Introduction
Par une nuit claire, tu lèves les yeux vers le ciel et observes des étoiles aux couleurs variées : certaines scintillent dans un bleu éclatant, d’autres semblent tirer vers l’orangé ou le rouge. Ces couleurs ne sont pas dues au hasard ni à un simple effet d’optique. Elles traduisent une réalité physique : chaque étoile émet de la lumière selon sa température. Pour comprendre cela, les scientifiques utilisent un modèle puissant, celui du corps noir, qui permet de relier le spectre lumineux d’un astre à sa température. Cette idée, formulée à la fin du XIXe siècle, est au cœur de l’astrophysique moderne et nous permet de « prendre la température » des étoiles, même situées à des centaines d’années-lumière.
Le modèle du corps noir et ses lois fondamentales
Un corps noir est un objet idéal qui absorbe parfaitement toute la lumière qu’il reçoit et qui réémet un rayonnement uniquement en fonction de sa température. Dans la réalité, aucune étoile ou aucun objet n’est un corps noir parfait, mais ce modèle est suffisamment proche de la réalité pour décrire le spectre des étoiles. Le Soleil, par exemple, se rapproche beaucoup du comportement d’un corps noir.
Lorsque l’on trace l’intensité lumineuse émise par un corps noir en fonction de la longueur d’onde, on obtient une courbe caractéristique appelée spectre d’émission. Cette courbe dépend uniquement de la température de surface de l’objet. Deux lois principales régissent ce spectre :
La loi de Wien établit que la longueur d’onde à laquelle le rayonnement est maximal () est inversement proportionnelle à la température :
ou mètre → c’est l’unité de longueur (ici pour la longueur d’onde ) kelvin → c’est l’unité de température absolue (ici pour ). Cela signifie que plus un objet est chaud, plus son rayonnement maximal est émis vers les courtes longueurs d’onde (vers le bleu et l’ultraviolet).
La loi de Stefan-Boltzmann indique que la puissance rayonnée par unité de surface est proportionnelle à la quatrième puissance de la température :
avec .
: c’est la constante de Stefan-Boltzmann, une constante physique fondamentale utilisée en thermodynamique et en rayonnement.
: watt, unité de puissance ( par seconde).
: par mètre carré → cela signifie "par unité de surface".
: par kelvin à la puissance 4 → cela indique une dépendance avec la température absolue élevée à la puissance 4.
Autrement dit, une petite augmentation de température entraîne une forte augmentation de l’énergie rayonnée.
L’histoire des spectres commence dès le début du XIXe siècle, avec l’opticien Joseph von Fraunhofer, qui observa des raies sombres dans le spectre solaire. Quelques décennies plus tard, Gustav Kirchhoff montra que ces raies correspondaient à l’absorption de certaines longueurs d’onde par les éléments chimiques présents dans l’atmosphère du Soleil. Ces travaux ont ouvert la voie à la spectroscopie moderne, outil fondamental de l’astrophysique.
À retenir
Un corps noir est un modèle d’émetteur de lumière dont le spectre dépend uniquement de la température. La loi de Wien relie la longueur d’onde du maximum d’émission à la température, tandis que la loi de Stefan-Boltzmann relie l’énergie totale rayonnée à la température. Les travaux de Fraunhofer et Kirchhoff ont permis de comprendre la présence de raies d’absorption dans les spectres stellaires.
La détermination de la température des étoiles
Lorsqu’on observe la lumière d’une étoile au spectroscope, on obtient son spectre, composé d’un continuum proche de celui d’un corps noir, sur lequel se superposent des raies d’absorption. Ces raies proviennent des éléments chimiques présents dans l’atmosphère de l’étoile, qui absorbent certaines longueurs d’onde. Ainsi, si le spectre réel diffère légèrement de celui d’un corps noir parfait, le maximum d’intensité lumineuse suit malgré tout la loi de Wien.
Prenons l’exemple du Soleil. Son spectre présente un maximum d’émission autour de (dans le vert-jaune). En appliquant la loi de Wien, on obtient une température de surface d’environ . De même, une étoile bleutée comme Rigel (dans la constellation d’Orion) a son maximum d’émission vers (dans le bleu-violet), ce qui correspond à une température proche de . À l’inverse, Bételgeuse, étoile rouge, a un maximum d’émission vers 900 nm (dans l’infrarouge), révélant une température de surface autour de .
La loi de Stefan-Boltzmann, elle, permet de relier la luminosité d’une étoile à sa surface et à sa température. Si l’on connaît son rayon (par exemple grâce à des mesures d’interférométrie) et la puissance totale rayonnée, on peut vérifier la cohérence avec la température déduite du spectre.
Cette méthode est aujourd’hui à la base de la classification des étoiles. On distingue ainsi les types spectraux (), allant des étoiles les plus chaudes (bleues) aux plus froides (rouges).
À retenir
En observant le spectre d’une étoile, on peut déterminer sa température grâce à la loi de Wien. Les étoiles bleues sont très chaudes, les étoiles rouges plus froides. La loi de Stefan-Boltzmann permet d’associer la luminosité d’une étoile à sa température et à sa taille. L’histoire de Fraunhofer et Kirchhoff rappelle que ces spectres sont aussi des archives chimiques, révélant la composition des étoiles.
Conclusion
Regarder la couleur d’une étoile, c’est donc lire une information essentielle : sa température. Derrière cette observation apparemment simple se cache la physique du rayonnement des corps noirs, décrite par les lois de Wien et de Stefan-Boltzmann. Ces outils permettent aux astrophysiciens de classer les étoiles, de retracer leur évolution et de comprendre l’histoire de notre Univers. Dans un contexte actuel où l’on découvre chaque année des milliers d’exoplanètes, ces mêmes méthodes permettent aussi de caractériser l’éclat et la chaleur de leurs étoiles hôtes, première étape pour évaluer leur potentiel d’habitabilité.
