Introduction
En un peu plus de quarante ans, la Chine est passée du statut de pays à économie planifiée et peu ouverte au commerce extérieur à celui de deuxième puissance économique mondiale. Cette transformation rapide, amorcée à la fin des années 1970, a profondément modifié les paysages urbains, industriels et ruraux. Elle a aussi entraîné de fortes disparités territoriales, opposant littoral et intérieur, villes et campagnes. Comprendre les étapes, les moteurs et les limites de cette croissance permet d’analyser les défis auxquels la Chine est aujourd’hui confrontée.
Les grandes étapes du développement économique
La transformation économique de la Chine commence en 1978 avec les réformes de Deng Xiaoping. L’objectif est d’« ouvrir » l’économie tout en conservant un contrôle politique fort. Les premières mesures suppriment les communes populaires et réintroduisent l’initiative individuelle dans l’agriculture grâce au système de responsabilité familiale, qui redonne aux paysans la liberté de cultiver et de vendre une partie de leur production.
Dans les années 1980, le pays expérimente l’ouverture au commerce extérieur à travers des zones économiques spéciales (ZES) comme Shenzhen, Zhuhai ou Xiamen. Ces espaces bénéficient d’avantages fiscaux et réglementaires pour attirer les investissements étrangers et tester de nouvelles pratiques économiques. Les ZES se distinguent des zones franches, qui sont avant tout des périmètres portuaires ou aéroportuaires bénéficiant d’exonérations douanières temporaires pour faciliter le commerce.
Les négociations officielles pour l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) débutent en 1986 et se poursuivent pendant plus de quinze ans. L’entrée officielle en 2001 marque un tournant, mais elle s’inscrit dans une intégration progressive à l’économie mondiale amorcée bien avant.
Depuis les années 2010, la Chine cherche à réorienter son modèle vers la consommation intérieure, l’innovation technologique et les projets d’envergure internationale, comme l’Initiative « Belt and Road » (Nouvelle route de la soie), lancée en 2013.
À retenir
Depuis 1978, la Chine a évolué d’une économie planifiée fermée vers un modèle ouvert et exportateur, de plus en plus axé sur la consommation et l’innovation.
Les moteurs de la croissance
Plusieurs facteurs expliquent la progression spectaculaire du PIB chinois. L’ouverture économique a permis d’intégrer la Chine aux flux commerciaux et financiers mondiaux. Les zones économiques spéciales (ZES) ont joué un rôle moteur en attirant les investissements directs étrangers (IDE) dans l’industrie manufacturière, tandis que les zones franches ont facilité les échanges internationaux par des avantages douaniers ciblés.
La disponibilité d’une main-d’œuvre abondante et bon marché, combinée à des investissements massifs dans les infrastructures (ports, autoroutes, lignes à grande vitesse), a renforcé la compétitivité. Les grandes villes du littoral, comme Shanghai, Guangzhou ou Shenzhen, sont devenues des pôles industriels et financiers de dimension mondiale.
Depuis les années 2000, la Chine investit fortement dans les hautes technologies, les énergies renouvelables et l’intelligence artificielle, avec l’objectif de réduire sa dépendance aux importations et de devenir un leader mondial dans ces domaines.
À retenir
L’ouverture, les ZES, les zones franches, les IDE et les investissements dans les infrastructures et les technologies ont constitué les piliers de la croissance chinoise.
Des inégalités régionales marquées
La croissance chinoise s’est accompagnée d’un creusement des écarts territoriaux. Le littoral oriental, où se concentrent les ZES, les ports et les grandes métropoles, bénéficie de revenus bien supérieurs à ceux de l’intérieur et de l’ouest du pays. Cette concentration d’activités attire la main-d’œuvre migrante issue des campagnes, alimentant un important flux de migrations internes.
Les villes ont connu un essor spectaculaire, avec un taux d’urbanisation passé d’environ 18 % en 1978 à environ 64 % en 2023 selon la Banque mondiale. Les campagnes, elles, ont souvent vu partir leurs jeunes, ce qui accentue le vieillissement et ralentit le développement local.
Ces inégalités se traduisent aussi par un accès différencié aux services publics, à l’éducation et aux soins, renforcé par le système du hukou (système d’enregistrement des ménages), qui limite les droits des migrants en ville.
À retenir La croissance a surtout profité au littoral et aux grandes villes, accentuant les écarts avec l’intérieur et les zones rurales.
Les politiques pour réduire les inégalités
Face à ces déséquilibres, le gouvernement chinois a mis en place des programmes visant à soutenir les régions en retard. Le programme de développement de l’Ouest (1999) encourage les investissements dans les infrastructures, l’énergie et l’industrie dans les provinces occidentales comme le Xinjiang, le Tibet ou le Gansu.
D’autres initiatives, comme le plan de revitalisation du Nord-Est (2003), visent à moderniser les anciennes régions industrielles en déclin. Le développement des réseaux de transport à grande vitesse, l’extension des services numériques et la promotion du tourisme rural cherchent aussi à mieux intégrer les campagnes à la dynamique nationale.
Plus récemment, les autorités chinoises ont annoncé avoir atteint en 2020 l’objectif d’éradiquer l’extrême pauvreté rurale. Toutefois, plusieurs chercheurs et ONG soulignent que des situations de pauvreté subsistent, notamment selon d’autres indicateurs que ceux retenus par le gouvernement.
À retenir
Des politiques ciblées cherchent à intégrer les régions en retard, mais les disparités territoriales restent un défi majeur pour la Chine.
Conclusion
Depuis la fin des années 1970, la Chine a connu une croissance économique sans précédent, portée par l’ouverture, les investissements étrangers et la modernisation des infrastructures. Ce succès s’accompagne toutefois d’importantes inégalités territoriales, opposant littoral et intérieur, villes et campagnes. Les politiques de rééquilibrage ont permis des progrès, mais la réduction durable de ces écarts demeure l’un des grands enjeux du développement chinois, dans un contexte où l’objectif officiel d’éradication de l’extrême pauvreté rurale reste discuté par une partie de la communauté scientifique et associative.
