Introduction
Les inégalités sont des écarts d’accès à des ressources socialement valorisées. On distingue les inégalités économiques, qui concernent principalement les revenus et le patrimoine, des inégalités sociales, qui portent sur l’éducation, la santé, l’emploi, le logement ou encore la participation à la vie sociale. Étudier leur évolution sur un siècle permet de comprendre comment les richesses et les positions sociales ont été redistribuées dans le temps, en lien avec la croissance économique, les politiques publiques et les mutations sociales.
Cette analyse mobilise des outils statistiques rigoureux, comme les déciles de revenu, le coefficient de Gini ou le seuil de pauvreté relative, et s’appuie sur les travaux de chercheurs majeurs comme Thomas Piketty ou Anthony Atkinson.
Une forte réduction des inégalités économiques dans les pays développés après 1945
Dans l’après-guerre, les pays industrialisés connaissent une période de forte croissance économique et de transformations structurelles. Les « Trente Glorieuses » (1945-1975) se caractérisent par une élévation du niveau de qualification, une massification de l’enseignement, une salarisation croissante et un développement sans précédent de l’État-providence.
Les inégalités de revenus et de patrimoine diminuent alors sensiblement. La hausse régulière des salaires, les politiques de redistribution, la fiscalité progressive et l’extension des droits sociaux (retraites, sécurité sociale, prestations familiales) y contribuent fortement.
Exemples : Selon Thomas Piketty, la part du revenu national captée par les 10 % les plus riches en France chute d’environ 45 % en 1910 à moins de 30 % en 1980. Le coefficient de Gini, indicateur de concentration des revenus, diminue également dans la plupart des pays occidentaux au cours de cette période.
À retenir
Entre 1945 et 1980, les pays développés enregistrent une nette réduction des inégalités économiques, sous l’effet de la croissance, des politiques sociales et de la fiscalité progressive.
Le retour des inégalités depuis les années 1980
Depuis les années 1980, les inégalités repartent à la hausse dans de nombreux pays développés. Cette inflexion s’explique par la mondialisation, les mutations technologiques, la dérégulation financière, et souvent, la remise en cause partielle des politiques redistributives.
Les revenus du capital progressent plus vite que les salaires, favorisant l’enrichissement des ménages les plus aisés. Les très hauts revenus se développent, en particulier dans les secteurs de la finance et du numérique. Dans le même temps, la progression des emplois précaires et la stagnation des bas salaires creusent les écarts.
Exemples : Aux États-Unis, la part du revenu national captée par le 1 % des plus riches passe de 10 % environ en 1980 à plus de 20 % dans les années 2010. En France, la hausse est plus contenue. Le rapport inter-décile D9/D1 augmente dans la plupart des pays de l’OCDE. L’indice de Palma, qui compare les revenus des 10 % les plus riches à ceux des 40 % les plus pauvres, offre un autre indicateur utile de ces écarts.
À retenir
Depuis les années 1980, les inégalités économiques s’accentuent dans de nombreux pays développés, avec un enrichissement des plus aisés et une fragilisation des revenus modestes.
Des inégalités sociales durables et cumulatives
Les inégalités dépassent la seule sphère économique. Elles s’observent dans l’accès aux soins, à l’éducation, au logement, à la culture ou à des réseaux sociaux valorisés. Ces inégalités sociales tendent à se renforcer mutuellement et à se transmettre d’une génération à l’autre.
Certains groupes cumulent les désavantages : les enfants de familles modestes réussissent moins bien à l’école, accèdent moins aux études longues et rencontrent plus d’obstacles pour obtenir un emploi stable. Ces inégalités sont souvent aussi territoriales, marquées par la concentration des difficultés dans certains quartiers urbains ou dans des zones rurales isolées.
Exemples : En France, les enfants d’ouvriers ont une probabilité nettement plus faible d’accéder aux grandes écoles que ceux de cadres. Les femmes perçoivent encore, à poste et qualification équivalents, des salaires inférieurs à ceux des hommes, et sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel ou précaires.
À retenir
Les inégalités sociales affectent de nombreux aspects de la vie quotidienne. Elles s’ajoutent aux inégalités économiques, et tendent à se reproduire dans le temps.
Des trajectoires contrastées selon les pays, et des inégalités mondiales à nuancer
Les dynamiques des inégalités diffèrent d’un pays à l’autre. Certains pays européens (comme la France ou la Suède) ont limité la progression des inégalités grâce à des systèmes redistributifs efficaces. D’autres, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont connu une polarisation plus marquée, avec une concentration accrue des revenus.
À l’échelle mondiale, les inégalités entre pays ont diminué depuis les années 1990, principalement du fait du rattrapage de pays très peuplés comme la Chine ou l’Inde. Cette baisse est visible quand on pondère les revenus moyens par la population : le revenu par habitant a fortement augmenté dans ces pays, ce qui réduit l’écart avec les pays riches.
Mais dans ces mêmes pays, les inégalités internes ont fortement progressé. Exemple : en Chine, la transition vers une économie de marché s’est accompagnée d’un creusement des écarts entre zones urbaines et rurales, et entre les régions côtières dynamiques et l’intérieur du pays. Le seuil de pauvreté relative (généralement fixé à 60 % du revenu médian) permet aussi de suivre la part de la population en situation de pauvreté dans les pays développés et émergents.
À retenir
Si les écarts entre pays tendent à se réduire, les inégalités internes progressent souvent, notamment dans les pays émergents comme la Chine. Les politiques publiques jouent un rôle central dans ces évolutions contrastées.
Conclusion
L’évolution des inégalités au cours du dernier siècle est marquée par une phase de réduction dans l’après-guerre, suivie d’un retour des écarts depuis les années 1980. Ces inégalités sont à la fois économiques (revenus, patrimoine) et sociales (éducation, santé, logement), souvent durables et cumulatives. Leur compréhension suppose l’usage d’indicateurs adaptés (déciles, coefficient de Gini, indice de Palma) et une attention aux spécificités nationales.
Cette analyse éclaire les enjeux de cohésion sociale, de justice distributive et d’efficacité économique, et invite à réfléchir aux leviers d’action possibles pour les réduire.
