Formes et limites de la démocratie d’après Constant et Tocqueville

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Dans une France qui connaît de nombreux soubresauts politiques après 1789, Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville représentent une tradition libérale. Tous deux s’attachent à penser la démocratie, en plaçant en son cœur le respect des libertés.

I Constant : participer ou être représenté ?

1 Homme de lettres et théoricien du libéralisme

Benjamin Constant (1767-1830) est né à Lausanne dans une famille protestante. Arrivé à Paris en 1795, il participe à la vie intellectuelle de son temps.

Constant mène une riche carrière politique, il est présent dans nombre d’assemblées après la Révolution. Il y défend le principe de liberté.

De son parcours naît une œuvre à la fois littéraire (Adophe, 1816) et politique (De l’esprit de conquête de l’usurpation, 1814 ; Principes de politique, 1815).

2 Une société politique fondée sur la liberté privée

Dans la conférence intitulée « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » (1819), Constant analyse les cités antiques et la société politique de son temps.

Selon lui, la supériorité des Modernes repose sur la liberté individuelle qui permet à chacun d’entreprendre. Si les citoyens antiques participaient aux affaires politiques, ils n’avaient en revanche que peu de libertés privées.

3 Le refus de la démocratie directe

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La démocratie représentative est un type de démocratie dans laquelle le peuple souverain élit des représentants (députés) qui votent la loi en son nom. Elle s’oppose à la démocratie directe.

Dès lors, les citoyens des sociétés modernes, trop absorbés par leurs activités privées, n’ont pas le temps de se consacrer à la vie publique, d’où la nécessité selon Constant d’une démocratie représentative.

Constant est par ailleurs favorable à un régime réservant aux élites sociales la direction des affaires politiques. Il prône ainsi le suffrage censitaire, faisant dépendre le droit de vote des conditions de fortune.

II Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie ?

1 Un grand penseur de la démocratie libérale

Alexis-Charles-Henri Clérel, comte de Tocqueville (1805-1859) est issu d’une des plus grandes familles de la noblesse normande. Il mène une brillante carrière : juge, député, académicien, ministre des Affaires étrangères.

Juriste et théoricien politique, Tocqueville est l’auteur de deux ouvrages majeurs : De la démocratie en Amérique (1835-1840) et L’Ancien Régime et la ­Révolution (1856) qui replace 1789 dans une continuité historique.

2 L’égalité en démocratie

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La démocratie américaine repose sur la Constitution proclamée en 1787 et fondant un régime républicain fédéral avec séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Pour Tocqueville, l’égalité est la « passion » politique de son temps. Il la voit à l’œuvre dans la démocratie américaine fondée en 1787 et croit à son avènement en Europe.

L’égalité n’est pas de nature économique pour lui, mais juridique et politique. Il s’oppose donc à la société d’ordres et prône le suffrage universel, à la différence de Constant.

3 Le risque du despotisme démocratique

Pour Tocqueville, l’égalité ne va pas forcément de pair avec la liberté et pourrait même accoucher d’une forme nouvelle de despotisme. Dans un système basé sur l’élection, l’égalité peut en effet aboutir à la « tyrannie de la majorité ». Les citoyens peuvent se désintéresser des affaires publiques, donc renoncer à leur liberté, et s’en remettre à un chef, élu, mais tout-puissant.

Face à ce danger, Tocqueville en appelle à une citoyenneté active, par l’instruction publique, une presse libre et des partis politiques démocratiques.