Introduction : Océan et espace : quelles spécificités ?

icône de pdf
Signaler
Dans cette leçon, tu vas explorer comment l’océan et l’espace, loin d’être de simples étendues vides, sont devenus des enjeux majeurs de puissance, d’innovation et de souveraineté. Tu découvriras les défis technologiques, les rivalités géopolitiques et les coopérations internationales qui façonnent ces « dernières frontières » du XXIe siècle. Mots-clés : géopolitique de l’espace, enjeux maritimes, puissances spatiales, océans stratégiques, coopération internationale, exploitation des ressources.

Introduction

L’océan et l’espace apparaissent aujourd’hui comme des domaines à la fois fascinants et stratégiques, où se mêlent découvertes scientifiques, enjeux économiques et rivalités de puissance. Loin d’être vides ou neutres, ces espaces sont au contraire le théâtre de multiples dynamiques politiques, technologiques et environnementales. Ce sont des milieux extrêmes, difficiles d’accès, qui nécessitent des compétences et des moyens techniques importants pour être explorés, exploités ou contrôlés. Ces caractéristiques font de l’océan et de l’espace des enjeux majeurs pour les États et les acteurs privés dans un monde globalisé.

L’enseignement de la spécialité HGGSP amène à interroger la manière dont les sociétés humaines investissent ces espaces. Il s’agit d’analyser les rapports de force à l’œuvre, les formes de coopération qui s’y développent et les représentations associées à ces milieux. En mobilisant l’histoire, la géographie, la géopolitique et la science politique, ce thème permet de comprendre pourquoi et comment l’océan et l’espace sont devenus, pour certains, les « dernières frontières » de l’humanité.

L’océan et l’espace : des milieux spécifiques

Les océans couvrent environ 71 % de la surface terrestre et jouent un rôle crucial dans les équilibres climatiques, la biodiversité et le commerce international. Quant à l’espace, il débute conventionnellement à 100 km d’altitude : c’est la ligne de Kármán. Cette limite est une construction arbitraire, adoptée par la Fédération aéronautique internationale, mais elle fait l’objet de débats. La Force aérienne des États-Unis, par exemple, considère que l’espace commence à 80 km d’altitude. Cette divergence, loin d’être uniquement scientifique, reflète aussi des enjeux politiques et militaires, notamment en matière de reconnaissance des vols habités ou des records spatiaux.

Ces deux milieux partagent des caractéristiques essentielles : leur immensité, leur inaccessibilité relative et la nécessité de mobiliser des technologies de pointe pour y intervenir. Ce sont également des environnements hostiles à la vie humaine : l’espace est un vide soumis à des radiations, tandis que les abysses marins présentent des pressions extrêmes et une obscurité permanente.

À cela s’ajoute une connaissance encore incomplète. Si les technologies récentes ont permis des progrès notables (télédétection spatiale, sous-marins autonomes, satellites), de larges portions des fonds marins ou de l’univers restent mal connues. L’espace profond et certaines zones abyssales échappent encore à une observation précise, ce qui alimente les fantasmes mais aussi les ambitions scientifiques.

À retenir

L’océan et l’espace sont deux milieux vastes, hostiles et partiellement méconnus, qui exigent des compétences technologiques avancées pour y accéder. Leur exploration progresse, mais reste limitée par de fortes contraintes physiques et techniques. Ces caractéristiques en font des enjeux stratégiques majeurs pour les puissances.

Des enjeux de souveraineté et de puissance

L’accès à ces espaces permet à certains États d’affirmer leur souveraineté. Dans les océans, la maîtrise des routes maritimes, le contrôle des ressources halieutiques ou énergétiques, ainsi que la capacité de projection militaire (via les porte-avions ou les sous-marins nucléaires) sont des éléments essentiels de la géopolitique contemporaine.

Dans l’espace, la mise en orbite de satellites, les missions habitées ou robotiques, et les projets d’exploitation minière extraterrestre participent aussi à cette dynamique. Les États-Unis, la Chine, la Russie, mais aussi l’Inde ou l’Union européenne se livrent à une compétition féroce. La maîtrise de l’espace permet des avancées dans les télécommunications, l’observation de la Terre, la géolocalisation, voire la dissuasion militaire. Celle-ci repose non seulement sur l’usage stratégique des satellites, mais aussi sur la capacité à les neutraliser : armes antisatellites, tests de destruction orbitale ou cyberattaques ciblant les infrastructures spatiales montrent que ces dernières sont devenues particulièrement vulnérables.

Ces espaces sont également des terrains d’affrontement symbolique. La conquête de la Lune en 1969 par les États-Unis fut un acte emblématique de la guerre froide. Aujourd’hui encore, envoyer un astronaute dans l’espace ou déployer une flotte sur tous les océans du globe reste un signe de grandeur pour les puissances émergentes.

À retenir

La maîtrise de l’espace et des mers permet aux États d’affirmer leur souveraineté et leur puissance. Ces milieux sont devenus des terrains de compétition stratégique, notamment en raison de leur militarisation croissante et de la vulnérabilité des infrastructures spatiales.

L’émergence de nouveaux acteurs et la montée des enjeux économiques

L’accès à ces espaces n’est plus réservé aux seuls États. Les entreprises privées y jouent un rôle croissant. Dans le domaine spatial, des firmes comme SpaceX et Blue Origin développent des lanceurs. OneWeb, de son côté, déploie une constellation de satellites pour offrir un accès mondial à Internet, sans produire elle-même de lanceurs. Cette diversification des acteurs accélère les innovations, mais soulève aussi des enjeux réglementaires.

Dans les océans, les compagnies pétrolières, minières ou de pêche industrielle exploitent des ressources de plus en plus profondes. La recherche de terres rares, de gaz ou de pétrole offshore pousse à intervenir dans des zones jusqu’ici inaccessibles. La haute mer, définie comme l’espace maritime situé au-delà des zones économiques exclusives (ZEE), soit plus de 200 milles marins des côtes, devient un espace convoité, alors même que le cadre juridique pour son exploitation reste flou.

Cette marchandisation de l’espace et de la mer s’accompagne de risques : surexploitation des ressources, pollutions, conflits d’intérêts, militarisation… Le droit international tente d’encadrer ces pratiques, notamment à travers la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982) ou le traité de l’espace de 1967. Ce dernier interdit toute appropriation nationale des corps célestes, ce qui limite les ambitions de souveraineté extraterrestre.

À retenir

L’espace et l’océan attirent de plus en plus d’acteurs privés. Leur exploitation soulève des enjeux juridiques, écologiques et politiques majeurs. Le droit international encadre partiellement ces activités, mais peine à suivre l’évolution rapide des pratiques.

Océan et espace : des coopérations nécessaires

Face à ces tensions, la coopération internationale apparaît comme une nécessité. L’exploration spatiale, en particulier, a souvent donné lieu à des partenariats scientifiques dépassant les logiques de blocs. La Station spatiale internationale, fruit d’une coopération entre la NASA, l’ESA, Roscosmos, la JAXA et d’autres agences, en est un exemple emblématique.

Dans le domaine maritime, les accords sur les zones économiques exclusives, les traités sur la pêche ou les initiatives de protection de la biodiversité en haute mer témoignent d’un effort partagé. C’est le cas du traité en cours de négociation sur la « Biodiversity Beyond National Jurisdiction » (BBNJ), qui vise à encadrer la conservation et l’usage durable de la biodiversité au-delà des juridictions nationales.

Cette gouvernance partagée repose sur l’élaboration de règles internationales, la coordination entre États, et le rôle d’institutions multilatérales comme l’ONU, l’Organisation maritime internationale (OMI) ou le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.

Cependant, cette coopération est fragile. Les intérêts divergents, les concurrences économiques et les stratégies de puissance entravent parfois les initiatives collectives. Les tensions géopolitiques, telles que celles autour de Taïwan ou dans l’Arctique, n’appartiennent pas directement à ces milieux, mais elles affectent la gouvernance de l’espace et des océans en favorisant la militarisation, la course aux armements ou les tentatives de contrôle de certaines routes stratégiques.

À retenir

La coopération est essentielle pour préserver et réguler l’usage de l’espace et de l’océan. Elle s’appuie sur des règles, des institutions et des mécanismes de coordination, mais reste vulnérable aux rivalités géopolitiques et aux intérêts nationaux divergents.

Conclusion

Les océans et l’espace ne sont plus des vides géographiques : ils sont devenus des territoires convoités, façonnés par les logiques de puissance, les intérêts économiques et les préoccupations environnementales. Leur exploration et leur usage posent des défis techniques, politiques et juridiques majeurs. Ils apparaissent ainsi comme les « dernières frontières » à la fois concrètes et symboliques de notre monde contemporain. Comprendre ces enjeux permet d’éclairer les tensions actuelles, mais aussi les possibles coopérations à venir. L’étude des rapports à ces espaces révèle comment les sociétés humaines projettent leur avenir et organisent leur rapport au monde.