Introduction
Un adolescent qui refuse de dire bonjour, un passager qui fraude dans les transports, un individu qui commet un cambriolage : tous ces comportements s’écartent des règles, mais ils ne relèvent pas du même registre. En sociologie, on distingue la déviance, qui désigne toute transgression des normes sociales ou juridiques, et la délinquance, qui renvoie uniquement aux infractions sanctionnées par la loi.
Le programme de Première invite aussi à comprendre que la déviance dépend de l’existence et de l’intériorisation des normes, du contrôle social qui en assure le respect, et des difficultés liées à la mesure de la délinquance.
Déviance et délinquance : distinguer les notions
Les normes sociales sont des règles qui orientent les comportements. Elles peuvent être juridiques (lois, règlements), morales (valeurs de respect, honnêteté), religieuses (interdits alimentaires ou pratiques rituelles) ou coutumières (habitudes partagées dans un groupe). Ces normes, intériorisées par les individus lors de la socialisation, assurent la cohésion collective.
La déviance désigne les comportements qui s’écartent de ces normes, qu’ils soient anodins (retards répétés, refus d’un code vestimentaire) ou graves (consommation de drogues). La délinquance, elle, correspond exclusivement aux infractions pénales sanctionnées par la justice, comme le vol ou la fraude fiscale.
Le respect des normes repose sur le contrôle social. Celui-ci peut être informel, exercé par la famille, les pairs ou les collègues (approbation, critique, exclusion), ou formel, assuré par les institutions comme la police, la justice ou l’école (amendes, peines, notes). La déviance apparaît lorsque ce contrôle est insuffisant ou contesté.
À retenir
La déviance recouvre toute transgression des normes sociales, tandis que la délinquance se limite aux infractions pénales. Le contrôle social, formel ou informel, joue un rôle essentiel dans le maintien des comportements conformes.
Les explications sociologiques de la déviance et de la délinquance
Pour Émile Durkheim, la déviance est un fait social normal : elle existe dans toutes les sociétés et joue une fonction intégratrice et régulatrice en rappelant les limites et en réaffirmant les valeurs communes. Robert Merton montre que la délinquance peut résulter d’une tension entre buts et moyens : la société valorise la réussite mais n’offre pas à tous les mêmes ressources pour y parvenir, ce qui pousse certains à l’innovation (adopter des moyens illégitimes, comme la fraude).
Les interactionnistes, comme Howard Becker, insistent sur les processus sociaux. Sa théorie de l’étiquetage explique qu’un individu devient déviant parce qu’il est désigné comme tel. Cette étiquette peut l’entraîner dans une carrière déviante. Erving Goffman, avec la notion de stigmatisation, montre comment certains attributs (handicap, casier judiciaire, dépendance) enferment durablement une personne dans une identité déviante, rendant difficile la réinsertion.
À retenir
Pour les fonctionnalistes, la déviance a un rôle social mais peut naître de tensions structurelles. Pour les interactionnistes, elle résulte des processus d’étiquetage et de stigmatisation qui façonnent les trajectoires.
Mesurer la délinquance : outils et limites
Mesurer la délinquance est une tâche complexe.
Les statistiques administratives (policières et judiciaires) recensent uniquement les faits enregistrés par les institutions. Elles reflètent l’activité des forces de l’ordre et des tribunaux, mais pas toute la délinquance réelle. Certaines infractions, comme les violences sexuelles ou conjugales, sont souvent sous-déclarées.
Les enquêtes de victimation par sondage (Insee, SSMSI) interrogent directement les individus sur les délits dont ils ont été victimes, qu’ils aient ou non porté plainte. Elles révèlent le chiffre noir de la délinquance — les infractions qui échappent aux statistiques officielles. Mais elles comportent aussi des limites : erreurs de mémoire, réticence à déclarer certains faits, difficultés à assurer une représentativité parfaite de la population.
Ces différences montrent que les chiffres de la délinquance sont une construction sociale : ils dépendent des pratiques institutionnelles et de la volonté des individus à déclarer les faits.
Enfin, les comparaisons internationales doivent être nuancées. Les définitions et pratiques varient selon les pays : la consommation de cannabis est un délit en France mais légale au Canada ou dans certains États américains, ce qui fausse toute comparaison brute des statistiques.
À retenir
Les statistiques policières reflètent l’activité institutionnelle, les enquêtes de victimation mesurent l’expérience des individus. Toutes deux sont limitées, et les comparaisons internationales doivent prendre en compte la diversité des définitions juridiques.
Conclusion
La distinction entre déviance et délinquance est essentielle : la première recouvre toute transgression des normes sociales, la seconde correspond uniquement aux infractions sanctionnées par la loi. Le contrôle social, formel et informel, joue un rôle central pour prévenir ces transgressions. La mesure de la délinquance reste imparfaite : elle combine statistiques administratives et enquêtes de victimation, toutes deux partielles et construites socialement. Enfin, comprendre ces mécanismes n’est pas seulement un savoir scolaire : c’est aussi un enjeu citoyen, qui permet de mieux interpréter les chiffres diffusés dans les médias et de participer de manière éclairée aux débats publics sur l’insécurité et les transformations sociales.
