on pourrait croire que la volonté n’est libre que dans le cas de la liberté d’indifférence, car elle serait dans une situation de libre détermination face à la raison, qui pourrait alors être assimilée à une forme de contrainte intérieure. Pourtant, René Descartes (1596-1650) affirme dans la quatrième méditation des Méditations métaphysiques que la liberté d’indifférence est en fait le plus bas niveau de la liberté.

En effet, la liberté d’indifférence ne me permet de juger que dans les cas où mon choix n’a aucune importance ou qu’il est le résultat de mon ignorance : elle n’est donc qu’une forme de liberté négative. Au contraire, en me permettant de juger avec la connaissance des raisons qui me poussent à faire mon choix, la raison n’est pas une contrainte pour ma volonté : c’est ce qui la rend d’autant plus libre, qui lui permet d’acquérir une liberté positive. Ainsi, pour Descartes, plus la raison incline la volonté, plus celle-ci est paradoxalement libre.