Introduction
Une voiture assemblée en Slovaquie, avec un moteur fabriqué en Allemagne, des composants électroniques venus du Japon et un logiciel conçu aux États-Unis, illustre la division internationale du travail actuelle. Les différentes étapes de production sont réparties entre plusieurs pays selon leurs avantages comparatifs – c’est-à-dire leurs caractéristiques économiques et géographiques favorables – et intégrées dans des chaînes de valeur mondiales (global value chains, GVC). Ce mode d’organisation ne se limite pas à l’industrie : l’agroalimentaire, les services numériques ou l’aéronautique suivent la même logique. Comprendre cette répartition permet d’analyser comment elle influence l’aménagement des territoires et la hiérarchie économique mondiale.
Les chaînes de valeur mondiales et leur organisation
Une chaîne de valeur mondiale désigne l’ensemble des étapes successives qui transforment une idée ou une ressource brute en un produit ou service fini, réparties entre plusieurs pays. Cette organisation est souvent fragmentée à l’échelle internationale : conception, fabrication de composants, assemblage, distribution, service après-vente peuvent se faire dans des États différents.
Les entreprises multinationales pilotent ces chaînes en recherchant l’optimisation : réduire les coûts, accéder aux marchés, profiter de savoir-faire locaux. Elles combinent ainsi des échelles mondiale (choix des pays), régionale (réseaux de production intégrés, comme en Europe ou en Asie) et locale (ancrage dans un pôle industriel ou technologique).
À retenir
Les chaînes de valeur mondiales fragmentent la production entre plusieurs territoires, chaque étape étant localisée là où elle peut être réalisée le plus efficacement.
Les spécialisations productives selon les avantages comparatifs
Chaque territoire développe une spécialisation en fonction de ses avantages comparatifs. La main-d’œuvre bon marché attire certaines industries manufacturières (textile au Bangladesh, électronique au Vietnam). Le savoir-faire technique ou l’excellence en recherche favorisent des activités à forte valeur ajoutée, comme l’aéronautique à Toulouse ou la microélectronique à Taïwan, qui domine la production de semi-conducteurs avancés grâce à l’entreprise TSMC, leader mondial du secteur.
Les infrastructures performantes (ports, réseaux logistiques) facilitent la concentration d’activités exportatrices, comme à Rotterdam ou à Singapour. Les ressources naturelles demeurent un facteur déterminant : le Golfe persique pour le pétrole et le gaz, la République démocratique du Congo pour le cobalt, essentiel aux batteries électriques. Ces spécialisations influencent durablement la structure économique et l’insertion des territoires dans la mondialisation.
À retenir
Les avantages comparatifs d’un territoire – coûts, compétences, infrastructures, ressources – déterminent sa place dans la division internationale du travail.
La concurrence entre territoires pour attirer les activités
Dans un contexte de mondialisation, les territoires sont en compétition pour accueillir usines, centres de recherche ou sièges sociaux. Les États et collectivités mettent en place des politiques d’attractivité : fiscalité réduite, subventions, zones franches (espaces bénéficiant d’avantages fiscaux et réglementaires pour attirer les entreprises), simplification administrative, investissements dans les infrastructures.
Cette concurrence peut bénéficier aux régions qui attirent des projets créateurs d’emplois, mais elle peut aussi comporter un risque de dumping fiscal, social et environnemental si elle s’exerce sans régulation internationale. Cela ne se produit pas systématiquement, mais l’absence de règles communes peut encourager certains territoires à abaisser leurs normes pour séduire les investisseurs.
À retenir
La compétition entre territoires stimule l’investissement mais, sans régulation internationale, elle peut fragiliser les normes sociales et environnementales.
Exemples de répartition sectorielle et spatiale
La construction automobile illustre une répartition sectorielle très intégrée :
Conception et ingénierie localisées dans les pays à forte expertise technologique (Allemagne, Japon, États-Unis).
Production de pièces standardisée dans des pays à coûts salariaux modérés (Europe de l’Est, Mexique).
Assemblage final près des marchés de consommation pour réduire les coûts logistiques.
Dans l’agroalimentaire, certains pays se spécialisent dans les cultures tropicales (cacao en Côte d’Ivoire, café en Colombie), tandis que d’autres dominent la transformation et la distribution. La Suisse, par exemple, ne produit pas de cacao mais s’est spécialisée dans la transformation du cacao importé et la fabrication de chocolat haut de gamme.
Dans les services numériques, la Silicon Valley concentre les sièges d’entreprises innovantes, l’Inde s’impose comme un centre mondial de sous-traitance informatique, et l’Irlande attire les sièges européens de grandes firmes grâce à une fiscalité avantageuse.
À retenir
La répartition des activités suit une logique de complémentarité : conception, production, assemblage et distribution se font dans des lieux différents, choisis pour leurs avantages comparatifs.
Conclusion
La division internationale du travail repose sur des chaînes de valeur mondiales complexes où chaque territoire occupe une place déterminée par ses avantages comparatifs et par les stratégies des entreprises et des États. Elle façonne la géographie économique mondiale, renforce certains pôles tout en marginalisant d’autres espaces, et alimente la concurrence entre territoires. Les enjeux futurs porteront sur la capacité à rendre cette organisation plus résiliente face aux crises, plus équitable dans la répartition des bénéfices et plus respectueuse des impératifs environnementaux.
