Introduction
Depuis les années 1990, la mondialisation s’est accompagnée d’un développement accéléré des coopérations économiques régionales, qui visent à encadrer, réguler et amplifier les échanges à l’échelle infra-continentale. Celles-ci traduisent une double dynamique : d’une part, la régionalisation, processus économique spontané d’intensification des flux au sein d’un espace régional ; d’autre part, le régionalisme, démarche politique concertée d’intégration entre États. Ces logiques visent à renforcer la compétitivité, à assurer une forme de souveraineté collective face aux marchés mondiaux et à organiser la gouvernance économique régionale. Cette leçon analyse la diversité, les objectifs et les limites de ces coopérations depuis les années 1990.
Les dynamiques des coopérations économiques régionales
Objectifs et formes d’intégration
Les coopérations régionales poursuivent plusieurs finalités :
Stimuler les échanges intra-régionaux par la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires.
Favoriser l’attractivité des régions pour les investissements directs étrangers.
Renforcer la stabilité régionale, en consolidant les liens entre États partenaires.
Ces coopérations prennent des formes juridiques variées, reflétant des degrés d’intégration distincts :
Une zone de libre-échange supprime les droits de douane entre les membres mais laisse à chacun sa propre politique commerciale (ex. : le Partenariat économique régional global (RCEP) signé en 2020).
Une union douanière ajoute un tarif extérieur commun (ex. : le Mercosur).
Un marché commun assure la libre circulation des biens, des services, des capitaux et parfois des personnes.
Une union économique et monétaire implique la convergence des politiques économiques et une monnaie unique (ex. : zone euro).
L’Union européenne (UE) constitue l’exemple le plus avancé d’intégration, combinant politiques communes, institutions supranationales et législation contraignante.
Coopérations régionales en Amérique du Nord et en Afrique
L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui a remplacé l’ALENA en 2020, illustre une coopération commerciale renouvelée en Amérique du Nord. Si les États-Unis y occupent une position dominante, le Canada et le Mexique y jouent un rôle essentiel dans les chaînes de production régionales.
En Afrique, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), entrée en vigueur juridiquement en 2021, ambitionne de créer un marché unifié à l’échelle continentale. Cependant, la mise en œuvre concrète reste limitée.
Les enjeux des coopérations économiques régionales
Avantages économiques et diplomatiques
Les coopérations régionales visent à :
Augmenter les flux commerciaux en levant les obstacles tarifaires.
Faciliter l’intégration dans les chaînes de valeur régionales.
Accroître la compétitivité face aux puissances économiques mondiales.
Offrir une voix collective plus forte dans les négociations internationales.
L’UE, par exemple, dispose d’une capacité de négociation commerciale commune et impose ses normes dans des domaines variés. Cette influence normative la distingue des autres blocs.
Limites et déséquilibres
Plusieurs défis freinent l’efficacité de ces coopérations :
Inégalités de développement entre les États membres.
Perte partielle de souveraineté, notamment monétaire ou budgétaire.
Asymétries de pouvoir, comme au sein de l’ACEUM.
Les limites du régionalisme asiatique sont aussi visibles : l’ASEAN reste une organisation à gouvernance souple, fondée sur le consensus et sans mécanismes contraignants.
Les acteurs des coopérations économiques régionales
États et institutions régionales
Les États membres sont les moteurs ou les freins des dynamiques régionales. Leur engagement politique, leur stabilité et leur capacité administrative conditionnent la mise en œuvre des accords. Les organisations régionales jouent un rôle de coordination, de régulation et parfois d’arbitrage. L’UE, dotée d’institutions supranationales fortes, incarne une intégration institutionnalisée, à rebours du modèle plus souple de l’ASEAN.
Entreprises et société civile
Les entreprises tirent parti des accords régionaux pour élargir leur marché, réorganiser leurs chaînes de production et optimiser leurs coûts. Les firmes transnationales jouent souvent un rôle moteur, en structurant les flux intra-régionaux.
La société civile, à travers ONG, syndicats ou mouvements environnementalistes, peut exercer un contre-pouvoir, en dénonçant les effets négatifs des accords et en plaidant pour une gouvernance plus inclusive.
Conclusion
Depuis les années 1990, les coopérations économiques régionales se sont multipliées, traduisant à la fois une réponse politique à la mondialisation libérale et une volonté d’organiser les flux économiques à une échelle plus contrôlable. Elles participent à la construction de blocs régionaux aux ambitions variables.
Mais ces coopérations sont aussi confrontées à des défis : déséquilibres entre membres, fragilité institutionnelle, résistances nationales. Leur efficacité dépend de leur capacité à conjuguer intégration économique, cohésion sociale et gouvernance démocratique. Dans un monde traversé par de nouvelles fragmentations, elles restent des outils stratégiques pour bâtir une mondialisation plus régulée et plus équilibrée.