Le marché comme institution et ses formes de concurrence

icône de pdf
Signaler
Dans cette leçon, tu découvres que le marché n’est pas un simple lieu d’échange spontané mais une institution fondée sur des règles et des normes sociales. Tu verras comment se fixe le prix d’équilibre en concurrence parfaite, comment les situations de monopole ou d’oligopole modifient les résultats, et pourquoi l’État intervient pour protéger les consommateurs et encourager l’innovation. Mots-clés : marché, concurrence parfaite, oligopole, monopole, prix d’équilibre, politique de la concurrence.

Introduction

Acheter une baguette à la boulangerie, commander un repas sur une application ou prendre le train : toutes ces situations relèvent du fonctionnement des marchés. Mais un marché ne naît jamais spontanément. Il repose sur des règles juridiques (droits de propriété, contrats, monnaie) et sur des normes sociales (confiance implicite, routines, valeurs partagées) qui rendent les échanges possibles et prévisibles.

Le marché est donc une institution sociale qui structure les comportements économiques. Pour en comprendre le rôle, il faut examiner comment se fixe le prix d’équilibre dans le modèle de concurrence parfaite, puis voir en quoi les situations d’oligopole et de monopole modifient les résultats et justifient parfois une régulation publique.

Le marché comme institution et l’équilibre concurrentiel

Les marchés fonctionnent parce que les individus partagent à la fois des règles juridiques et des normes sociales. Par exemple, un paiement en ligne repose autant sur un système bancaire sécurisé que sur la confiance que le vendeur respectera sa promesse de livraison.

Pour expliquer la formation des prix, les économistes s’appuient sur le modèle de la concurrence parfaite. Il s’agit d’une construction théorique qui repose sur cinq conditions : atomicité (beaucoup d’acheteurs et de vendeurs), homogénéité des produits, transparence de l’information, libre entrée et sortie du marché et mobilité des facteurs de production. Dans ce cadre, la courbe de demande (décroissante) et la courbe d’offre (croissante) se rencontrent en un prix d’équilibre, qui égalise la quantité offerte et la quantité demandée. S’il est trop élevé, il y a excédent ; trop bas, il y a pénurie.

Cet équilibre maximise les gains à l’échange. Les acheteurs réalisent un surplus du consommateur (différence entre ce qu’ils étaient prêts à payer et ce qu’ils paient). Les vendeurs obtiennent un surplus du producteur (différence entre le prix du marché et leur prix minimum acceptable). La somme de ces surplus représente les gains globaux. On dit que l’allocation (répartition des ressources) est efficace, car elle maximise le bien-être collectif. En pratique, aucun marché réel ne respecte ces conditions, mais ce modèle sert de référence pour comparer les autres situations.

À retenir

Le marché est une institution fondée sur des règles et des normes sociales. Le modèle de la concurrence parfaite, bien que théorique, éclaire la formation du prix d’équilibre et montre comment les gains à l’échange sont maximisés.

Les marchés imparfaitement concurrentiels : oligopoles et monopoles

Dans la réalité, les marchés sont souvent imparfaitement concurrentiels, car certaines entreprises disposent d’un pouvoir de marché leur permettant d’influencer prix et quantités.

En oligopole, quelques grandes entreprises dominent. La théorie des jeux, et notamment le dilemme du prisonnier, illustre la difficulté de coopération : si une firme baisse son prix pour attirer les clients, toutes y perdent ; si elles s’entendent, elles maximisent leurs profits mais pénalisent les consommateurs. C’est ce qui explique les tentatives récurrentes d’ententes dans l’aérien ou la coordination de l’offre par l’OPEP dans le pétrole.

En monopole, un seul producteur est présent. Il est « faiseur de prix » : il choisit le prix qui maximise son profit. Mais cet équilibre n’est pas efficace : il entraîne des prix plus élevés, une quantité produite plus faible et une perte d’efficacité (ou perte sèche), c’est-à-dire une destruction d’une partie des gains à l’échange. On distingue plusieurs types de monopoles.

Les monopoles naturels

Un monopole naturel apparaît lorsque les coûts fixes sont très élevés, ce qui rend inefficace la présence de plusieurs entreprises. C’est le cas des réseaux d’eau, d’électricité ou de transport ferroviaire. Pour garantir un accès à tous, certains monopoles naturels sont transformés en services publics régulés, avec des obligations de continuité et de tarifs encadrés. L’exemple d’EDF historique illustre ce rôle de l’État dans l’organisation de l’accès universel à l’électricité.

Les monopoles institutionnels

Un monopole institutionnel est accordé par la loi pour des raisons d’intérêt général ou de sécurité. La Française des Jeux en est un exemple : longtemps monopole légal, son statut a été partiellement remis en cause par la loi de 2019, qui a ouvert certains segments à la concurrence. Ces monopoles montrent que le pouvoir politique peut décider d’attribuer ou de retirer l’exclusivité à une organisation.

Les monopoles d’innovation

Un monopole d’innovation découle d’un brevet qui protège temporairement une invention. Cela permet à l’entreprise innovatrice de rentabiliser ses investissements et d’encourager la recherche. C’est le cas de nombreux médicaments, dont les vaccins récents. Une fois le brevet expiré, la concurrence revient avec les génériques, ce qui réduit les prix et élargit l’accès.

À retenir

Le monopole peut être naturel (lié aux coûts fixes), institutionnel (décidé par la loi) ou d’innovation (lié aux brevets). Certains sont encadrés ou transformés en services publics pour garantir un accès universel, mais tous posent un problème d’efficacité car ils réduisent les gains à l’échange.

Réguler les marchés : la politique de la concurrence

Les marchés imparfaitement concurrentiels réduisent le bien-être collectif. Pour y remédier, les pouvoirs publics mènent une politique de la concurrence, qui fait partie des politiques structurelles aux côtés de la politique industrielle. Elle vise à maintenir une concurrence effective en surveillant les fusions-acquisitions, en sanctionnant les ententes illicites et en luttant contre les abus de position dominante (quand une entreprise utilise sa puissance pour imposer ses conditions). Par exemple, la Commission européenne a condamné Google pour avoir favorisé ses propres services dans ses résultats de recherche.

Cette politique poursuit deux grands objectifs. D’une part, protéger les consommateurs contre des prix excessifs ou un choix restreint. D’autre part, stimuler l’innovation en empêchant qu’une entreprise dominante n’empêche l’entrée de nouveaux concurrents. Elle contribue ainsi à rendre la concurrence un moteur de progrès et non un obstacle.

À retenir

La politique de la concurrence est une politique structurelle qui complète la politique industrielle. Elle protège les consommateurs, stimule l’innovation et encadre les ententes, les abus de position dominante et les monopoles.

Conclusion

Le marché n’est pas un mécanisme spontané : il est une institution sociale reposant sur des règles juridiques et sociales. Le modèle de la concurrence parfaite permet de comprendre la formation du prix d’équilibre et les gains à l’échange, mais il reste théorique. Dans la réalité, les marchés imparfaitement concurrentiels (oligopoles, monopoles) réduisent ces gains.

Selon qu’ils sont naturels, institutionnels ou d’innovation, certains monopoles peuvent être encadrés ou transformés en services publics pour assurer l’accès universel. C’est pourquoi les pouvoirs publics, en France comme en Europe, mènent une politique de la concurrence, inscrite parmi les politiques structurelles, pour garantir une concurrence loyale, protéger les consommateurs et favoriser l’innovation. Dans un contexte où de grandes firmes concentrent un pouvoir croissant, cette régulation est un enjeu majeur pour l’avenir des économies de marché.