La religion : une double étymologie

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A) Religere, (se) recueillir

La première étymologie possible du mot religion est le verbe latin religere, qui signifie « (se) recueillir, réfléchir ». Ici, il s’agit de penser la religion d’abord comme une vie intérieure et donc de la renvoyer à l’attitude religieuse, c’est-à-dire la foi (du latin fides, « confiance »). Or, la foi est une notion problématique : est-elle rationnelle, rationalisable ou irrationnelle ? Par exemple, le « Dieu des philosophes » est un Dieu rationnel, mais la question se pose de savoir si ce Dieu peut encore être un objet de foi.

Définition

Le « Dieu des philosophes » est une invention des philosophes pour tenter de penser la foi et Dieu comme objets rationnels. On le rencontre pour la première fois chez Aristote, qui le définit comme première cause, premier moteur, afin de résoudre de manière rationnelle le problème de la régression à l’infini des causes. En effet, si on considère que tout ce qui existe a une cause, on va donc chercher sa cause pour savoir pourquoi cette chose existe. Mais cette cause a elle-même une cause, sinon elle n’existerait pas. Si on remonte de cause en cause, on risque de devoir remonter indéfiniment. Il faut donc trouver une cause qui soit à la fois cause de toutes les autres, et sans cause elle-même. Une des manières de résoudre ce problème est de penser Dieu comme première cause, et cause de lui-même (causa sui).

B) Religare, relier

Une seconde étymologie possible est le verbe latin religare, qui signifie « attacher, relier ». On peut comprendre ce terme de trois manières.

La première, c’est le lien vertical entre le croyant et le divin, par exemple la relation qu’entretient chaque homme avec Dieu dans les religions monothéistes. C’est l’idée par exemple de la révélation, de la conversion.

La plupart des religions envisagent à la fois une rupture entre un ici-bas (la vie ordinaire) et un au-delà, et un rapport entre les deux (mes actions ici-bas ont des conséquences dans l’au-delà). La deuxième manière de comprendre cette étymologie, c’est donc de penser la religion comme une tentative de relier ces deux niveaux. On peut alors se demander si une religion de l’immanence, selon laquelle par exemple Dieu n’est pas un être distinct du monde, mais constitue l’intégralité du monde, aurait encore un caractère véritablement religieux. Ne peut-on penser la religion que vis-à-vis d’un objet qui nous transcende ?

La troisième manière, c’est celle du lien non pas vertical entre Dieu et le croyant, mais plutôt le lien horizontal entre les croyants eux-mêmes. Une des caractéristiques fondamentales des religions n’est-elle pas justement l’existence d’une communauté de croyants qui se réunissent autour d’un ensemble de dogmes, de croyances et de pratiques ?

Repères

Immanent/transcendant

Est immanent ce qui est du même niveau, ce qui est accessible. Par exemple, on peut dire que les dieux de la mythologie grecque sont immanents : leur aspect, leurs sentiments et leur comportement ressemblent à ceux des êtres humains, et ils interviennent sans cesse dans les affaires des hommes, au point même de se reproduire parfois avec eux.

Est transcendant ce qui va « au-delà », ce qui nous dépasse, ce qui est d’un degré de réalité supérieure. Le Dieu des religions monothéistes est un dieu transcendant.