Introduction
Dans une économie de marché, les prix se forment librement grâce à la rencontre de l’offre et de la demande. Ce mécanisme permet souvent de coordonner les décisions des consommateurs et des producteurs sans intervention extérieure. Il repose sur le modèle de la concurrence pure et parfaite (CPP), dans lequel plusieurs conditions doivent être réunies : atomicité du marché (une multitude d’acheteurs et de vendeurs sans pouvoir dominant), homogénéité des produits (tous identiques), libre entrée et sortie (aucune barrière à la concurrence), mobilité des facteurs de production (travail et capital circulent librement) et transparence de l’information (tous connaissent les prix et la qualité).
Cependant, dans la réalité, ces conditions sont rarement respectées. Les marchés connaissent des défaillances, des déséquilibres ou des inégalités que le marché seul ne parvient pas à corriger. C’est pour pallier ces imperfections et garantir l’intérêt collectif que l’État intervient, non pour remplacer le marché, mais pour le réguler.
Pourquoi l’État intervient-il sur les marchés ?
L’intervention de l’État repose d’abord sur la nécessité de corriger les défaillances du marché, c’est-à-dire les situations où la concurrence ne permet pas une allocation efficace des ressources.
La première défaillance concerne les biens publics, comme la défense nationale, la justice ou l’éclairage public. Ces biens sont non rivaux (leur usage par une personne n’empêche pas celui des autres) et non exclusifs (personne ne peut être exclu de leur bénéfice). Le marché privé ne les produit pas, car ils ne sont pas rentables : c’est donc à l’État de les financer grâce aux impôts.
La deuxième défaillance est liée aux externalités, c’est-à-dire les effets positifs ou négatifs d’une activité sur des tiers non impliqués dans l’échange. Une entreprise polluante crée une externalité négative en dégradant l’environnement, tandis qu’une vaccination de masse génère une externalité positive en protégeant toute la population. Ces phénomènes entraînent une mauvaise allocation des ressources : le marché ne tient pas compte des coûts ou bénéfices pour la société. L’État corrige ces effets en taxant les activités nuisibles (taxe carbone) ou en subventionnant celles qui sont bénéfiques (énergies renouvelables).
La troisième défaillance est celle de l’asymétrie d’information, lorsque certains acteurs possèdent plus d’informations que d’autres. Un vendeur de voiture d’occasion connaît mieux l’état de son véhicule qu’un acheteur ; un patient ignore les détails médicaux que son médecin maîtrise. Cette inégalité d’information fausse la concurrence. L’État rétablit alors la confiance en imposant des contrôles, des certifications ou des obligations de transparence.
Enfin, l’État agit aussi sur le plan social, pour réduire les inégalités issues du fonctionnement du marché. Les inégalités ne constituent pas une défaillance au sens strict, mais une conséquence sociale de la logique marchande : le marché rétribue davantage ceux qui possèdent des ressources rares ou recherchées. L’État intervient donc pour des raisons d’équité, afin d’assurer un accès plus juste aux biens essentiels (éducation, santé, logement).
À retenir
L’État corrige les défaillances du marché (biens publics, externalités, asymétrie d’information) et atténue les inégalités sociales. Il cherche à rendre le marché plus efficace et plus juste.
Les principaux outils d’intervention de l’État
Pour réguler les marchés, l’État dispose de plusieurs instruments économiques qui lui permettent d’influencer les prix, la production et la répartition des revenus.
L’un des plus connus est la politique des prix. L’État peut fixer un prix plancher, comme le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), établi à environ 1 766 € brut par mois en 2024. Ce prix minimum protège les travailleurs, mais s’il est trop élevé, il peut créer un excédent de main-d’œuvre (chômage) : sur le graphique du marché, la quantité offerte (le travail) dépasse la quantité demandée (l’emploi). À l’inverse, un prix plafond est un prix maximal, par exemple pour les loyers encadrés à Paris. Il protège les consommateurs, mais s’il est trop bas, il peut entraîner une pénurie, car la demande excède l’offre.
La fiscalité et les subventions sont également des outils puissants. Une taxe (comme la taxe carbone) renchérit les produits polluants pour décourager leur usage, tandis qu’une subvention soutient une activité bénéfique, comme la production d’énergie solaire. À côté de ces instruments, l’État peut mettre en place des quotas d’émission ou des marchés de droits à polluer, où les entreprises échangent des autorisations d’émission de CO₂. Ces systèmes visent à combiner efficacité économique et protection de l’environnement.
La réglementation complète ces politiques : l’État fixe des normes de sécurité, de qualité ou d’émission (comme les seuils de CO₂ pour les voitures). Il impose aussi des obligations d’étiquetage ou de contrôle sanitaire, afin d’assurer la transparence de l’information sur le marché.
Enfin, la redistribution des richesses est un pilier fondamental de l’action publique. Par le biais des impôts progressifs (les plus riches paient proportionnellement plus) et des prestations sociales (allocations, retraites, bourses, indemnités chômage), l’État réduit les inégalités et soutient la consommation. Cela permet de maintenir la demande globale, essentielle à la croissance.
À retenir
L’État régule les marchés grâce à ses politiques de prix, sa fiscalité, ses subventions, sa réglementation et sa redistribution. Ces outils visent à concilier efficacité économique et justice sociale.
L’État, arbitre et acteur économique
L’État n’est pas seulement un régulateur : il est aussi un acteur économique à part entière.
En tant que producteur, il fournit directement des biens et des services à la population — écoles, hôpitaux, transports, justice, sécurité — qui garantissent la cohésion sociale. En 2023, selon l’INSEE, les dépenses publiques représentaient environ 58 % du PIB français, un chiffre qui illustre le poids économique considérable de l’État dans la production nationale.
En tant qu’arbitre, il oriente l’activité par ses politiques budgétaires et industrielles. Lors de la pandémie de 2020, par exemple, le plan de relance de 100 milliards d’euros a permis de soutenir l’investissement, l’emploi et la transition écologique.
L’État agit également à l’échelle internationale : il participe à la régulation des échanges, à la lutte contre la fraude fiscale et à la négociation de politiques climatiques globales comme les Accords de Paris.
À retenir
L’État est à la fois arbitre (il encadre le marché) et acteur (il produit, investit et oriente l’économie). Son poids économique en France dépasse la moitié du PIB.
Les limites de l’intervention de l’État
Si l’intervention publique est indispensable, elle n’est pas sans effets pervers. Les politiques de régulation ont un coût budgétaire élevé, car les dépenses publiques et les subventions doivent être financées par les impôts ou l’endettement. Une intervention trop lourde peut creuser le déficit public et limiter la marge de manœuvre future de l’État.
De plus, certaines mesures peuvent créer des désincitations : des aides trop généreuses peuvent décourager la recherche d’emploi ou l’investissement privé. La multiplication des réglementations peut également freiner l’innovation et réduire la compétitivité des entreprises.
Enfin, une intervention mal calibrée peut produire l’effet inverse de celui recherché : un prix plafond trop bas crée une pénurie, une taxe mal conçue peut pénaliser les ménages modestes. L’efficacité de l’État repose donc sur un dosage équilibré entre régulation et liberté du marché.
À retenir
L’intervention de l’État est nécessaire pour corriger les défaillances du marché, mais elle doit rester mesurée pour éviter les effets pervers : désincitations, inefficacité ou coûts excessifs.
Conclusion
L’État joue un rôle essentiel dans l’économie : il corrige les défaillances du marché, garantit la justice sociale et oriente la production vers des objectifs collectifs comme la transition écologique. Il agit à la fois comme régulateur, redistributeur et producteur.
Mais son action doit rester équilibrée : un excès d’intervention risque de freiner la concurrence, d’alourdir la dépense publique et de décourager les initiatives privées. À l’inverse, une absence d’intervention laisserait place aux déséquilibres, aux inégalités et aux crises. Le défi pour toute économie moderne consiste donc à trouver le juste milieu entre l’efficacité du marché et la nécessité de la régulation publique, afin d’assurer un développement à la fois prospère, équitable et durable.
