L’évolution de la poésie durant le XIXᵉ siècle : le romantisme et le Parnasse

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Dans cette leçon, tu découvres comment le XIXᵉ siècle oppose deux courants poétiques majeurs : le romantisme, où le poète exprime ses émotions, dialogue avec la nature et s’engage dans son époque, et le Parnasse, qui défend l’art pour l’art, l’impersonnalité et la rigueur formelle. Cette tension prépare l’émergence de la poésie moderne. Mots-clés : poésie XIXᵉ siècle, romantisme, Parnasse, Lamartine, Hugo, Leconte de Lisle.

Introduction

Au XIXᵉ siècle, la France change de visage : révolutions, républiques, monarchies et empires se succèdent, tandis que l’industrialisation transforme la société et accentue l’individualisme. Dans ce contexte troublé, la poésie devient un terrain privilégié pour penser et ressentir ces bouleversements. Elle se divise entre deux grandes orientations : le romantisme, qui fait de la poésie une expression de la sensibilité et de l’engagement, et le Parnasse, qui revendique l’impersonnalité et la recherche d’une beauté pure.

Le romantisme : une poésie du moi, de la nature et de l’engagement

Le romantisme s’affirme au début du siècle comme une rupture avec les règles classiques et comme une réaction face aux incertitudes politiques et sociales. Il met en avant l’expression du moi : le poète révèle ses émotions, ses doutes, ses blessures intimes. Dans les Méditations poétiques (1820), Lamartine exprime sa mélancolie en associant ses états d’âme aux paysages naturels, comme dans le poème « Le Lac » où l’eau devient le miroir de la fuite du temps.

La nature est en effet un élément central : elle reflète les sentiments humains et amplifie l’émotion poétique. Victor Hugo, dans Les Contemplations (1856), associe son expérience personnelle du deuil à la grandeur de la nature, qui devient le lieu d’un dialogue entre l’homme et l’univers.

Le romantisme est aussi une poésie de l’engagement. Hugo, encore lui, dans Les Châtiments (1853), dénonce la tyrannie de Napoléon III et fait du poète une voix collective, porteuse d’un idéal de justice et de liberté. Le poète romantique n’est pas seulement un homme sensible : il est un guide et un témoin de son temps.

On trouve un bel exemple du lyrisme romantique chez Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques (1820), dans le poème L’isolement :

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,

Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;

Je promène au hasard mes regards sur la plaine,

Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Lamartine, marqué par la perte de Julie Charles (qu’il évoquera sous le nom d’Elvire), exprime sa mélancolie dans ce paysage crépusculaire. Le paysage reflète sa douleur intérieure, ce qui illustre l’union du moi et de la nature propre au romantisme.

À retenir

Le romantisme privilégie l’expression du moi, le lyrisme, la communion avec la nature et l’engagement du poète. La poésie y est à la fois intime et universelle, personnelle et politique.

Le Parnasse : l’art pour l’art et la rigueur formelle

Face aux débordements lyriques du romantisme, le Parnasse apparaît vers le milieu du siècle comme une réaction. Il refuse l’expression personnelle et revendique une esthétique fondée sur l’impersonnalité, la maîtrise formelle et le culte de la beauté. Leur esthétique se résume à la formule « l’art pour l’art ».

Leconte de Lisle, dans ses Poèmes antiques (1852), compose des fresques inspirées de l’Antiquité où la précision descriptive prime sur l’émotion. José-Maria de Heredia, dans ses Trophées (1893), excelle dans l’art du sonnet parfaitement construit, où chaque mot a la valeur d’une pierre précieuse. Par exemple, nous lisons dans Les Conquérants :

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,

Fatigués de porter leurs misères hautaines,

De Palos, de Moguer, routiers et capitaines

Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ce début de sonnet illustre parfaitement l’esthétique du Parnasse : rigueur du vers alexandrin, richesse des images, composition équilibrée et impersonnelle. L’émotion personnelle disparaît au profit d’une évocation plastique et objective, transformant l’histoire des grandes découvertes en un tableau solennel et sculptural. Le poème n’est pas une confession ni un cri du cœur, mais une œuvre d’art achevée, travaillée avec une exigence quasi artisanale.

À retenir

Le Parnasse rejette le lyrisme romantique et privilégie l’impersonnalité, la perfection formelle et la beauté esthétique. Le poète y est avant tout un artisan du langage.

Conclusion

Le XIXᵉ siècle poétique est traversé par une tension entre deux pôles : le romantisme, où le poète exprime sa voix personnelle et prend part aux combats de son temps, et le Parnasse, où le poète se retire pour construire une œuvre pure, détachée des passions. Cette opposition prépare les mutations de la fin du siècle. Avec Baudelaire, puis les symbolistes comme Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, la poésie explore de nouveaux horizons : elle cherche à exprimer des correspondances secrètes, à libérer le langage, à inventer de nouvelles formes. Ainsi, la confrontation entre romantisme et Parnasse a ouvert la voie à une modernité poétique qui marquera durablement la littérature.