Introduction
Les années 1970 marquent une période de profondes transformations pour l'Europe, caractérisée par la chute des régimes autoritaires en Espagne, au Portugal et en Grèce. Ces transitions, connues sous le nom de la « troisième vague de démocratisation », ont permis l'élargissement de la Communauté économique européenne (CEE), renforçant l'idée d'une Europe unie, démocratique et prospère. Cette leçon examine les causes et les conséquences de ces changements ainsi que leur impact significatif sur le projet européen.
La chute des régimes autoritaires
Durant les années 1970, l'Europe du Sud voit l'effondrement de trois régimes autoritaires : au Portugal, en Espagne et en Grèce. Ces transitions vers la démocratie sont influencées par des facteurs internes et externes.
Le Portugal
La Révolution des Œillets, survenue le 25 avril 1974, met fin à la dictature instaurée par Salazar (1932-1968), poursuivie par son successeur Marcello Caetano. L'armée portugaise, réunie au sein du Mouvement des Forces Armées, prend le pouvoir par un coup d'État militaire pacifique. Le mécontentement des militaires, épuisés par les longues guerres coloniales en Angola et au Mozambique, ainsi que par une économie affaiblie et une gestion politique inefficace, explique largement ce mouvement. La Révolution des Œillets ouvre ainsi la voie à une transition rapide vers la démocratie. Toutefois, cette transition est également marquée par des défis internes importants : les difficultés liées à la décolonisation des territoires africains (intégration difficile des rapatriés, tensions économiques et sociales) rendent complexe la modernisation économique et politique du pays, malgré le soutien international.
L’Espagne
En Espagne, la dictature franquiste prend fin avec la mort du général Francisco Franco en 1975. Cet événement marque le début d’un processus de démocratisation guidé non seulement par le roi Juan Carlos Iᵉʳ, mais aussi par un large consensus politique. Cette transition repose notamment sur le rôle décisif du Premier ministre Adolfo Suárez, ainsi que sur une large coalition incluant les partis d’opposition démocratiques, des syndicats et même certains acteurs issus des institutions franquistes. Ce large consensus est formalisé par les pactes de la Moncloa de 1977, qui assurent la stabilité politique et économique pendant la transition. La Constitution adoptée en 1978 instaure une monarchie parlementaire stable et démocratique, permettant à l'Espagne de rejoindre pleinement les démocraties européennes.
La Grèce
En Grèce, la dictature instaurée en 1967 par une junte militaire (souvent appelée « dictature des colonels ») prend fin en 1974, à la suite de la crise chypriote et de l'intervention militaire turque à Chypre, événements qui discréditent profondément le régime. Cette junte militaire avait été fortement soutenue par les États-Unis dans le contexte de la guerre froide, en raison de sa position stratégique face au bloc soviétique. Le retour de l'ancien Premier ministre Konstantínos Karamanlís, favorablement accueilli au niveau international, permet de rétablir rapidement la démocratie et de préparer l'adhésion à la CEE en 1981. Karamanlís joue un rôle central dans le rétablissement des institutions démocratiques, adoptant une nouvelle constitution dès 1975.
Les élargissements de la CEE
La chute de ces régimes autoritaires ouvre la voie à leur intégration au sein de la Communauté économique européenne (CEE), qui y voit des partenaires économiques et politiques.
Le Portugal et l’Espagne
Le Portugal et l'Espagne adhèrent à la CEE en 1986. Cette adhésion constitue pour ces pays une opportunité majeure de modernisation économique et institutionnelle grâce aux fonds européens. Toutefois, elle pose aussi des défis importants : l’adaptation aux normes européennes, la gestion d’économies encore fragiles et la concurrence accrue au sein du marché commun. De plus, ces adhésions révèlent au grand jour les inégalités économiques et sociales existantes entre les nouveaux membres et les États plus anciens de la CEE.
La Grèce
La Grèce devient membre de la CEE dès 1981. Son adhésion représente une garantie essentielle de stabilité politique, un soutien à sa démocratie encore jeune, mais elle expose aussi le pays à des défis spécifiques. La Grèce doit gérer sa situation économique fragile, marquée par une administration souvent inefficace et des problèmes de corruption qui limitent la portée des investissements européens. Elle espère également bénéficier du soutien européen face aux tensions géopolitiques persistantes avec la Turquie, notamment concernant le dossier chypriote.
Les impacts et les défis de l’élargissement
L'élargissement de la CEE entraîne des transformations économiques et politiques importantes, à la fois pour les nouveaux membres et pour la Communauté dans son ensemble.
Pour les nouveaux membres
L'adhésion à la CEE représente une occasion unique de modernisation économique et institutionnelle. Grâce aux fonds structurels européens, ces pays améliorent sensiblement leurs infrastructures et dynamisent leur développement économique. Néanmoins, cette intégration révèle aussi de fortes contraintes : adaptation difficile aux règles communautaires, réformes institutionnelles complexes, gestion des inégalités internes et difficultés à intégrer une économie plus ouverte à la concurrence européenne.
Pour la CEE
Cet élargissement représente une étape majeure vers une Europe plus unie et démocratique, mais impose également d’importants ajustements institutionnels. L'élargissement nécessite notamment une révision des mécanismes de décision et une réflexion approfondie sur l’intégration politique et économique des nouveaux membres. Les défis incluent la gouvernance élargie, la solidarité économique entre États membres, et la gestion de crises internes et régionales désormais plus complexes. La prise de décision au sein des institutions européennes devient ainsi plus difficile et impose une adaptation permanente.
Conclusion
La chute des régimes autoritaires en Europe dans les années 1970 et l'élargissement de la CEE représentent un tournant essentiel dans l'histoire européenne récente. Ces transitions vers la démocratie contribuent à consolider la paix, la stabilité et les valeurs démocratiques sur le continent. L'intégration des pays du sud de l'Europe transforme profondément leurs économies et sociétés, et élargit durablement le projet européen en ouvrant la voie à d’autres élargissements ultérieurs.
Cependant, ces événements soulignent aussi des défis persistants, notamment en matière d'intégration économique, de gestion des crises internes et de maintien de la cohésion communautaire. Ces enjeux demeurent au cœur des débats actuels sur l'avenir institutionnel et politique de l'Union européenne.