Le génocide dans la littérature et le cinéma

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Relater ou mettre en scène le génocide semble impossible tant les mots et les images sont incapables de décrire l’horreur. Pourtant, témoigner est une nécessité pour lutter contre l’oubli. Les récits littéraires et les films ont suivi le rythme de l’histoire de la mémoire du génocide.

I. Une intention précoce mais difficile

1 ) Écrire et filmer pendant la guerre

Dès 1942, les habitants des ghettos polonais écrivent pour laisser une trace de leurs souffrances mais aussi pour fournir des éléments de preuve du génocide.

Dès la fin de 1941, les Soviétiques filment les traces des exactions commises à l’Est, notamment la mise à jour des fosses : à des fins de propagande (mobiliser la haine de l’ennemi) et pour alerter l’opinion internationale.

2 ) Dans l’immédiat après-guerre : un récit inaudible

Entre 1945 et 1948, près de 400 « livres du souvenir » sont écrits collectivement par des survivants des ghettos. Mais ces œuvres ne connaissent qu’une diffusion confidentielle : le temps est à l’oubli.

Info

Le Journal d’Anne Frank et Si c’est un homme de Primo Levi sortent en 1947. S’ils sont aujourd’hui considérés comme des œuvres majeures sur la Shoah, ils n’ont eu que peu de lecteurs à leur sortie.

En 1945, les images anglo-saxonnes de la libération des camps sont diffusées au cinéma avant les actualités : le monde découvre l’horreur des « camps ». Elles sont présentées comme des preuves à Nuremberg. Mais elles font naître une confusion durable entre les déportés sélectionnés pour travailler et les Juifs exterminés dans les chambres à gaz.

II. Le réveil littéraire et cinématographique

1 ) L’éclipse avant le réveil

Dans les années 1948-1955, les récits littéraires se tarissent faute de lecteurs et de témoignages. Les films concernant la Shoah sont tout aussi rares, sauf à l’Est où certains sont tournés à Auschwitz, ouvert par les Soviétiques en 1947.

En 1956, Nuit et Brouillard, premier film français évoquant le système concentrationnaire nazi, choque par sa violence : des bulldozers poussent les cadavres dans des fosses, des montagnes de cheveux et d’objets personnels des victimes témoignent de l’extermination. Mais le sort des Juifs n’est pas identifié, c’est un documentaire sur la déportation.

2 ) Le réveil mémoriel

Le procès d’Eichmann , en 1961, libère la parole. Ainsi, Léon Uris publie Exodus (1961), adapté au cinéma la même année, et Primo Levi sort La Trêve (1963), récit de son retour en Italie. À cette occasion, Si c’est un homme est réédité et connaît un succès mondial. La Nuit, d’Elie Wiesel, connaît un cheminement analogue.

En 1977, la série télévisée américaine Holocaust, réalisée par Marvin Chomsky, matérialise également ce tournant. Malgré un succès considérable, elle suscite les critiques des rescapés. Elle est diffusée en France en 1979, pendant le procès de Cologne, afin de répondre aux premiers propos négationnistes.

III. La Shoah : un sujet devenu universel

En 1985 sort le film Shoah, de Claude Lanzmann. Ce documentaire de plus de 9 heures est constitué de témoignages de victimes, de bourreaux (filmés à leur insu) et de villageois témoins du génocide.

Entre 1985 et 2000, 2 000 films sont consacrés à la Shoah, dont La Liste de Schindler (1993) et La Vie est belle (1997), et plus de 20 000 films depuis les années 2000 comme Le Pianiste (2002) ou La Rafle (2009). Le film hongrois Le Fils de Saul (2015), qui met en scène le quotidien d’un sonderkommando, obtient le Grand Prix du festival de Cannes. Le sujet devient universel.

Les derniers rescapés vivants prennent la plume (Ida Grinzpan, J’ai pas pleuré, 2002). Après la génération des enfants de déportés dans les années 1990 (Patrick Modiano, Art Spiegelman avec la bande dessinée Maus), c’est aujourd’hui celle des petits-enfants qui écrit. Ils rédigent ainsi des enquêtes sur les grands-parents qu’ils n’ont jamais connus (Daniel Mendelsohn, Les Disparus, 2006).