Des espaces à contrôler

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Mers et océans sont des territoires où s’affrontent les intérêts géopolitiques et géostratégiques des acteurs étatiques. Malgré des tentatives de coopération internationale, la militarisation des espaces maritimes s’accroît.

I) L’appropriation étatique des mers et océans

Mers et océans connaissent une phase de territorialisation croissante et font l’objet de concurrences entre acteurs, privés comme étatiques. Les tensions qui en résultent ont conduit à la définition, en 1982, de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay.

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La territorialisation est la suite de transformation d’un espace (ici maritime) en territoire, c’est-à-dire un espace approprié et organisé par une société humaine.

L’espace maritime est découpé en compartiments :

– jusqu’à 12 milles marins (1 mille marin = 1 852 m), l’État riverain exerce une pleine souveraineté (mer territoriale) ;

– jusqu’à 24 milles marins, un droit de contrôle (zone contigüe) ;

– jusqu’à 200 milles marins, il jouit des droits d’exploitation exclusifs des ressources naturelles (Zone économique exclusive ou ZEE).

Au-delà se situent les espaces maritimes internationaux, non appropriés. Les détroits internationaux sont réglementés par des conventions ad hoc, mais le droit de passage pacifique y est libre.

La convention de Montego Bay génère ainsi des différences territoriales considérables entre les États. Les différends relatifs à la délimitation maritime sont donc nombreux et aigus.

II) La recomposition des puissances maritimes

1) La domination américaine

La maîtrise des mers par des groupes aéronavals permet une projection de forces à l’échelle mondiale et le traitement des crises internationales, mais aussi la liberté de navigation. La dimension sous-marine est une composante majeure de la dissuasion nucléaire des grandes puissances.

La puissance maritime américaine reste inégalée depuis 1945 : appuyée sur un réseau mondial de bases et facilités navales, l’US Navy représente à elle seule, avec 205 Mds $ de budget, 9 % des dépenses militaires dans le monde.

Parmi les marines européennes, seuls la France et le Royaume-Uni conservent une capacité de projection. La flotte russe a nettement réduit son format depuis la fin de la guerre froide, et ne dispose plus guère de capacité de projection.

2) La Chine, nouvelle puissance maritime

La Chine, en plein essor, détient aujourd’hui la 2e flotte du monde en tonnage, avec plus de 600 navires de guerre. En quatre ans, elle a construit l’équivalent de la marine française et développe un réseau de bases, notamment dans l’océan Indien (« collier de perles »). Elle se déploie à présent dans le monde entier.

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Le « collier de perles » désigne le chapelet de bases et facilités navales obtenues par la Chine le long de la route qui la relie au détroit d’Ormuz et au pétrole du Moyen-Orient.

III) Des espaces de tensions et de conflits

En raison de leur caractère stratégique, les espaces maritimes sont de plus en plus souvent le théâtre de tensions, voire de conflits. Les détroits et canaux transocéaniques sont particulièrement concernés.

Ainsi, l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, a-t-elle transformé la petite mer d’Azov en « lac russe », fermant le détroit de Kertch, et asphyxiant les ports ukrainiens de Berdyansk et Marioupol.

Le détroit d’Ormuz, dans le golfe Persique, est un autre verrou stratégique, qui voit le passage quotidien de 21 millions de barils de pétrole (un tiers du trafic mondial). La Ve flotte américaine, basée à Bahreïn, surveille la zone, notamment face à l’Iran.

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L’appropriation juridique des espaces maritimes

La convention de Montego Bay (Jamaïque) définit un cadre juridique précis des espaces maritimes, de la souveraineté et des utilisations de leurs ressources.

Entrée en vigueur en 1994, ratifiée par la France en 1996, elle rassemble aujourd’hui 168 pays. Mais certains États en sont absents, tels les États-Unis.

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